À la suite de ce CR un petit bilan de Didier
Le premier atelier s’est déroulé vendredi matin et a réuni 45 personnes. En raison du nombre important d’inscriptions, un deuxième atelier a été organisé l’après-midi (une trentaine de personnes étaient alors présentes).
Après une rapide présentation des raisons et des enjeux de l’organisation de l’atelier par ses organisatrices, les participantes ont été invitées à se séparer dans différents mini-ateliers. Chaque mini-atelier portait sur un thème différent en rapport avec les dominations sexistes. (le corps/ la parole/ la gestion des groupes/ les attentes différenciées des adultes/panorama du sexisme à l’école).
Dans chaque groupe, les participantes ont réfléchi à un problème concernant le sexisme auquel elles ont été confrontées dans leur pratique. Après avoir chacune exposé au groupe le problème retenu, les participantes choisissaient ensemble un problème en particulier et décidait de le traiter (d’y réflechir, d’en débattre et d’essayer de créer des outils pratiques pouvant être réutilisés).
Voilà donc l’objectif de cet atelier : à partir des problèmes de sexisme auquels sont confrontées les travailleuses de l’éducation dans leur pratique, construire des outils théoriques et pratiques pour combattre les discours et les pratiques sexistes au quotidien. A travers le fonctionnement en mini-ateliers, nous souhaitions mettre en commun de manière très pratique les ressources des unes (pédagogues) et des autres (militantes), sans oublier celles qui sont à la fois militantes et pédagogues.
Voici le résultat du travail de certains sous-ateliers (toutes nos excuses, nous avons fait en fonction des notes disponibles, compréhensibles, il y a beaucoup de manques, n’hésitez pas à compléter).
La parole:
Un des thèmes abordés par les participantes est celui de la prise de parole par les élèves. Les participantes ont ainsi exprimé des difficultés à faire participer les filles à l’oral : dans certaines classes, les filles prennent beaucoup moins la parole que les garçons. Elles s’expriment à l’écrit ou bien parlent en dehors des cours mais pas dans la classe. Les garçons prennent toute la place.
Dans un autre cas, l’enseignante constate que les garçons monopolisent la parole pendant les temps de parole libres, alors que dans les temps de parole formels (quoi de neuf, etc.), la répartition
est équitable entre filles et garçons. Il y a surtout un garçon qui parle beaucoup et fort. Les filles chuchotent et parlent doucement.
Face à ce type de problème, différentes pistes ont été évoquées:
– prendre les élèves en non-mixité pour discuter de la situation avec elles et eux, “libérer la parole” des filles, faire prendre conscience aux garçons que c’est un problème.
-“quantifier” la parole occupée par les garçons et les filles à l’aide d’une grille d’analyse de la circulation de la parole pour poser la réalité du problème. Cette grille peut être faite par les élèves pour poser les critères de la circulation de la parole en classe.
– peut-être faire classe en dehors de la classe. Réfléchir à la domination symbolique qui se joue à l’école, dans la classe,entre l’enseignante et les élèves.
– utiliser le théâtre de l’opprimé.e, le théâtre forum : mise en scène du rapport de domination, scène jouée par les acteurs une première fois puis intervention des élèves pour changer le cours de la scène.
– passer par l’écriture pour accéder à l’oral
– multiplier les temps de parole formels
– utiliser la règle de temps de parole suivante pour dire que l’autre parle trop : à la fin du temps imparti, tout le monde applaudit jusqu’à ce que l’élève ayant dépassé le temps s’arrête de parler et fasse un geste précis pour dire qu’il ou elle a fini (de type chef d’orchestre qui vient de finir sa symphonie).
– instaurer la sécurité de l’écoute pour que la parole circule avec les outils des pédagogies alternatives : bâton de parole, sablier
– face aux paroles et actes sexistes, utiliser la dérision pour répondre au propos de l’élève, mais veiller à toujours nommer la discrimination (“sexisme”, “sexiste”…)
– travailler sur le sexisme dans les images, dans la langue
– la non-mixité a été débattue : elle permet souvent aux filles de s’exprimer davantage et plus librement. Elle fut notamment évoquée face à des situations de moqueries, insultes et autres violences répétées des garçons sur les filles lorsqu’elles s’expriment.
Les participantes se sont également interrogées sur l’imposition de la parole. Le silence est-il forcément signe d’oppression ? Faut-il forcément le dévaloriser ? Faut-il “forcer” les élèves à prendre la parole, dans la mesure où ne pas maîtriser l’oral peut constituer un handicap social ?
Les attentes différenciées :
Les enseignant.e.s, les familles et les adultes en général ont des attentes différentes selon que l’élève est une fille ou un garçon. Ces attentes différenciées participent à la domination des filles notamment en orientant les enfants vers des rôles et des personnalitées différentes, et cela très souvent au bénéfice des garçons. Les participantes ont évoqué des problèmes concernant ces attentes différenciées qu’elles ont rencontrées parfois chez d’autres adultes, chez les élèves, et parfois dans leurs propres discours ou pratiques.
