Une chronique de Nadia Agsous à découvrir sur le site du Huffington Post consacrée à la sortie de textes inédits du sociologue Abdelmalek Sayad (1).
Quelques extraits :
« A. Sayad est sociologue de l’immigration. Il est également ancien instituteur. C’est donc en fin connaisseur des deux champs qu’il prend part à cette réflexion où il se démarque de la perspective culturaliste qui ethnicise le problème des enfants d’immigrés au détriment de la dimension sociale.»
«Selon A. Sayad, c’est par les enfants que l’institution scolaire a pris connaissance des familles immigrées. La confrontation avec ces nouveaux publics a fourni à l’école qui vit “une crise morale” et des “incertitudes” une opportunité pour s’interroger sur son rôle, sa fonction et ainsi la légitimité de son action: “L’école a trouvé dans l’immigration le lien et le motif pour révéler au grand jour, les doutes qui l’habitent”, écrit A. Sayad.
L’école et les familles immigrées entretiennent une relation caractérisée par de l’incertitude et «une mutuelle défiance». Chez les familles immigrées, cette méfiance se manifeste à travers la vision que ces dernières ont de l’école et de son rôle à l’égard de leurs enfants. Leur connaissance de cette institution est le résultat d’une déception qui se transforme en suspicion voire en accusation. Car de leur point de vue, l’école a failli à son rôle puisqu’elles lui imputent la responsabilité de l’échec scolaire de leurs enfants et mettent l’accent sur son incapacité de répondre à leurs attentes qui selon A. Sayad “dépassent le cadre scolaire et concerne tous les domaines de l’existence de l’immigré, et en premier lieu, à son statut”.
Ainsi, l’école devient à leurs yeux, un lieu de “perdition”. C’est également «l’école du diable». Cette vision n’est jamais exprimée en public mais plutôt dans un cadre très intime: “Le procès que les immigrés font à l’école est sévère et silencieux. Il n’est exprimé qu’en ‘aparté’ il n’est parlé qu’entre partenaires ‘complices’, c’est-à-dire les familles qui ont des enfants scolarisés’, écrit A. Sayad.
Et afin de dissiper la méfiance entre l’école et les familles immigrées, il propose qu’une «mutuelle confiance» entre les deux parties soit rétablie afin que la scolarité des enfants soit menée à bien. Par ailleurs, en réfutant les approches ethnocentriques, il recommande un enseignement “spécifique” dispensé par “un personnel appartenant à l’éducation nationale”. L’objectif étant de mettre en garde contre la création d’un “enseignement ghetto” et de “relégation”, d’une part. Et d’autre part, “la réduction populiste” voire la “folklorisation” des cultures de ces enfants.
Le mérite de A. Sayad est d’avoir tenté de mettre en lumière l’illusion entretenue, d’une part, par les familles immigrées qui se manifeste par “la fidélité à soi”. Et d’autre part, celle de la société d’immigration qui pensait que “cette fidélité -pouvait- être sauvegardée et perpétuée grâce à l’école”.
L’objectif principal du sociologue était de changer la nature des rapports entre l’école et les familles immigrées dans le but de restaurer la confiance et de faire en sorte que “l’élève découvre un intérêt nouveau et réel à l’école et au travail dans la société”.
Les textes de A. Sayad ont un double intérêt. En plus de nous permettre de re-découvrir les questions scolaires des années 1970/1980, ils viennent faire résonance aux problématiques scolaires actuelles et nous “offrent l’opportunité de réfléchir aux enjeux actuels”, concluent les coordonnateurs dans la postface de l’ouvrage.»
Pour lire l’intégralité de la chronique
(1) Abdelmalek Sayad (1933/1998) est sociologue, spécialiste de l’ émigration/immigration algérienne, directeur de recherche au CNRS et à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS). Il était également assistant de Pierre Bourdieu. Il est l’auteur de La Double Absence (Seuil, 1999) et, avec Pierre Bourdieu, du Déracinement (Minuit, 1977).