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Ceci n’est pas un audit !

L’auditoire est circonspect. Pourtant animateurs et animatrices se donnent à fond, powerpoints chatoyants à l’appui. Ce nouveau projet serait l’outil qu’il nous faut pour avancer. Émulation et stimulation garanties ! Au pire c’est la version 2021 du projet d’établissement, la mise au goût du jour d’un outil qui a fait son temps. Rien de plus que des mots. Nous disions « projet d’établissement » nous dirons « auto-évaluation ». Il faut savoir vivre avec son temps…

Auto-évaluation. Peut-être n’est-ce, au final, qu’une broutille lexicale ? Ce genre de truc qui valide l’existence besogneuse de ces personnes qui brainstorment à longueur de temps et dont la soif d’innovation n’a d’égal que l’inintérêt que suscite chez nous chacune de leur nouvelle trouvaille. Si l’auto-évaluation n’était que ça, ce serait quand même un indicateur supplémentaire de la « société-anonymisation 1 » en cours de l’Éducation Nationale.

Malheureusement l’auto-évaluation n’est pas qu’un mot, c’est un outil. Dans la violente déconstruction de l’Éducation Nationale entamée (et combattue) ces dernières années, l’auto-évaluation est, pour Blanquer et ses sbires, un outil de terrassement intellectuel qui a fait ses preuves dans d’autres services publics libéralisés (La Poste par exemple) et qui part du principe qu’au niveau collectif, participer c’est adhérer.

Missions, programmes, conditions de travail, implantation territoriale, conditions de vie des élèves, accessibilité etc. Tout dans l’Éducation Nationale est politique. Au contraire, en se construisant sur une plus grande et plus « intelligente » implication des personnel·les dans des thématiques très locales d’établissement pour améliorer la scolarité des élèves, l’auto-évaluation vise à déconnecter chaque établissement des politiques locales et nationales, les rendant responsables de leur bilan comme le sont les supermarchés d’un groupe de distribution. Ainsi, participer à l’auto-évaluation c’est en partie dédouaner le gouvernement et sa politique libérale des problèmes que les jeunes et nous rencontrons dans nos établissements. Participer c’est accepter une part de responsabilité dans la qualité sans cesse revue à la baisse de l’instruction que nous dispensons. Participer, c’est se taire un peu.

Dans l’idée, c’est par la banalisation et l’effet boule de neige que chacun·e, motivé·e, indifférent·e ou réfractaire finira par participer, quelles que soient la nature et la qualité de l’engagement. Puis, les indicateurs propres aux établissements laisseront la place aux objectifs imposés par l’académie, en fonction des enjeux et intérêts locaux.Retour ligne automatique
Dans le même temps, le transfert de la gestion des moyens REP (puis REP+) aux académies permettra d’allouer les moyens non pas aux établissements qui ont du mal à atteindre les objectifs, mais, comme des primes ou des carottes, aux établissements qui les atteignent, accentuant encore les écarts entre établissements et le transfert des enfants des familles qui le peuvent vers le privé.

Nous aurions tort d’ignorer ou de minimiser l’auto-évaluation et ses effets nocifs de même que nous aurions tort de nous contenter de dénoncer et de combattre ce projet sur la base des contraintes qu’imposent celui-ci. Pour celles et ceux qui tentent d’importer et d’imposer l’auto-évaluation, l’important n’est pas que celle-ci soit faisable mais qu’elle soit faite et refaite jusqu’à ce qu’elle fasse partie du décor. C’est sa répétition et son élargissement à toujours plus d’établissements qui importe !Retour ligne automatique

Parce qu’il ne faut pas mettre le doigt dans cet engrenage, c’est partout et tout le temps qu’il faut dénoncer et boycotter l’auto-évaluation et ce, jusqu’à son abandon définitif.

CNT-F éducation 69

(1) On notera que l’anonymisation est le processus qui empêche l’identification mais pas de manière irréversible. Dans nos luttes, rien n’est donc à jamais perdu.

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