Par exemple, une fille qui refuse d’aller par terre parce que “les filles ça doit pas être sale”, ou un adulte qui parle de “filière fille” à propos de l’orientation. Ou encore lors d’une bagarre, une enseignante dit “si les filles commencent à frapper les garçons! “.
Voici les outils présentées pour contrer ces attentes différenciées:
– utiliser des ouvrages qui donnent à voir des relations familiales différentes, des professionnels divers. Par exemple A Calicochon d’Anthony Browne : l’histoire d’une mère de famille qui abandonne le foyer. Père et frères se rendent compte de ce que faisait la mère auparavant…
– faire réécrire les contes traditionnels en inversant les rôles.
– En arts visuels : dans une boite, glisser des dessins des pièces de la maison (souvent la mère est représentée dans la cuisine), puis faire un débat sur ces représentations des pièces dans la maison.
– Faire cet exercice : “Imaginez-vous dans la peau d’un élève du sexe inversé. Si j’étais une fille… ou si j’étais en garçon”. Souvent les filles acceptent, les garçons refusent l’exercice.
– utilisation d’une machine à laver de la classe et débat.
– proposer des modèles identificatoires variés (notamment des modèles valorisant auxquelles les filles puissent s’identifier). Exemple : le one woman show autobiographique. Sacrifice, de Noura Naghouche : analyse de la mise en scène, jeu en classe autour du spectacle et débat.
– le théâtre de l’opprimé.e a été également évoqué.
Gérer les groupes d’élèves :
Un groupe a réfléchi sur l’organisation du travail de groupe dans la classe et les problèmes de sexisme qui apparaissent.
Les participantes sont parties de la situation suivante : en technologie, il s’agit de créer un dispositif permettant de déplacer un objet. Il est demandé non seulement de construire le dispositif, mais aussi de préparer une affiche comprenant schéma et explication afin de présenter le travail du groupe à l’ensemble de la classe. Mounir décide de faire le montage seul et demande à Kenza de s’occuper de l’affiche (faire la secrétaire).
Pour éviter que ce genre de domination masculine se reproduise, le groupe a évoqué plusieurs pistes de solution :
Laisser les élèves choisir leur groupe. Ils sont en effet souvent non-mixtes. Il peut être intéressant de laisser des groupes de travail non-mixtes. Ainsi, l’enseignant-e n’inflige pas la double peine aux filles. Non seulement elles ne choisissent pas avec qui elles travaillent, mais en plus elles sont cantonnées dans leur rôle social de « calmer » les garçons.
Faire des groupes imposés, chaque élève note une personne avec qui il/elle désire travailler et le nom d’une personne avec qui il/elle ne veut absolument pas travailler. Ainsi chacun-e apprend à travailler avec chacun-e. L’adulte constitue les groupes en respectant ces critères mais est attentif à ce qui se passe dans le groupe.
Noter les tours de parole. Avoir une grille d’analyse ou bien un outil quelconque pour empêcher que les garçons monopolisent l’espace sonore. Un responsable peut obliger que chaque élève du groupe ait parlé au moins une fois avant de pouvoir reprendre la parole. De plus, on peut éventuellement quantifier les temps de parole.
Visibiliser, nommer le sexisme. Débattre avec les élèves, leur demander si elles ont des solutions.
Tirer au sort les sous-tâches dans le groupe en essayant que chaque élève s’attèle à chaque fois à une fonction différente. Identifier et faire tourner les tâches dans le groupe.
Apprendre à travailler en groupe. La classe peut utiliser le conseil pour trouver des choses à mettre en place pour apprendre à travailler en groupe.
Fédérer l’esprit du groupe à travers des jeux coopératifs (en cherchant, par exemple, en premier lieu cinq choses qu’ils aiment faire ensemble.
Le théâtre de l’opprimé a été ici aussi évoqué.
Enfin, dans le cas de la situation initiale, il serait intéressant de faire réaliser aux élèves le sexisme de la situation; réaffirmer l’égalité fille/garçon et soutenir la fille pour qu’elle prenne confiance en sa valeur et n’accepte plus la domination.
Dominant.e.s et dominé.e.s dans les luttes:
Le sexisme, comme le racisme et le capitalisme, se caractérisent par un rapport de domination. Quand on lutte, on peut ainsi avoir différentes positions : dominée (on lutte alors contre la domination qu’on subit) ou dominante (on soutient alors la lutte des dominé.e.s). C’est sur cette question du positionnement dans les luttes qu’a réfléchi un des groupes de l’après-midi.
Les problèmes évoqués ont été variés. Par exemple, quelle position adopter en tant qu’homme anti-sexiste face à une femme qui tient des propos anti-féministes? Les problèmes de racisme ont été aussi évoqués : comment faire face à l’immobilisme des collègues (majoritairement blanc.he.s, athé.e.s ou chrétien.ne.s) quand une prof subit une discrimination dûe à sa religion? Comment ne pas faire subir nous-même ce type de discrimination?
