À l’occasion de la prochaine sortie du livre de Jean-Yves Guengant Brest, naissance de l’école publique (publié en juin aux éditions Conform, qui peut être commandé dès maintenant par souscription) le site Vousnousils propose un très intéressant entretien avec l’auteur sur la genèse de l’école publique en Bretagne – il y est également question du développement de l’enseignement mutuel (Brest se situe parmi les premières villes à créer des écoles mutuelles, en 1817).
Extrait
Contrairement à l’idée d’une Bretagne entièrement réactionnaire et acquise aux monarchistes ultracatholiques, la Bretagne est l’un des berceaux de la Société pour l’instruction élémentaire, qui se crée en 1814, et qui promeut une école mutuelle, où les élèves ont des moniteurs qui leur apprennent les leçons, sous la direction du maître, et où ils sont constitués en groupes de niveaux et progressent à leur rythme. Cette école, qui remet en cause le lien hiérarchique et l’autorité du maître, est combattue par la congrégation des Frères de l’école chrétienne, crée par Jean-Marie de Lamennais, le frère du philosophe. Comme les Frères de la doctrine chrétienne, fondée par De la Salle, ils préconisent l’école simultanée : tous les élèves d’un même âge apprennant la même chose, au même moment, face au maître.
Ce qui se passe en Bretagne au début des années 1820 préfigure un affrontement entre deux conceptions de l’école : une libérale, soutenue par l’aristocratie libérale, la bourgeoisie progressiste franc-maçonne, les premiers socialistes (fouriéristes); et l’autre, conservatrice, qui va devenir après les lois Guizot en 1833 le modèle de construction de l’école moderne. Le combat laïque ne naît pas avec les lois de 1881 : elles sont l’aboutissement d’un violent combat commencé sous la Restauration. Alors que l’Église est favorable à l’école mutuelle, très vite elle se range derrière les ultras et favorise les écoles congréganistes.
Au début du XXe siècle, lors de l’expulsion des congrégations enseignantes et de la loi de séparation de l’Église et de l’État, la Bretagne devient un vrai champ de bataille. C’est dans le combat pour l’école que s’affirment les municipalités et en même temps que se forge un camp républicain, dont l’école publique est le ciment.