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Le service public audiovisuel normalise-t-il l’enfermement et le meurtre d’enfants handicapéEs?

Photographie prise sur les marches du parvis du Trocadéro. Devant la Tour Eiffel et un ciel bleu avec quelques nuages des militantEs tiennent deux banderoles où sont écrit en majuscules blanches sur fond noir "L'institutionnalisation est un crime, l'état et les associations gestionnaires en sont les coupables." et "Justice et vérité pour les victimes et survivantEs de l'institutionnalisation". Derrière les banderoles, des militantes sont masquéEs. Iels sont environ 25. Deux militantEs tiennent une rose blanche en l'air derrière chaque banderole. Entre les deux banderoles, unE militantE est en train de tenir une feuille qu'il lit et il tient un mégaphone blanc dans l'autre main. A sa gauche, se tient un chien asssis.

Attention. Ce texte évoque un reportage qui parle de l’enfermement d’enfants handicapéEs et de leur potentiel meurtre par des personnes de leur entourage. La lecture peut être difficile.

France 2 a diffusé vendredi 28-03, au bout de 30 minutes environ de son journal télévisé de 20h un reportage gravement validiste. Le Collectif Une Seule École aimerait revenir sur la gravité des propos relayés par une chaine du service public audiovisuel qui semble n’avoir aucun problème à normaliser le meurtre d’enfants handicapéEs, comme l’an dernier autour de cette même semaine pour les droits des enfants et des adultes autistes. Un reportage où les personnes handicapées n’existent qu’au travers des mots des personnes valides qui les entourent et font la promotion de la ségrégation en institution contre le droit international. Un reportage où est également évoqué la mort d’un enfant comme un soulagement.

Capture d'écran du site du 20h de France 2. A gauche Laurent Delahousse est en costume cravate bleu et tout sourire. A coté est écrit 20h week-end

« Thibault n’est pas dans une école classique mais dans un IME » donc il n’est pas dans une école. Les IME ne sont pas des écoles. Le service public d’éducation ne connaît rien du sujet et confond un lieu de soin avec un lieu d’apprentissage. France 2 laisse ensuite se dérouler une parole problématique, celle d’une enseignante dite spécialisée qui parle au nom de l’enfant pour justifier sa déscolarisation : « il n’avait aucune conscience des apprentissages scolaires, il se demandait sûrement ce qu’il faisait là ». Aucune information n’est donnée sur le temps de scolarité mais on a vu un coloriage et une boîte de feutres alors c’est la preuve que cet enfant est à l’école. Les IME sont considérés comme des lieux ce ségrégation par l’ONU mais les journalistes du 20 heure semblent parfaitement l’ignorer.

Ce sont l’école et ses agents qui ont exclu Thibault de la scolarité, pas son autisme! Si ses parents se sont battus pour une place en IME, c’est parce qu’il y est accueilli à la journée contrairement à l’école qui devait lui proposer des miettes d’heures d’apprentissage. Mais c’est toute notre société qui devrait se battre pour un accès de toutes et tous à l’école. Les parents ont le droit de travailler mais Thibault a lui aussi des droits fondamentaux et ils sont premiers : celui d’être dans l’école de son quartier et de bénéficier en classe ordinaire des moyens humains matériels et financiers confisqués par les IME. Le transfert des moyens (1,5 milliards évoqués dans le reportage) des structures ségrégatives vers les écoles et les lieux de vie des enfants handicapéEs n’est jamais évoqué dans ce reportage problématique.

Une chose importante à rappeler: les intérêts des parents ne sont pas toujours les intérêts des enfants. « Une place dans la société » n’est pas une place en IME. On peut ici souligner la dimension classiste de rendre visible la situation d’une famille de classe bourgeoise blanche quand l’accès à l’école, aux aides et aux aménagements sont plus compliqués pour les familles racisées et/ou de milieux populaires. Visiblement, quitte à faire un reportage validiste autant qu’il y ait aussi des biais classistes et racistes.

Ce qui est central et d’une violence phénoménale, c’est de nier l’existence même de Thibault en parlant de lui mais sans qu’il ne soit jamais sujet du reportage qui devrait parler de sa situation mais qui est intitulé « Le parcours du combattant des familles d’autistes ». La silenciation et la déshumanisation sont totales ici.

