Bienvenue en absurdie,
ou la Pédagogie de la garderie.
Par Louise Thierry
Dimanche vers 18 heures, je reçois le mail d’une mère d’élève. Sa fille est positive au COVID. Je préviens la directrice, j’écris aux parents de la classe :
« Demain lundi 10 janvier, vos enfants doivent aller se faire tester avant de venir à l’école. Ils ne pourront revenir en classe qu’avec un test négatif. »
Au lieu de finir de taper le compte-rendu du dernier conseil de coopération de la classe, au lieu de préparer la séance de géographie de la semaine, je me prépare à devoir renvoyer les élèves dont les parents n’auraient pas vu mon mail avant de les envoyer à l’école…
La directrice me demande si j’ai avec moi les numéros de téléphone des familles.
La directrice m’annonce qu’il faudra quand même accueillir quatre de mes élèves, celleux qui ont déjà été positifs au cours des deux derniers mois.
La directrice me rappelle qu’il faudra remettre aux familles trois documents pour organiser les tests à J+0, puis les autotests et attestations sur l’honneur à J+2 et J+4.
On verra ça demain, j’ai ma fille à m’occuper, accessoirement.
Ce matin, 7h20, sur le chemin de l’école, je suis colère. Deux formules tournent et virent dans la tête : absurdie – pédagogie de la garderie.
C’est pas mon genre, vous me connaissez, mais quand même…
Parmi les quatre élèves immunisé.es à accueillir, deux d’entre elleux reviennent tout juste ce matin et ont tout loupé depuis la rentrée. Non, je n’ai pas fait classe à distance pour elleux en parallèle de la classe sur place pour les autres. Alors ? On va profiter de cette classe à quatre pour les remettre à flot !
Je songe… Je viens de passer une semaine avec six élèves absent.es en moyenne chaque jour, en mode chaises musicales…
Et si, à compter d’aujourd’hui, mon rôle d’enseignante ne consistait plus qu’à remettre à flot des grappes d’élèves ayant été absent.es, jour après jour ?
Le décompte a commencé !
Finalement, à 8h24, une fois le panorama de la journée dressé, entre les prof.fes absent.es et les classes qui doivent aller se faire tester, seules… quatre classes sur 13 s’apprêtent à fonctionner ce lundi matin…
Pas la mienne, même avec quatre élèves.
Entre temps, en faisant mes photocopies de papiers administratifs covid, j’ai (enfin) lu le document à destination des personnels en cas de COVID + dans la classe :
« Si vous présentez un schéma vaccinal complet et que vous n’êtes pas atteint d’immunodépression grave, vous n’avez pas à vous isoler… »
Dans ce métier, on lit toujours ce qui est pour soi en dernier…
Moi, j’ai un schéma vaccinal complet mais je suis immunodéprimée.
Du coup, quoi ? Je m’isole ?
Ce n’est pas vraiment écrit.
Les personnes immunodéprimées doivent déduire ; en leur âme et conscience…
Gestion du personnel par la culpabilisation…
Pénurie de remplaçant.e…
Peut-être que je devrais demander de la cortisone à mon médecin et continuer à travailler ?
Je sais pas, là… Y a pas de FFP2.
Je crois en mon métier, plus que tout, mais je veux protéger ma qualité de vie, aussi.
La directrice voudrait voir avec l’IEN avant de me laisser partir. Elle a mille choses à faire.
Appel au syndicat. Je pars.
Epluchage de la FAQ qui fait référence à une circulaire que je retrouve… pour constater que je suis dans les clous.
Mon médecin me fait le certificat.
A l’école, l’écrasante majorité des collègues avait rempli la semaine dernière une déclaration d’intention de grève pour l’ensemble de la période.
Ça suffit !!!
Louise Thierry