En lutte

Les perspectives de lutte après les 10 et 18 septembre

Les pouvoirs au service du système capitaliste comme celui de Macron utilisent le contexte international catastrophique généré par ce système lui-même, les guerres, le militarisme et le nationalisme. Ils vont jusqu’à se rendre objectivement complices et soutiens de génocides, comme en Palestine. Leur politique, de plus en plus rejetée par la population, favorise la montée des courants les plus réactionnaires.

Le capitalisme français est affaibli sur la scène internationale, et veut y remédier en baissant drastiquement le « coût du travail ». Tel est le sens des projets gouvernementaux récents : alors que les services publics sont déjà à l’os, a été annoncé le non remplacement d’un tiers des fonctionnaires partant à la retraite (en 2023 : 130 000). Les projets de loi de finances de l’État et de la Sécurité sociale de Bayrou prévoyaient une austérité généralisée pour les salaires, la protection sociale ou encore les services publics et une réorientation vers l’accroissement substantiel des dépenses militaires. Ils sont maintenus par Lecornu, ex-ministre de la défense, avec seulement quelques aménagements à la marge. Celui-ci tente à nouveau le coup du « conclave » sur les retraites et de l’accord (peut-être déjà négocié) de certains syndicats et forces de gauche. Dans la 6ème puissance économique mondiale, les déficits organisés des retraites et de la sécu, ainsi que l’urgence prétendue à rembourser la dette, servent de justification à cette politique. Tout est fait pour masquer ce qu’une commission du Sénat a enfin révélé : la première dépense de l’État, ce sont les 211 milliards donnés aux grandes entreprises, plus de trois fois le budget de l’Éducation nationale !

Dans l’Éducation nationale, les effets des politiques d’austérité sont désastreux : précarité (et sa conséquence : le non-réemploi de centaines d’agent.es non-titulaires), effectifs surchargés, abandon de dispositifs pédagogiques et démotivation des personnels. L’institution organise la maltraitance des personnels et des élèves.


Ces politiques d’austérité généralisées dans de nombreux pays suscitent de violentes révoltes de masse (Sri Lanka, Népal, Indonésie, Bangladesh, Serbie). En Italie se développe une mobilisation exceptionnelle d’abord des dockers en soutien à Gaza et contre le militarisme du système capitaliste qui permet ce génocide,
puis de deux syndicats appelant pour le 22 septembre à des grèves et blocages dans les ports de Gènes et de Livourne et enfin de la CGIL, la plus grande centrale syndicale, organisant une grève nationale d’une demi-journée et des manifestations à Rome et dans d’autres villes (Reuters).


Le succès du 10 septembre redistribue les cartes

Dans ce contexte, la mobilisation du 10 septembre, construite par les réseaux sociaux et par les structures auto-organisées « Bloquons Tout ! », s’est imposée comme une échéance sociale et politique importante de cette rentrée. Elle a gagné les deux tiers de l’opinion publique et un relais médiatique dont les actions syndicales n’avaient jamais bénéficié. Cela a poussé le premier ministre à demander un vote de confiance (précipitant ainsi sa chute) et a forcé les directions de l’intersyndicale interprofessionnelle à annoncer, avant le 10 et sans même citer celui-ci, une journée d’action le 18 septembre. Pour autant, le 10 a été réussi au-delà de tous les pronostics. Dans plusieurs départements, il a été l’occasion de mobilisations non seulement dans les grandes villes, mais aussi dans les villes moyennes comme lors du mouvement de 2023 sur les retraites. Dans nombre d’endroits, il a été préparé par la tenue d’Assemblées Générales, et a cherché à faire la jonction avec les travailleur.euses en grève. Le rôle de la jeunesse y a été important, comme le montrent les volontés de mobiliser les lycées (environ 150 lycées où des tentatives de mobilisation ont eu lieu) et les universités (tenue d’AG unitaires). Cela a permis de faire le lien avec d’autres mobilisations de la jeunesse, comme celles pour la défense des droits du peuple palestinien dans de nombreux cortèges ou écologistes (Soulèvements de la Terre). Dans la plupart des cas, il a permis d’associer différentes forces sociales : précaires, syndicalistes (CGT, Solidaires FSU, Confédération paysanne), « gilets jaunes », retraité.es, militant.es politiques, etc. Et surtout beaucoup de jeunes et moins jeunes nouveaux-elles dans la lutte.

