Deux professeurs, du cellophane, deux gardes à vue
paru sur le site Lundi matin, texte de M@quis
Deux professeurs quinquagénaires en garde à vue pour avoir inscrit « Retailleau “coeur” néonazis » sur du cellophane. Ca s’est passé à Grenoble le 13 mai dernier et c’est l’histoire que M@quis va vous raconter (attention rebondissements !)
« Mais ça craint qu’ils mettent des profs en GAV…!”
Une collégienne croisée dans le tram
M@quis a rencontré Hippolyte et Gédéon. Nous en avons tiré ce texte, qu’ils ont relu et validé.
Hippolyte et Gédéon [1] sont deux profs quinquagénaires, pères de famille. Ils ont respectivement 20 et 30 ans de carrière dans l’Éducation Nationale. Des “darons”, quoi.
Ils aiment encore leur métier. La plupart du temps, ils vont au boulot sans déplaisir, sans la “boule au ventre” que ressentent tellement de gens qui bossent. Ils sont bien placés pour mesurer le fossé entre la réalité et ce que les grands médias racontent. Tout n’est pas si noir dans « la France d’en bas ». A l’école aussi, malgré tout, il y a des trains qui arrivent à l’heure. Leurs élèves sont parfois pénibles, mais souvent très chouettes, à la fois puissant.e.s et fragiles.
Nos deux compères assistent effarés au sabotage du service public d’éducation (et de la santé, de la justice, de l’énergie, des transports…). Depuis Macron et Blanquer, on est passés à la vitesse supérieure. Les injonctions ministérielles sont couramment injustes, souvent absurdes, parfois contradictoires. Hippolyte et Gédéon, comme beaucoup de leurs collègues, essaient de “tenir le cap” dans la tourmente, tandis que d’autres semblent s’accommoder de la situation. Ils savent que pour éviter le burn-out, voire pire [2], leur travail doit garder un peu de sens, quand même. Alors c’est vrai, ça leur arrive de râler (mais de bien rigoler aussi, rassurez-vous).
Hippolyte et Gédéon ne sont pas encartés politiquement. Hippolyte est syndiqué. Gédéon même pas (ou plus). Ils se contentent d’essayer d’user de leur sens critique et d’être un peu humanistes, rationnels. Juste un peu exemplaires, en somme.
Ce mardi 13 mai, les deux rigolos sont d’humeur badine. Le temps est printanier. Ils se retrouvent à la manif “Fonction publique”. Ce qui est bien cette fois, c’est qu’un collectif d’usagers, de profs, de travailleurs sociaux de Grenoble Sud (quartiers populaires) vient renforcer le cortège : elles/ils se battent ensemble depuis plusieurs semaines pour obtenir les moyens de financer une inclusion digne pour les élèves “à besoin particuliers”, pour bosser dans des conditions acceptables, pour ne pas péter un plomb, pour revendiquer un vrai statut pour les AED et les AESH.
Ce qui les met de bonne humeur aussi, ce sont les “cellographs” le long du parcours. Ça change pas la face du monde, mais ça anime un peu les cortèges et en général ça plaît aux gens. C’est parfois un peu chiant, les manifs. Peut-être parce que beaucoup ont oublié à quoi ça servait, comme la grève : à arracher des victoires sociales, à conquérir des droits, à obliger les plus riches à redistribuer un peu. Notez que depuis qu’on se contente de demander de façon polie et convenue, on a rien gagné du tout. Ces gens-là ne lâchent jamais rien spontanément… Après tout, on ferait sans doute la même chose à leur place ?
La suite (avec rebondissements !) ici : https://lundi.am/Hippolyte-et-Gedeon-decouvrent-la-gardav
