Menu Fermer

1er entretien, c’est quoi pour toi une pédagogie antifasciste ? (Une pédagogie antifasciste – 3)

Le collectif Q2C s’est engagé dans une réflexion sur la pédagogie antifasciste. Après deux premières contributions, nous lançons une série d’entretiens sur cette question pour donner une dimension véritablement collective à ce chantier.

1er épisode

Une pédagogie antifasciste ?

2ème épisode

Aux sources de la pédagogie antifasciste

1er entretien, donc, avec Mariane, militante à SUD Éducation 59


– Que t’évoque l’idée d’éducation ou de pédagogie antifasciste ? Quelle définition pourrais-tu en donner ?


Mariane – Une éducation antifasciste, selon moi, cela repose sur des principes concrets qui sont déjà mis en œuvre par beaucoup d’entre-nous  je crois, aussi bien en tant que parents qu’en tant qu’enseignant·es :
Dire toujours la vérité, se sentir libre d’aborder tous les sujets avec elles et eux, tout en adaptant le discours à leur âge, reconnaître mon ignorance, chercher ensemble les réponses, ne jamais punir, proposer des solutions, offrir un cadre de confiance où la parole est libre et respectueuse, proposer des projets coopératifs, expliquer les enjeux, les objectifs, partager les taches équitablement, écouter les élèves, partir de ce qu’ils et elles sont, toujours passer les informations au crible de la raison …
Respecter les enfants, les élèves, les étudiant·es, comme des personnes tout aussi dignes de respect que soi-même, avoir confiance en l’être humain, en l’intelligence collective.
Respect, confiance, égalité, coopération, liberté, émancipation c’est ce qui doit guider une pédagogie antifasciste, je pense, au rebours d’une pédagogie autoritaire, haineuse et pessimiste sur le genre humain.

– En quoi cette pédagogie antifasciste te semble-t-elle, ou pas, pertinente et d’actualité ?


Mariane – Elle me semble pertinente, parce que c’est celle que je pratique, depuis que je me suis rendue compte que c’est celle qui fonctionnait pour moi. Dans mes premières années, j’ai commis beaucoup d’erreurs parce que j’ai suivi les conseils reçus à l’IUFM (ancien nom de l’ INSPE) et ceux de mes collègues plus expérimenté·es qui voulaient me convaincre de la nécessité d’un minimum d’autoritarisme. « Sois très dure dès les premières minutes, ne leur laisse rien passer. Tu pourras relâcher un peu la pression quand ils et elles seront habituées à t’obéir ». « On n’est pas là pour aimer les élèves. » « Il ne faut pas être gentil avec les élèves, sinon ils te dévorent. » Ces conseils et bien d‘autres m’ont fait perdre énormément de temps les premières années, parce que j’ai tenté de les suivre, et j’ai constaté qu’avec moi cela ne fonctionnait pas du tout. J’ai commis bien des erreurs. Et j’en commets encore parfois, évidemment.

Cependant je reconnais qu’on enseigne aussi avec ce qu’on est. Et sans doute que ces conseils fonctionnent bien avec celles et ceux qui croient en l’ordre, la docilité, le mérite individuel, la sélection, la concurrence, la hiérarchie.

– Penses-tu que la question de nos pratiques pédagogiques, dans ou hors de l’institution, a un rôle à jouer dans la lutte contre les extrêmes droites ? Quelles pratiques concrètes seraient par exemple à explorer ? Quelles autres seraient à rejeter ?


Mariane – Oui, la question de nos pratiques pédagogiques est importante, car au-delà des matières on enseigne des principes. Et nous avons une bataille culturelle à gagner.
Les principes pédagogiques possiblement antifascistes que je viens de lister et que je soutiens sont parfaitement acceptés et reconnus par l’institution. Alors je ne me prive pas d’explorer ces pratiques pédagogiques émancipatrices de manière concrète : je fais écrire des textes libres à mes lycéen·es, nous arpentons ensemble les œuvres littéraires au programme, je propose quasiment à tous les cours des travaux coopératifs, je participe activement à l’EVARS, je peux proposer un débat mouvant pour travailler l’argumentation, j’ai même testé un jeu des privilèges en Grèce ancienne pour mes hellénistes, … Toutes ces pratiques sont intéressantes, mais ne viennent pas remplacer d’autres plus classiques, elles les complètent. Je m’autorise à explorer de nouvelles activités et façons de faire, et je les explique à mes élèves. Je leur demande régulièrement leur avis sur les contenus et les méthodes. Ce qui compte c’est de prouver à mes élèves, qu’ils et elles m’intéressent, que je leur donne d’emblée ma confiance et mon respect, et qu’en retour j’espère qu’ils et elles feront de leur mieux.
Les pratiques que je rejette parce qu’elles me semblent dessiner un monde autoritaire : les punitions, les évaluations sanctions, les menaces, les prophéties négatives du type « l’année prochaine sera difficile pour toi ».

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *