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Évaluer n’est pas noter

Plutôt qu’évaluer, valorisons les productions d’enfant ! 

« Les notes et les classements sont toujours une erreur »

Invariant n° 19 Célestin Freinet, 1964

A l’opposé de ce principe, une certaine idée de l’évaluation se perpétue encore de nos jours à l’école (et ce n’est pas récent !). C’est l’idée qu’évaluer c’est contrôler et estimer une performance. Alors, on la quantifie, on mesure les écarts entre différentes performances ; on recherche une conformité ; on met au point des critères, des dispositifs. On compare, on fait des statistiques : les bons élèves,  les bonnes classes, les bons établissements, les bons pays…

On est bon ou… mauvais !

On a au dessus ou en dessous de la moyenne !

Beaucoup d’élèves et leurs parents attendent une note comme on attend une rétribution, une récompense…  Il faut dire que l’École depuis la petite section  se charge de leur faire comprendre les règles de cette course au long cours : les mieux notés seront les mieux servis en terme de choix d’orientation, de diplôme et donc de valorisation sociale.

Plutôt que de se dire qu’un élève sait ou ne sait pas et de comprendre l’origine de ses difficultés, on dit de lui qu’il est bon ou mauvais.

Dans les classes Freinet, il n’y a pas de notes : que ce soient des chiffres, des lettres accompagnées de petits plus et de petits moins, ou de petits bonhommes contents ou mécontents, ou de points rouges…

Mais ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de notes, qu’il n’y a pas d’appréciation, ni d’évaluation.

En effet, l’enfant, l’adolescent comme l’adulte d’ailleurs, lorsqu’il crée, qu’il produit quelque chose,  qu’il fournit un travail éprouve le besoin de montrer, de savoir ce que l’on pense de sa création, de sa production, de son travail. Par rapport à lui-même, pour visualiser ses progrès, ses réussites, ses échecs ; pour évaluer ce qu’il a acquis, ce qui lui reste à savoir, et également par rapport au groupe qui aide l’enfant à se situer et à se repérer.

Dans les classes Freinet, l’évaluation revêt trois aspects importants : l’évaluation de l’enfant par lui-même, l’auto-évaluation,  l’évaluation de l’enfant par le groupe, la classe,  l’évaluation de l’enfant par l’enseignant.

L’interaction de ces trois aspects aboutit à une autre sorte d’évaluation qui profite en premier à l’enfant.

Évaluer devient ainsi donner de la valeur, valoriser !

Évaluer n’est plus un dispositif, c’est une démarche, un processus !

Un processus où le couple « s’autoriser » et « créer »  permet à l’enfant de devenir auteur.

Un processus où l’expression-communication est un élément indispensable avec entre autres :

– la critique constructive du groupe

– les exigences qui se posent au fur et à mesure (grilles de vigilance, critères de lecture …)

– les traces des travaux, par la construction d’un patrimoine culturel

Ainsi donner de la valeur à l’expression des enfants implique obligatoirement :

– des temps réguliers d’expression : orale, écrite, mathématique, artistique, corporelle,…

– des temps réguliers de communication : présentations de textes libres, lectures, recherches, projets, créations maths…

Un processus où la pratique de l’évaluation – je devrai dire de la valorisation – n’a pas besoin d’attendre la fin du trimestre, de la période,  car elle se réalise au quotidien :

– pour donner les moyens de personnaliser les apprentissages des enfants,

– pour que l’enfant se sente encouragé dans son évolution (et non stigmatisé),

– pour que les réussites des uns deviennent des ressources potentielles pour l’ensemble du groupe (entraide, coopération, échange de savoirs)

– pour  bénéficier de repères aidant chaque enfant à se situer quant aux attentes de l’école

– pour permettre à chacun de choisir le moment où il s’estimera en mesure de passer l’évaluation, de montrer une production, de présenter un texte, un livre, une recherche…

– pour enrichir la culture de la classe…

On est bien loin de la note qui arrive tel un couperet sans espoir de retour. On est bien loin de la réussite aux dépens des autres. … C’est une réussite solidaire et non compétitive.