Autre problème : on est souvent accusé de prosélytisme lorsqu’on lutte contre l’homophobie en tant que lesbienne. Il est également plus problématique de parler de sa vie privée aux collègues et élèves quand on est lesbienne que quand on est hétérosexuel.le.
Le groupe a évoqué des outils pour la situation suivante : un proviseur sous-entend qu’une fille est une salope car elle porte une mini-jupe. L’assistante d’éducation ne lui a rien dit du fait de sa position hiérarchique et se sent coupable en tant que féministe. Face à cela, des pistes ont été envisagées par rapport au règlement intérieur:
– si l’interdiction de porter une jupe n’est pas mentionnée, on peut le signaler pour qu’il arrête.
– faire rédiger le règlement intérieur par les élèves permet de le rendre légitime et plus égalitaire.
– faire attention aux choses sexistes et racistes dans les règlements intérieurs : si on en remarque on peut les transmettre à la Mission de l’académie de Créteil qui s’occupe de ces problèmes.
– Outil théorique : centrer la lutte sur l’égalité des droits plutôt que sur des conflits de valeurs afin de penser le racisme et le sexisme comme étant des rapports de domination structurels.
– la non-mixité est un outil privilégié pour prendre conscience de la domination qu’on subit.
La discussion s’est ensuite portée sur les luttes menées par des dominé.e.s. Les participantes étaient d’accord pour marquer l’importance d’aller lutter à leur côté lorsqu’on est dans une position de dominant.e (et pas lutter sans eux et elles).
Enfin, le cas des insultes sexistes a été évoqué pour s’opposer aux insultes homophobes et lesbophobes notamment. Le mur des insultes peut être efficace face à ce problème : les élèves nomment les insultes et on les classe par genre (par exemple pute pour les filles, fils de pute pour les garçons). Les élèves peuvent ensuite s’apercevoir que quasiment toutes les insultes sont relatives au sexe. On peut alors leur faire inventer de nouvelles insultes.
Conclusion :
Face à l’ampleur des discussions et des débats, nous avons largement débordé les horaires impartis, avec, certainement de la frustration… Notons aussi l’enthousiasme et l’envie de parler de toutes, qui prouvent à quel point les enseignantes ont besoin de discussion entre pairs. Notamment sur ce sujet !
Vous avez noté que pendant cet atelier, nous utilisions le féminin pour parler des participantes alors que des hommes étaient présents à l’atelier.
Le but était de remettre en cause la domination du genre masculin dans la grammaire française et d’expérimenter une autre façon de parler. La règle du féminin dominant a également été retenue en raison de la proportion importante de femmes dans l’atelier : Le matin, on comptait 3 hommes sur 45 personnes, et l’après midi pour le deuxième atelier 4 hommes sur 30 participantes. La lutte contre le sexisme attire les foules (l’atelier comptait parmi les plus important en terme de nombre de participantes), mais des foules… de femmes!
Dans la continuité de l’atelier, la même règle grammaticale est utilisée dans ce compte-rendu. Certains d’entre vous se sont peut être sentis exclus, invisibles… Ce qui vous a peut être choqué permet de mettre le doigt sur ce que les femmes subissent tous les jours. Souvent elles finissent par intégrer cette injustice, mais la sensation d’exclusion, l’ incertitude quant à sa légitimité dans le groupe, le manque de confiance (que l’on retrouve parfois chez nos jeunes élèves) n’en sont-ils pas des symptômes?
Bilan envoyé par Didier
j’ai participé à un sous groupe de discussion dans cet atelier mais je n’ai pas pris de notes.
je peux quand même rédiger à partir de qques idées émises dans la discussion sans fil directeur
où chacun a évoqué des faits et des questionnements dans sa pratique.
je peux écrire les raisons qui m’ont fait venir à cet atelier et les pistes de réflexion que j’ai essayé d’y formuler:
-la question des stéréotypes et en quoi ils ne constituent que la partie émergée de l’iceberg de la division des sexes.
-la lutte contre toutes les hiérarchies productrices de dualités et de naturalisations
-la question de la contrainte normative à la “différence des sexes” érigée en lieu commun universel
et l’arc en ciel de la diversité des “naturescultures”
– le caractère hypocrite et insuffisant des plans gouvernementaux pour “L’Égalité”, comme le dernier en expérimentation,
alors même que les politiques gouvernementales transforment les revendications d’égalité en “équité”, en “parité”,
en “équivalence”, et en renforcement des inégalités (double exploitation, précarisation, baisse des revenus…,)
autant de politiques qui ne touchent pas au statut des hommes ( l’état “socialiste” est très fort sur ce “double” registre)
voilà ma proposition
cordialement
didier