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Froid et conditions réelles d’existence

Hier, la météo lançait un message d’alerte Vague de froid. Le lendemain, c’est la neige qui s’invite…

Nous avons ressorti les bonnets, écharpes et gants depuis quelques jours déjà et le froid est saisissant, assurément. En salle des personnels, ça donne lieu à quelques plaintes, quelques blagues, mais heureusement, on est bien chauffé !

Quoique…

Deux polémiques occupent en effet le monde de l’éduc en ce mois de décembre. La première concerne les coupures de chauffage ponctuelles annoncées(1) par un ministre toujours prompt à lancer quelques phrases irréfléchies qui illustrent son asservissement à la politique macroniste, à chaque fois préjudiciable aux plus pauvres.

Çà et là, on dénonce, à raison, les inégalités entre les quartiers, l’argent offert aux entreprises les plus riches par la politique gouvernementale, quand celle-ci rogne en même temps sur le budget de l’éducation, et maintenant sur le chauffage des établissements scolaires.

L’autre polémique concerne le lycée Voillaume de Seine-Saint-Denis (2), mis en avant dans un reportage de RMCInfo montrant des élèves devant étudier alors qu’il fait 14 degrés dans des locaux délabrés. Les réseaux sociaux s’alarment, les médias mainstream multiplient les réactions et rapidement, le ministre annonce une visite tandis que la présidente de la région promet des travaux immédiats.

Une victoire ? Attendons, d’abord, l’effectivité des travaux. Ensuite, pensons à tous les établissements laissés à l’abandon, dans lesquels élèves et personnels travaillent tant bien que mal.

Pensons à tous les foyers qui manquent de chauffage, qui manquent de tout.

Que fait l’école des enfants pauvres ?

En effet, nombre de familles n’ont pas attendu les coupures d’électricité imposées par le gouvernement pour souffrir du froid de l’hiver.

1 jeune sur 5 vit dans une famille connaissant la pauvreté.

1 jeune sur 10 évolue dans une famille qui vit en grande pauvreté (3).

Le froid, l’impossibilité de se nourrir correctement, la promiscuité, le manque de vêtements, la difficulté à acheter les fournitures scolaires, à se laver régulièrement ou à être correctement soigné·e : la grande précarité empêche les jeunes d’être disponibles pour leurs apprentissages, d’acquérir les codes et les repères sociaux nécessaires à la réussite scolaire, et ceci tout au long de l’année. Ce que dénoncent et combattent plusieurs organisations syndicales et associations.

Il y a aussi ces constats tout aussi problématiques concernant l’orientation des jeunes : 84 % des élèves de SEGPA, par exemple, sont issu·es de familles défavorisées et c’est vers le bac professionnel que l’on oriente en majorité les enfants d’ouvrier·es (3).

Mais quand parlons-nous de ces réalités quotidiennes pour les familles et les personnels ?

Et dans les établissements, comment travailler en tenant compte de ces conditions réelles d’existence ?

(S’)Informer :

Si les collègues savent – vaguement – que des jeunes vivent dans la pauvreté, la réalité des chiffres est souvent méconnue, ainsi que les impacts concrets de ces conditions de vie sur les apprentissages des jeunes.

Des ressources existent et nous pouvons contribuer à les diffuser à nos collègues, en faisant acheter, par exemple, le rapport sur la grande pauvreté 2022 ou celui, toujours d’actualité, de Jean-Paul Delayahe « Grande pauvreté et réussite scolaire », qui esquisse aussi des pistes de travail pour les équipes.

Syndicalement, produire de la documentation simplifiée sur le sujet serait très précieux afin de rendre ces ressources (conséquentes et demandant un important investissement temporel) accessibles au plus grand nombre.

Observer dans nos classes, dans nos établissements

Des signes qu’on pense évidents, à ceux qui demandent une interprétation plus fine…

– Quel·les élèves ont du mal à avoir les fournitures scolaires au début de l’année, mais aussi en cours d’année ?

– Voit-on des élèves qui portent des vêtements élimés ou trop courts ?

– Y a-t-il des élèves qui passent une grande partie de la pause de midi aux abords de l’établissement, au lieu d’être à la maison pour déjeuner ?

– Que signifient ces endormissements ?

– Comment expliquer le manque d’hygiène ?

– …

Réfléchir collectivement

– Comment rendre accessibles les différentes aides proposées aux familles ? Comment les informer autrement que par les formulaires aseptisés (et illisibles) de l’administration ?

– Quelle simplification des démarches peut-on imaginer, pour les familles en rupture avec les démarches administratives ou les démarches numériques ?

– Comment accompagner, sans brusquer, sans être intrusif·ves ?

– Mais aussi… comment mettre les sorties et les voyages à la portée de tou·tes ?

– Quelles actions mener au-delà de notre établissement, dans le quartier, dans la commune, au niveau syndical ?

– …

Les possibilités sont nombreuses pour prendre conscience de la pauvreté qui nous environne et lutter contre ses méfaits. Nombre d’associations et d’organisations syndicales y ont déjà travaillé et peuvent nous être d’une aide précieuse.

Quand la pauvreté s’invite en salle des personnels

Un impensé reste cependant à travailler, urgemment même : la pauvreté parmi nos collègues.

Cette AESH qui vient malade parce que « 3 jours de carence, ce n’est pas possible ». Cette collègue qui porte le même pull taché plusieurs jours de suite ; celui qui mange régulièrement un sandwich à peine garni en salle des personnels, ou encore celle qui nous confie aller dans une association caritative pour le Noël de ses enfants.

La précarisation de nos métiers a pour conséquence l’augmentation de la pauvreté et l’installation de situations financières étouffantes parmi nos propres collègues.

Un exemple flagrant, et d’actualité : le mois de décembre est souvent l’occasion d’organiser des pots, des fêtes, des journées cadeaux, des sorties collectives… dont s’excluent, à bas bruit, les plus démuni·es d’entre nous… dont nous détournons inconsciemment le regard.

– Comment en prendre conscience ?

– Comment construire des solidarités qui tiennent compte de ces difficultés financières ?

– Que faire, collectivement, syndicalement, pour les soutenir et les accompagner ? Quelle information sur les aides existantes dans l’Éducation ? Dans la ville ou le département ?

Et au-delà, pour les élèves comme pour les collègues, comment redonner à nos combats un sens politique et syndical seul à même de nous faire éviter le piège de l’individualisation (nous aidons les personnes parce que nous les connaissons, parce que nous les fréquentons et les apprécions) ou le piège de l’héroïsation (nous allons sauver les élèves de notre établissement) ?

Comment construire des luttes politiques et syndicales pour l’amélioration des conditions d’existence de tou·tes, en partant de nos établissements mais en visant un travail collectif avec les associations de quartiers, les organisations syndicales, les associations engagées, etc. comme le Réseau d’Aide aux Élèves sans Toit le fait de manière déterminée et encourageante ?

(1) Annonce du gouvernement le 1er décembre, concernant « les tensions énergétiques » susceptibles d’affecter le réseau électrique cet hiver.

(2) Document RMC du 12 décembre.

(3) Source : AMUpod – Conférence Jean-Paul Delahaye : “Ce Que La P… (univ-amu.fr)

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