 

Des outils au service de cette évaluation/valorisation

En voici quelques-uns, les plus pratiqués.

1 – Les carnets et cahiers personnels :

On y trouve notamment le cahier d’écrivain (pour les textes libres, les lettres aux correspondants…) ; le livre de vie ou journal de bord de la classe (pour la trace des événements de la classe) ; le carnet de lecteur (pour les traces des lectures personnelles et collectives) ; le carnet de dessins libres, créations artistiques… ; le cahier de créations,  de recherches mathématiques ; le classeur d’exploration du monde ; le carnet d’expériences, d’observations.

2 – Les brevets

Toute évaluation ne peut se concevoir que dans une globalité d’apprentissage. Les brevets, chers à la pédagogie Freinet, jalonnent le chemin sur lequel l’enfant est engagé. Ils prennent sens car ils s’inscrivent dans un travail coopératif.

Les brevets permettent une évaluation progressive et formatrice. En effet, l’enfant se confronte à différents paliers, tels les barreaux d’une échelle sur la pente d’un savoir. Il va s’entraîner et tenter le brevet qu’il pense correspondre à son niveau, s’il réussit, le brevet ira rejoindre ceux qu’il a déjà réussis, s’il échoue il reprendra les apprentissages pour repasser un peu plus tard le brevet du même niveau ou d’un autre.

Le passage du brevet peut être proposé également par l’enseignant ou par le groupe classe. Une compétence montrée peut être relevée par le groupe et ainsi assurer et rassurer l’enfant pour le passage d’un brevet.

Les brevets  permettent donc de  satisfaire au besoin de valider des acquisitions de savoir d’une façon lisible par l’enfant et valorisante pour lui. (L’enfant colorie ou coche  les brevets réussis au fil des passages, ou des présentations au groupe par exemple).

Ils permettent de  satisfaire à la nécessité d’informer régulièrement les parents d’une façon lisible des progrès de leur enfant (l’enfant l’a toujours dans son dossier).

Ils permettent également de prendre en compte les compétences du programme… sans en faire une fixation.

Les brevets réussis permettent la connaissance et la reconnaissance des savoirs par le groupe. Cette connaissance des savoirs de chacun par tous permet leur mutualisation, leur partage : chacun sait et ne sait pas, chacun est en capacité de donner et de recevoir dans un domaine, une activité. Lorsque l’enfant s’entraîne, prépare un brevet, une conférence, écrit un texte, réalise un projet, il peut ainsi solliciter un autre enfant qui est reconnu pour un ou des savoirs.

3 –  Le portfolio, le cahier de progrès,…

Il donne à voir les productions, les œuvres, les réussites…

On peut y trouver :

– les premiers essais et productions finales de recherches maths, textes, conférences, photos d’oeuvres en arts plastiques…

– des moments de présentation de créations musicales, théâtrales ou dansées, comptes-rendus d’expériences ou de montages technologiques…

– les tests, les brevets réussis en lien avec le programme scolaire.

4 – Les Arbres de connaissances

Le principe, entre autres, repose sur un usage convivial de l’informatique qui rend visible, sous forme d’images, la multiplicité et la variété des connaissances disponibles dans une communauté, et les gère en temps réel.

Chacun peut déposer ses brevets… pour ensuite les partager aux autres.

5 – D’autres outils d’autonomie pour s’évaluer, échanger les savoirs

– Le plan de travail : il engage chacun dans ses apprentissages, projets, etc ; il permet organisation, anticipation, analyse, confrontation.

– L’entraide (naturelle, instituée) pour dire ses difficultés, échanger les savoirs.

– La co-évaluation, l’auto-évaluation : pour observer, mesurer ses progrès, ses réussites… seul

et avec les autres.

J’ai fait brièvement le tour du « pourquoi » et des « comment » de l’évaluation en pédagogie Freinet

5 Comments

  1. Claudine Petit

    Bonjour …
    Aurai-je le plaisir de partager ce témoignage si complet dans la revue d’Education Populaire: la revue du mouvement Freint belge ? Pour bien commencer la prochaine année scolaire bien sûr pour qu’il ait plus d’impact encore à la rentrée?
    Merci de votre attention.

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