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Contre l’histoire morte officielle, l’histoire vivante de l’émancipation

C’est une banalité de le rappeler : il y a des enjeux spécifiques à l’enseignement et à la diffusion de la culture historique. Et ce dès la Troisième République, les républicains bourgeois donnant à cette matière un rôle important dans le dispositif scolaire visant à combattre aussi bien les forces réactionnaires nostalgiques de l’Ancien Régime, que celles du mouvement ouvrier. Il s’agissait d’opposer une histoire rationnelle porteuse des valeurs républicaines, face à une “histoire sainte” porteuse des valeurs contre-révolutionnaires. Quand nous parlons d’histoire, il s’agit bien entendu de l’histoire au sens large : non seulement la production intellectuelle, mais aussi la discipline scolaire et plus largement une culture diffusée dans la société. Elle est, comme le reste du champ intellectuel, traversée – à sa manière – par les enjeux qui structurent la société capitaliste. Ainsi les classes dominantes n’ont jamais renoncé à imposer leur imaginaire social et politique (les idées dominantes comme idées de la classe dominante), face à une histoire liée au mouvement ouvrier et à l’ensemble des groupes dominés, qu’il s’agit de combattre, de marginaliser ou de stériliser. Car cette histoire est tout aussi riche de contestations et d’espoirs émancipateurs, que l’histoire dominante est emplie de l’objectif de justification de l’ordre social existant.
L’offensive du capitalisme dans ce domaine particulier a connu une étape supplémentaire : la déstructuration de l’histoire enseignée – qui doit appeler en réponse une reconstruction d’ensemble du primaire à l’université – a pris une nouvelle dimension avec le “socle commun” qui commande à la réorganisation de l’ensemble de la culture scolaire. Elle impose non seulement des programmes et des contenus, mais aussi une normalisation des pratiques pédagogiques.

Ce dossier, publié en deux parties dans les numéros 6 et 7 de l’Émancipation syndicale et pédagogique, de février et mars 2013, aborde une partie des ces enjeux, mais sans se limiter à l’histoire comme discipline scolaire. Dans la première partie plusieurs camarades – pas forcément historien-ne-s – abordent quelques enjeux autour de la grande manifestation historique en France : les “Rendez-vous de l’Histoire” qui se tiennent chaque année à Blois.
Cependant l’Histoire comme objet d’enseignement, de par le rôle du système éducatif, constitue aussi un enjeu décisif. Le combat pour un enseignement de l’histoire dans une perspective émancipatrice impose une réponse à trois niveaux : la production intellectuelle, la refonte complète des contenus d’enseignement, des pratiques pédagogiques renouvelées… pour faire de la connaissance historique non pas un savoir mort et normalisateur, mais une dimension de l’émancipation individuelle et collective. Et tout cela dans une approche englobant l’ensemble des niveaux de la scolarité obligatoire, comme nous le faisons ici : de l’école primaire à la terminale.

Après avoir traité les problèmes propres aux différents étages du système éducatif de l’école primaire à la terminale, la seconde partie du dossier aborde quelques-unes des questions “sensibles”. Autrement dit, des questions à propos desquelles les enjeux politiques et idéologiques – et par là même une volonté d’instrumentalisation idéologique par le pouvoir, à ses propres fins – sont particulièrement d’actualité. Ainsi en va-t-il de la Révolution française, d’Israël et de la Palestine, de la guerre d’Algérie. Nous ne cachons pas notre orientation derrière le voile d’une idéologie “neutre” : de même que les gouvernements cherchent à imposer une vision du monde et de ses enjeux qui corresponde à l’idéologie libérale et néo-colonialiste dominante… de même les mouvements sociaux révolutionnaires, anticolonialistes, féministes. sont porteurs d’une autre vision de l’Histoire. Une vision vivante, trempée dans des luttes sociales de masse. Nous pourrions faire le même constat sur d’autres questions liées à la connaissance historique : les luttes des femmes (devenues optionnelles après les réaménagements du programme de première !), l’immigration, la République (la Ve République officiellement présentée comme apogée et achèvement des principes “républicains”!), la classe ouvrière, les révolutions.

Mais, une fois ces constats critiques opérés, se pose la question : comment réorganiser l’enseignement de l’histoire – et plus largement l’appropriation de la culture historique – dans une perspective d’émancipation, et sachant que le temps scolaire n’est pas étirable à volonté ? Cela passe bien entendu par une réécriture des programmes, dégagés du bourrage de crâne au service du capitalisme ; réécriture de leur contenu, mais aussi de leur structure globale sur l’ensemble de la scolarité obligatoire. C’est le sens des propositions du collectif “aggiornamento hist-geo”, dont l’une des animatrices nous expose les pistes de réflexion, à discuter.
Cette réécriture d’ensemble doit aussi créer les possibilités d’une diversité d’approches pédagogiques, dans un cadre disciplinaire et/ou interdisciplinaire. Notre camarade Jean-Pierre Tusseau nous donne par exemple des éléments en ce sens.

En tout état de cause un tel combat peut commencer ici et maintenant : depuis l’enseignant-e dans sa classe… jusqu’à la lutte syndicale contre l’histoire mutilée du “socle commun”, et sa persistance incarnée concrètement par le projet de loi sur l’école.

SOMMAIRE de la première partie (n°6 février 2013) :

page II Les Rendez-vous de l’Histoire, histoire d’un rendez-vous

page III Blois 2012 : Impressions sur quelques conférences

page V Comment l’idéologie vient aux programmes d’Histoire ?

page VI Quelle Histoire en école primaire ?

page VIII De la mutualisation des techniques à la domestication des hommes

page IX Collège : un gruyère culturel

page XII Lycée : le jeu de massacre continue !

SOMMAIRE de la deuxième partie (n° 7 mars 2013)

page II Lycée : quel enseignement de la Révolution française ?

page IV Israël, la Palestine et les manuels d’histoire

page VI France/Algérie : écrire une histoire lucide et dépassionnée

page VIII Programmes : pour un aggiornamento ?

page XI Écrire un roman historique : pourquoi et comment ?

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