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“Dire le travail”, entretien avec Patrice Bride

À l’occasion du lancement du projet “Dire le travail”, nous avons interrogé l’un de ses animateurs, Patrice Bride, pour qu’il nous présente cette initiative…

Questions de classe(s) – Comment présenter, en quelques mots, la genèse de ce projet « Dire le travail » ?

Patrice Bride – Ce projet est à la convergence de divers constats et réflexions.
D’abord à propos du travail : c’est devenu un sujet important de l’espace public, et pas seulement à propos de ceux qui n’en ont pas (les chômeurs) ou pas assez (les précaires, les temps partiels), mais aussi ceux qui en ont trop, qui en vivent mal, qui en souffrent, voire qui en meurent. Mais le connait-on vraiment, et pas seulement dans sa version sombre ? Actuellement, c’est rarement ceux qui le font qui en parlent : on entend surtout des journalistes, des chercheurs, parfois des romanciers ou des cinéastes. Ils le font souvent avec qualité, mais l’enjeu pour nous est de donner la parole aux premiers concernés.

Ensuite, sur le numérique : il facilite considérablement la publication et la circulation de textes en tout genre. On ne sait pas si plus de personnes écrivent qu’auparavant, mais il est en tout cas beaucoup plus facile de faire connaitre ses écrits.

Pour autant, écrire son travail, sans verser dans l’anecdote ou le règlement de compte, mais en explorant la matière vivante dont il est fait, ne va pas de soi. Adresser son écrit à d’autres, en étant publié, non plus. D’où le projet d’organiser un accompagnement à cette écriture et une publication sur le travail par des professionnels, dans le cadre d’une coopérative.

Q2C – En quoi cela prolonge-t-il des engagements antérieurs ?

Patrice Bride – Cela rejoint largement le travail que certains d’entre nous ont mené à la rédaction des Cahiers pédagogiques. D’autres membres de l’équipe ont une expérience en formation pour adultes, en groupe d’analyses de pratiques, en ateliers d’écriture. Nous ne sommes pas sociologues, éditeurs ou informaticiens, mais nous pensons avoir des compétences dans ces différents champs, et beaucoup d’idées de dispositifs pour aider des auteurs à franchir le passage vers l’écriture de leur travail, les publier en utilisant tous les supports numériques disponibles.

Q2C –
En quoi consiste précisément ce projet (support, fonctionnement de la coopérative, personnes impliquées) ?

Patrice Bride – Nous voudrions couvrir toute la chaine éditoriale, depuis l’écriture dans le cadre de dispositifs collectifs pris en charge par un animateur (que ce soit sur une plateforme en ligne ou bien autour d’une table, par exemple dans un local associatif ou syndical), jusqu’à une publication reprenant les textes produits.

Nous avons retenu la forme d’une coopérative (plus précisément une SCIC) parce que nous voulons nous donner les moyens de développer une activité économique pérenne, parce que nous souhaitons travailler avec de nombreux partenaires, parce que nous souhaitons associer auteurs et lecteurs au projet de l’entreprise.

Mais, au-delà de ces généralités, bien des choses restent à préciser sur le « modèle économique » de notre affaire : la participation aux frais pour les participants aux ateliers doit être abordable ; on sait qu’il est difficile de vendre des publications au format numérique, et exorbitant de sortir un format papier ; on espère le soutien de partenaires, en refusant le principe de la publicité… Beaucoup de défis à résoudre !

Q2C – Quels sont ses objectifs, à court, moyen et long terme ?

Patrice Bride – Du point de vue des auteurs, nous voudrions faire éprouver à un maximum de personnes les effets que peut produire l’écriture partagée sur son travail : la prise de conscience de ce qu’on arrive à faire pour de bon dans son métier, de ce qu’on peut changer dans nos gestes, la satisfaction qu’on peut ressentir à faire connaitre et donc reconnaitre ce qu’on met de soi dans son travail.

Du point de vue des lecteurs, il s’agit de faire ressentir de la familiarité et de l’étrangeté à l’écoute de ce que les autres ont à dire de leur travail. Connait-on vraiment ce que font au travail même des personnes proches ? Qu’y a-t-il de commun à l’ensemble des personnes face au travail, comment chacun s’en sort-il à sa façon, unique ?

Q2C – S’inspire-t-il d’autres expériences, s’inscrit-il dans un courant, un mouvement (d’éducation populaire, du mouvement ouvrier et de son rapport au savoir, des nouvelles formes de militances ou d’engagement…) ?

Patrice Bride – Une réponse personnelle, car chaque membre de l’équipe actuelle pourrait mettre en avant une motivation d’ordre différente. Je trouve qu’il y a une force extraordinaire dans cette citation célèbre : « l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ». Et j’ai la conviction qu’écrire participe de cette émancipation, pour chacun comme à l’échelle collective. Alors si les activités de la coopérative peuvent, très modestement, contribuer un peu à ce beau programme, ça m’irait très bien.

Q2C – Dans l’immédiat, quelles sont vos attentes, quels sont vos besoins pour démarrer ? Comment aider, participer, accompagner cette aventure ?

Patrice Bride – Notre histoire fait qu’il y a beaucoup de profs dans l’équipe actuelle, et un de nos besoins urgents est d’élargir notre réseau et nos contacts bien au-delà du monde enseignant, dans les secteurs professionnels les plus divers. Le projet est loin d’être ficelé, et nous sommes preneurs de toutes les propositions et initiatives qui pourraient contribuer à mieux « dire le travail ». La structure de la coopérative va dans ce sens, en particulier en permettant d’associer largement les sociétaires. À vos stylos, clavier ou téléphone…

Le site de présentation du projet

http://www.direletravail.net/

Propos recueillis par Grégory Chambat et Jean-Pierre Forunier pour Q2C

1 Comment

  1. valérie estournès

    “Dire le travail”, entretien avec Patrice Bride
    Bonjour,
    Je travaille depuis plus de 20 ans sur le travail et avec la parole de celles et ceux qui travaillent…
    Votre démarche m’intéresse;
    J’aimerai vous rencontrer pour mieux comprendre votre démarche et voir de quelle manière je pourrai m’y associer.
    Je tenterai d’être présente à st Michel Mardi soir prochain pour faire connaissance mais cependant n’hésitez pas à me contacter par mail si vous le souhaitez!
    Bien cordialement
    Valérie Estournès

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