Ce mouvement a posé des questions fondamentales pour le mouvement social :

– conjuguer perspectives nationales et auto-organisation à la base,

– poser comme perspective le blocage du pays, dans une optique de transformation sociale.

Les AG « Bloquons Tout » ont dû trouver des formes de mobilisation, de débats, de décisions et d’action inédites, souvent innovantes. Elles ont dû gérer :

– la participation insuffisante du monde du travail, en particulier du fait des ambiguïtés du mouvement syndical, notamment par les soutiens aux piquets de grève.

– les opérations de blocage très nombreuses, qui n’ont pas toujours pu être menées à bien, du fait d’absence de liens assez forts avec les travailleur.euses en lutte, et de la mobilisation massive des forces de répression par le gouvernement démissionnaire et des violences policières. Les réponses ont été des formations anti-répression et des regroupements des collectifs pour être assez nombreux –ses.

– le mouvement s’organise pour durer au-delà de la journée de blocage du 10, avec des perspectives de coordinations régionales et nationales. Cela est indispensable puisque l’intersyndicale nationale est repartie pour organiser l’échec, comme contre la réforme des retraites.


Dénoncer et combattre, dans les syndicats, la stratégie perdante de l’intersyndicale tout en renforçant l’auto-organisation

L’appel de l’intersyndicale pour le 18 septembre se posait volontairement comme isolé des autres mouvements sociaux. Il s’inscrivait dans la perspective de faire de cette journée d’action un moyen de pression sur le gouvernement plutôt qu’une étape dans un processus de mobilisation plus large pour la victoire sur les revendications. Ce 18 septembre a été sauvé par la dynamique du 10. Mais les directions syndicales dilapident cette forte dynamique du 10 et du 18 en redonnant la main et un répit au pouvoir. Pourtant, on le sait déjà, ses réponses ne conviendront pas et les syndicats appelleraient à une éventuelle nouvelle journée d’action isolée, trop tardive pour entretenir la mobilisation. Un véritable ultimatum eût été d’annoncer le déclenchement, en cas de réponses insatisfaisantes, d’une grève reconductible préparée par :

– la tenue d’AG unitaires de grévistes pour organiser la lutte à partir de la base, et par la coordination des AG locales,

– la convergence avec les autres secteurs en lutte.

– la participation massive aux AG du mouvement « Bloquons tout ».

Il est donc indispensable, en même temps que la dénonciation de la stratégie perdante de l’intersyndicale, de renforcer l’auto-organisation :

– d’une part des personnels des différents secteurs qui ont, en premier lieu, la capacité de bloquer le fonctionnement économique du pays par la grève et les occupations, et

– d’autre part des mobilisations citoyennes renforcées par le 10 est ses suites (AG Bloquons Tout, collectifs de lutte, écologistes..) qui peuvent de façon indépendante, mais complémentaire, soutenir grèves et occupations, bloquer des infrastructures en dehors des entreprises et dans les quartiers et impulser des formes innovantes de luttes…

C’est la convergence de ces deux forces qui peut permettre de sortir de la spirale de l’échec (cf. la défaite sur les retraites en 2023), et de combattre les offensives du gouvernement comme de l’extrême droite.

La perspective est d’affronter et de défaire la politique de Macron, qui s’applique depuis 2017 et que Lecornu entend poursuivre moyennant quelques aménagements. Il ne saurait être question de se satisfaire de quelques concessions ou d’amender à la marge le plan d’austérité que prépare le pouvoir, mais plutôt :

– d’obtenir le retrait de ce plan d’austérité,

– d’obtenir la satisfaction des revendications immédiates et unifiantes : fin du blocage des salaires, des retraites et des pensions, titularisation immédiate et sans condition des précaires et abrogation des contre-réformes, des moyens pour les services publics, pour la retraite à 60 ans et l’écologie mais pas pour la militarisation.

Ras le bol des « journées d’action ». Préparons un mouvement de grève reconductible dans la perspective de la grève générale. Cette stratégie de confrontation s’intègre dans le combat nécessaire pour l’expropriation du système capitaliste lui-même et pour une société fondée sur la démocratie directe et un pouvoir constituant.

Texte adopté au Collège national d’Emancipation des 20 et 21 septembre 2025.

Les perspectives de lutte après les 10 et 18 septembre – Émancipation

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