France TV fait la promotion des IME en faisant croire qu’il serait impossible qu’unE enfant autiste comme Thibault puisse aller à l’école et être invité aux anniversaires. Mais on ne règle pas les graves discriminations vécues par les enfants handicapéEs à l’école en les excluant des écoles! On lutte contre les discriminations scolaires, le harcèlement, le validisme intériorisé des élèves et surtout des personnels. Une telle logique ne saurait être tolérable quand il s’agit d’autres discriminations.

« 500 enfants attendent une place dans une structure spécialisée » Non, ce sont leurs familles qui attendent une place pour des raisons matérielles et d’urgence. Mais les enfants handicapéEs elleux attendent d’être traitéEs comme les autres et d’avoir une place adaptée à l’école. Pourquoi France 2 n’évoque jamais le transfert des moyens du médico-social vers les écoles ? Nous finissons par nous demander si cette partie du JT n’est pas un publireportage de promotion de la ségrégation commandé au service public par les associations gestionnaires pour faire de la semaine de défense des droits des personnes autistes qui commence lundi une “Semaine pour la préservation des structures ségrégatives gérées par les associations gestionnaires”. Pourquoi la France ignore ses engagements internationaux en la matière qui la contraignent à désinstitutionnaliser et à sortir les enfants handicapéEs des IME pour les mettre à l’école?

Rien sur la vie autonome. Aucune parole de personnes autistes, que ce soit en interviewant une personnes autiste oralisante (qui peut parler), qui utilise un tableau de communication ou encore une synthèse vocale. Rien. Les personnes handicapées n’ont rien à dire puisque des valides parlent à leur place sous prétexte d’être leurs proches. Ce qui aboutit à ce que France 2 diffuse des propos évoquant le meurtre de personnes autistes comme un soulagement. Une mère évoque face caméra : « peut-être qu’il ne va pas se réveiller et ce sera la meilleure chose qui puisse lui arriver ». On n’est pas loin de la mort miséricordieuse prônée par le régime nazi pour les personnes handicapées.

Diffuser la parole de parents en détresse, surtout des mères seules, qui expliquent que le passage à l’acte a permis de débloquer des places est un grave danger que France 2 devra assumer en diffusant une parole qui incite des parents à exercer des violences pour alerter les services! Sans jamais présenter les enfants et adultes autistes comme des êtres humainEs, le reportage pourrait être perçu comme un appel au meurtre.

Ce reportage s’inscrit dans une période morbide pour les enfants handicapéEs : le petit Tymothéo a été retrouvé mort le 20 mars dernier. Sa mère l’aurait drogué puis étouffé parce que son enfant était handicapé. Tymothéo est victime de meurtre et les réactions compréhensives en soutien à sa mère sont le signe d’une société qui refuse encore l’humanité à certainEs enfants parce que handicapéEs.

Ce reportage s’inscrit aussi dans une programmation validiste et eugéniste proposée par le service public puisque France TV diffusait en avril 2024 un téléfilm pour débattre ensuite sur le meurtre d’enfants autistes. Soirée rendue crédible grâce à Samuel Le Bihan qui a donné crédibilité à la soirée puisque père d’une personne autiste. Encore une fois, des proches silencient les premièrEs concernéEs et le service public audiovisuel organise une soirée qui asseoit un peu plus un mortifère principe de hiérarchies des vies.

Le Collectif Une Seule Ecole rappelle que l’accès à l’école est un droit fondamental et qu’en priver certainEs enfants en revient à les exclure de l’humanité et à autoriser la société à leur donner une importance moindre pour le reste de leurs droits, y compris celui de vivre.

Le Collectif Une Seule Ecole rappelle que des enfants meurent en institution dans une indifférence générale et que des militantEs handiEs se battent seulEs pour défendre leurs droits et mettre en évidence des violences institutionnelles systémiques et spécifiquement apliquées aux personnes handicapées et psychiatrisées. C’était le cas le 1 mars dernier sur l’esplanade du Trocadéro où les militantEs antivalidistes ont rendu hommages aux personnes mortes en institution ces dernières années, dans le silence et l’indifférence générale.

Le Collectif Une Seule Ecole rappelle que la lutte pour les droits des personnes handicapées se fait d’abord et avant tout avec les personnes handicapées. Ce sont LEURS paroles et LEURS besoins qui doivent être au centre des revendications. Le meilleur moyen d’aider les proches parents ou aidantEs, c’est de répondre aux besoins des personnes directement concernées. Répondre au seuls besoins des familles, c’est une politique inefficace et discriminatoire puisque pensée par des personnes valides pour des personnes valides.

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