Après la valse (mauvais jeu de mots) des ministres de l’Éducation, la question des rythmes a été posée à nouveau, avec un petit espoir vite déçu de la part des adversaires de la réforme. Elle n’est donc pas terminée la guerre de tranchées rangeant d’un côté le ministère et les grandes associations d’éducation populaire ainsi que la FCPE et des mouvements pédagogiques, de l’autre un ensemble allant de la droite à l’extrême-gauche, dans la défense du statu quo Sarkozy chez certains* ou à un refus de principe de tout ce qui vient d’en haut pour d’autres, voire à une défense du samedi comme alternative au mercredi travaillé. L’affrontement devient encore moins lisible si l’on y ajoute la dichotomie Paris/régions, les enseignants de la capitale étant massivement contre, ceux des régions dans des positionnements très divers.
Et si c’était décidément une mauvaise querelle ?
D’un point de vue éducatif, qu’en est-il de la cohérence des apprentissages scolaires et péri-scolaires ? Non qu’ils doivent être planifiés à la soviétique, mais qu’ils ne donnent pas non plus une impression de dispersion ou de redondance, de choix faits au hasard en tout cas. Même avec les meilleurs associations qui soient, s’il n’y a pas un minimum d’information réciproque, quel méli-mélo dans les têtes (sauf pour ceux que les parents peuvent aider à s’y retrouver en toutes circonstances) ! Et d’un autre côté, pourquoi les activités péri-scolaires seraient-elles forcément moins éducatives que celles menées en classe ou à partir de la classe ?
Du point de vue des salariés, on a brusquement enlevé le mur invisible mais bien présent qui séparait les catégories : ATSEM, animateurs, enseignants. Les uns et les autres n’ont pas le même statut, de nettes différences de salaires (comme d’ailleurs entre les enseignants des deux degrés) et pas vraiment d’ habitude de travail à égalité. Au point que l’idée d’une concertation minimale (entre-information sur les projets, sur les enfants) n’a pas été évoquée (merci aux lecteurs du site qui connaissent des contre-exemples de me démentir).
Avec tant de barrières, on s’enferre. Et si la question devait être posée autrement , comme le dit une chronobiologiste très critique, Claire Leconte :
Comment utiliser au mieux les temps strictement scolaires pour qu’ils permettent aux enseignants de se repositionner dans leurs pratiques et méthodes d’apprentissage, dans les systèmes d’évaluation également, afin de développer chez chaque enfant le désir d’apprendre, le plaisir d’apprendre, de comprendre, de découvrir, développer sa motivation intrinsèque au final.
Le reste de cet article et de son blog développe quantité d’aspects, dans une profusion documentaire et polémique où chacun pourra ou non se reconnaître. Mais l’idée est là, qui donne à penser : si le désir d’apprendre avait plus à voir avec la cohérence des adultes (l’unité des salariés) qu’avec la dispersion des apprentissages et des éducateurs ? Si le monde salarial du secteur non-marchand (fonction publique, personnel municipal, associatifs) avait intérêt à être uni, à tenir un langage audible des parents des classes populaires ?
L’occasion a été bien ratée, rien n’interdit d’y réfléchir.
* tiens, pour une fois on ne remonte pas à 1950 !
Mauvais temps
J’ai réagi ici : http://education3.canalblog.com/archives/2014/04/29/29761984.html
Mauvais temps
Oui je pense aussi que c’est une mauvaise querelle, difficilement lisible et que les questions sont ailleurs.
Comme Bernard, je pense que l’apprentissage ne peut pas être découpé et minuté comme un travail à la chaîne en répondant au triptyque “moyen, objectif, évaluation”.
On n’apprend pas de façon linéaire, on n’apprend pas seul, on n’apprend pas par tranche de 55 minutes…
L’école sert principalement à trier ceux qui savent (déjà et ont appris ailleurs) de ceux qui ne savent pas, le livret de compétence est l’illustration parfaite de ce taylorisme scolaire.
