Les mesures envisagées par le nouveau ministre de l’Éducation nationale n’ont rien de spectaculaires : l’annonce du recours plus fréquent au redoublement, une certaine latitude pour les rythmes scolaires, permettant de revenir à la semaine de quatre jours, le rétablissement des classes bilangues et la mise entre parenthèses des enseignements pluridisciplinaires en collège, rien qui paraisse cataclysmique même si on le juge négatif.
On ne peut s’empêcher de faire trois remarques :
– ces mesures sont socialement marquées : ce sont les enfants des classes aisées qui sont demandeuses des classes bilangues (et des langues anciennes) ; ce sont au nom de leur « fatigue » que l’on envisage de pouvoir revenir à la semaine de quatre jours – les autres enfants, eux, se lèvent aussi le mercredi ! Ce sont surtout les enfants des classes populaires qui redoublent.
– ce marquage social est aussi politique : c’est Sarkozy qui avait supprimé la cinquième matinée de travail scolaire, au grand dam de l’ensemble des chronobiologistes ; c’était aussi un clin d’oeil appuyé au monde enseignant, qui l’a compris via le syndicat majoritaire du secteur en ne pipant mot (même attitude aujourd’hui).
– il est aussi pédagogique : les EPI, quelque maladroite qu’ait pu être leur mise en œuvre, voulait promouvoir l’interdisciplinarité. Le front commun syndical mêlait ceux qui étaient « pour l’interdisciplinarité mais pas comme ça » – avec des arguments audibles – et ceux qui ont une conception blindée et aveugle des disciplines : c’était quand même un front commun.
Certes, ces retours en arrière marqués mais réalisés à pas feutrés (des coups de canif, pas une « casse », pour reprendre ce terme tant et si mal usité) risquent de rencontrer l’indifférence des parents des classes populaires, pas forcément au courant de ces questions et qui vont avoir bien d’autres soucis avec la réforme du code du travail. Les bénéficiaires, les enseignants corporatistes et les parents aisés, vont continuer à jouer double jeu, avec le souci proclamé de l’égalité des chances et des malchances, et la réalité des privilèges aux dépens des gens d’en bas.
J.-P. Fournier
Ceux qu’on foule aux pieds (aujourd’hui, au regard de l’actualité éducative)
Les “mesures” du ministre n’avaient qu’un objectif : faire patienter jusqu’aux législatives. La monarchie “républicaine” fonctionnant comme il se doit, l’assemblée comptera 90% de députés Macron pour 15% des inscrits au 1er tour. Vive la moralisation de la vie politique. A ce propos attendez-vous à un coup de fil de Bayrou si les articles de QDC ne sont pas dans la ligne !
Notre ministre sarkozyste, ami de SOS-Education, va pouvoir s’atteler, maintenant, à sa tâche : achever enfin l’Education (nationale), la libérer des pesanteurs démocratiques et républicaines, la libéraliser même, la marchandiser, la moderniser, la medefiser, l’européaniser en s’inspirant des glorieux modèles dits “anglo-saxons” (en fait capitalistes purs et durs).
Gageons qu’il sera aidé et soutenu dans cette mission divine par ceux – y compris dans nos rangs – qui conçoivent la gestion des écoles comme celle d’une start-up.
Initiatives, innovations… regardons ce qu’il se fait de plus réactionnaire au Canada ou ailleurs. Une petite liaison école-entreprise, des petits groupes sur le numérique, quelques sponsors pour les sorties, les parents omniprésents à l’image des écoles privés catholiques, pas trop de savoir car le savoir émancipe forcément (comme le relevait la Chambre de Commerce de Lyon en 1867. : « La fillette travaille de 5 h. du matin jusqu’à 9 h. du soir. Dans cette usine, la patronne exige que les apprenties n’aillent pas à l’école car elles en reviennent plus indisciplinées et révoltées. »), mais beaucoup de futilités et de prêchi-prêcha… En marche arrière ! Procès d’intention ? Nous jugerons. Mais c’est déjà comme ça, non ?