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Vulnérabilité contre précarité – KroniKs des Robinsons 525 et Graines d Orties du 18 septembre 2014

Vulnérabilité contre précarité
Publié le 12 septembre 2014 par intermedes

Pour Bertrand Ravon, dans son dernier ouvrage collectif (Vulnérabilités sanitaires et sociales, éditions PUR, 2014) , la vulnérabilité et la précarité sont deux concepts révélateurs des évolutions sociales contemporaines; pourtant, note-t-il, ces deux notions diffèrent. Alors que la vulnérabilité se rapproche d’une forme de fragilité et est donc par nature réversible, la précarité elle, semble bien irréversible dans ses effets dévastateurs sur la puissance de vie sociale.

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C’est la vulnérabilité selon lui qui est la « cible » des tournants des politiques sociales actuelles qui se réfèrent aux notions de Care ou d’Empowerment. La personne « vulnérable », a en effet cette double particularité d’avoir besoin d’être soutenue (le Care) et d’être activée dans sa vie sociale, économique et citoyenne (empowerment et développement du pouvoir d’agir).

Mais que fait on de la précarité? Concept moins abstrait, moins délicat que celui de la vulnérabilité, la précarité nous assaille par sa réalité, sa violence, sa présence … et son irréversibilité!

Le chemin du précaire , nous le connaissons depuis la perte ou l’inaccès à l’emploi, en passant par l’autoenfermement , la solitude sociale ou la perte de toute forme de confiance.

Alors que le « vulnérable » s’enferre toujours davantage dans des relations de dépendance vis à vis du pouvoir, des services sociaux, des institutions qui gèrent sa vie pour le meilleur et souvent le pire, le précaire, quant à lui, n’a plus rien ni personne à qui se vouer.

Alors que le vulnérable peut voler au secours des institutions, répondre à ses demandes et ses commandes de « participation » , le précaire , lui, fait sécession. Son renoncement est une résistance, sa dépression, une révolution, silencieuse peut être mais tout autant perturbante.

Nous le constatons chaque jour: ce sont les institutions qui créent et produisent patiemment la « vulnérabilité » de leur public. Elles en ont besoin autant que les « vulnérables » ont besoin d’elles. C’est un accrochage réciproque dans une période de crise et de dé-liaison ou le danger ressenti est celui de la perte de liens, de sécession. Or c’est à cette perte irréversible de la relation institutionnelle que vient oeuvrer la précarisation .

La précarité est générée directement par le déchaînement de la violence économique, sociale, administrative, ethnique et politique. Elle ne dépend pas des institutions du social mais influe directement sur leur opérabilité en les disqualifiant.

Alors que la précarité augmente partout autour de nous et explose dans la société française , comme au quartier ; alors que les Rroms qui en sont les plus porteurs et révélateurs continuent de faire les frais d’une véritable politique de l’autruche; que celle-ci ne recule devant aucun sacrifice y compris financier pour ne pas reconnaître (encore moins traiter) l’étendue des problèmes de santé, de logement , d’alimentation , dont ils ne sont QUE les révélateurs.

Tandis qu’il va bien falloir un jour prendre conscience de ce poison qui nous envahit, alors, nous contribuons à petite échelle à définir et répandre une clinique de la précarité, une pédagogie contre la précarité.

Ni pédagogie pour les pauvres, ni pauvre pédagogie, celle-ci prend pour lieu les espaces délaissés, les publics invisibles et crée des institutions libres , seules capables de faire renaître de la confiance dans le lien social, là où il a manqué, dans le lien économique là où il a fait faillite, et (peut être) dans le lien politique, là où il a trahi.

Bien entendu il ne pourra pas s’agir des mêmes liens que ceux qui ont fait défaut. Il faut en inventer d’autres, … aussi difficile que ça puisse paraître. La question n’est d’ailleurs pas de savoir si c’est du domaine du possible ou de l’impossible: c’est juste celui du nécessaire.

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