Pour s’en convaincre on peut toujours écouter sur France Culture cette apologie du numérique au service de la traçabilité scolaire c’est-à-dire au service des entreprises (en particulier à partir de la 21e minute) :
http://www.franceculture.fr/emission-la-grande-table-2eme-partie-quelle-education-a-l-heure-du-numerique-2014-04-08
Mauvais temps
Nos “amis” syndicalistes ont bel et bien pourri la dimension révolutionnaire de la lutte des classes : à force de ne faire de l’ennemi de classe que le seul obstacle à l’émancipation et, vu que ça n’arrivait pas, ils ont fini par prendre goût aux rituels dégoûtants des inégalités sociales avec ce très mince espoir de leur résorption. C’est ce que tu décris et quoi que tout syndicaliste, enseignant ou non, développe pour le maintien des “avantages acquis” de sa corporation il y a là toujours la reproduction des sources mêmes de l’ineffable inégalité. Bouge le smic à la hausse de 15 ou 20 % tu obtiendras mécaniquement et psychologiquement l’ambition de tout un tas d’autres de n’être pas rattrapés par le smic et donc d’ambitionner une réévaluation qui les repositionnent au-dessus de leur contemporains. Cette logique est la source même de l’échec du mouvement ouvrier comme force sociale et politique, désormais complètement dépourvue de projet autonome.
Cette absence de projet autonome et valorisant est, tout autant que le chômage de masse et multi-générationnel, la source effective du malaise des jeunesses auxquelles sont confrontés les enseignants. Les machines désirantes des adultes ne conviennent pas aux jeunes, ni non plus aux préceptes enseignés; c’est par pure idéologie que les devises de la République sont divulguées, tout le monde sait que les privilèges ont été rétabli, que l’argent fait droit et que la malhonnêteté fait loi dans la mesure où elle est partagée.
Même des larmes de sang pourraient nous venir que ça n’y changerait rien tant que nous, les gens de peu, n’admettrons pas l’impérieuse nécessité de nous passer des élites, de provoquer l’avenir commun en autogestion, sans chefferies ni écuries décisionnaires. Donnez ça aux enfants et ils auront quelque repères pour l’avenir.
Mauvais temps
Je pense que plusieurs points on été oubliés par ce texte et la vision des deux camps dans cette histoire des rythmes scolaires est caricaturale. Il ne faut pas oublier que si de nombreux-ses enseignant-e-s ont lutté contre ces réformes c’est avant tout pour éviter une dégradation supplémentaire de leur condition de travail. Les arguments qui voudraient nous faire accepter cette dégradation au nom des intérêts des enfants oublient bien vite que ces enfants resteront tout autant à l’école qu’avant, chaque jour, parfois pour de la simple garderie qui n’a rien de moins fatigant que la classe, mais y retourneront mercredi matin. Je pense être assez bien placé pour en parler, ma fille subit ces nouveaux rythmes depuis la rentrée. Si il y avait un réel désir d’assouplir les rythmes de la scolarité il faudrait l’envisager en même temps qu’une réduction du temps de travail pour les parents (en réalité tou-te-s les travailleur-se-s) ce qui aurait l’intérêt de poser la question du partage du travail (en terme de temps et de revenus).
PS pour le commentaire sur les syndicalistes de Menguy, tu oublies un peu vite toutes celles et ceux qui se ont battu-e-s et continuent à se battre pour l’égalité, par exemple en demandant la création d’un salaire minimum ou des augmentations inversement proportionnels à la hauteur des salaires. Mais c’est sur que le discours anti-syndical simpliste porte mieux dans la pensée dominante et dans ses médias, je suis plus surpris de le lire sur Questions de classe(s). Pour ce qui est de ta conclusion, même si je partage cet objectif je suis plus surpris par l’emploi de la 2°personne “Donnez”, personnellement j’essaie de ne pas lancer d’injonctions dans lesquels je ne m’implique pas.