0 réflexion sur “Une dérive médicalisante et normalisante

  • Alain Chevarin

    Une dérive médicalisante et normalisante
    L’article de Romuald Avet m’évoque un autre phénomène qui relève pour moi de la même « dérive médicalisante et normalisante ».

    L’Éducation nationale a introduit récemment dans les Instructions officielles le néologisme « remédiation ». Dans le BOEN n° 33 du 20 septembre 2007, reprenant le JO du 16 juin 2007, la Commission Générale de Terminologie et de Néologie a publié un texte définissant la « remédiation » : « Mise en œuvre des moyens permettant de résoudre des difficultés d’apprentissage repérées au cours d’une évaluation. […] La “remédiation” doit être distinguée du “rattrapage”, qui consiste en une remise à niveau des connaissances. »

    La remédiation désigne étymologiquement l’action de remédier, c’est-à-dire d’apporter un remède, substance servant à guérir un mal ou une maladie (y compris, dans le vocabulaire religieux, les « maladies de l’âme »). Ce terme d’origine médicale suggère donc indirectement que les élèves sont des malades et leurs difficultés des maladies.

    En mèdecine, l’expression « remédiation cognitive » sert à désigner la « rééducation des fonctions cognitives altérées » suite à des lésions cérébrales (ou dans certains cas de schizophrénie). Dans le domaine pédagogique, elle avait été reprise par les partisans de l’ « éducabilité cognitive » cherchant à apporter le « remède » approprié au « déficit opératoire » mental des élèves.

    La généralisation du terme « remédiation » à toutes les difficultés d’apprentissage, corellé avec l’« évaluation par compétences » développée au même moment, traduit une approche largement comportementaliste et une médicalisation de la difficulté scolaire, aux antipodes d’une pédagogie du collectif visant à prendre en charge les difficultés des élèves tant sociales qu’individuelles.

    Alain Chevarin

    Répondre
  • I. Nam

    Une dérive médicalisante et normalisante
    Il me semble qu’il y a dans cet article beaucoup de confusions, et d’assertions finalement peu sourcées ou peu étayées. Notamment, celle qui me paraît la plus “grosse” :

    “Les évaluations diagnostiques proposées aux enseignants du primaire et aux professionnels de la petite enfance afin qu’ils détectent rapidement les troubles comportant des risques, les inscrivent de fait dans une logique instrumentale de dépistage systématique. Ces évaluations diagnostiques proviennent du manuel diagnostique statistique des troubles mentaux élaboré par l’association américaine de psychiatrie et reconnu par l’organisation mondiale de la santé”

    Ou a-t-il pu voir que le DSM-IV-TR, voire désormais le DSM-V, a été donné aux enseignants pour procéder à des démarches diagnostiques ? C’est un outil (a-théorique d’ailleurs, et comme son nom l’indique statistique), et rien d’autre. Qui n’est destiné qu’à des praticiens du champ de la santé mentale.

    Quant à la question diagnostique, elle relève bel et bien du champ médical, et de la compétence des médecins. Dans une moindre mesure des autres professionnels de santé, mais qui restent de toute façon sous la responsabilité et la tutelle des médecins…

    Pour ce qui concerne la pertinence des analyses et autres “théories” (entre guillemets car non falsifiables) psychanalytiques, elles sont censées relever également du champ de la santé mentale – vocation première de ces allégations -, mais débordent, depuis bien trop longtemps, sur les sphères de l’éducation et des questions afférentes.
    Voici une analyse pour le moins intéressante de Nicolas Gauvrit (mathématicien et psychologue spécialisé en sciences cognitives, par ailleurs “sceptique”).
    Un peu plus de 45minutes. La question plus spécifique de la psychanalyse est abordée à partir de 6 minute 50, à peu près :
    https://www.youtube.com/watch?v=klSlSov4MmA

    Pour élargir la question, de mon point de vue, il me semble qu’il est vraiment temps d’en sortir, tant dans les établissements de soin, que dans les écoles. Ces thèses, très médiatisées, et de longue date, ont colonisé les imaginaires, particulièrement des professionnels de l’éducation. Des “diagnostics sauvages” sont avancés à tout va par tout un chacun/e, et paraissent finalement fondés le plus souvent sur des stéréotypes ou des jugements de valeur. Mais ils se trouvent mâtinés de la pseudo-scientificité que confère le jargon, mal digéré, des psychanalystes. Celui-ci permet de surcroît de légitimer ces avis, plus ou moins éclairés, de professionnels de l’enfance, et ces “diagnostics sauvage” sont susceptibles parfois de masquer des “explications” (puisque quoi qu’il arrive, on en cherche toujours… !) plus pertinentes, plus circonscrites moins globalisantes et finalement moins définitives. Ils laissent parfois peu de place à des objectifs concrets, adaptés à la situation précise avec laquelle on travaille, visant à favoriser la poursuite des progrès… et relèvent de la “naturalisation” et de la “psychologisation” qui ne disent pas leur nom…
    L’enseignement et l’éducation ne sont pas tâches faciles, aussi en lien avec la dégradation des conditions de travail, et demandent formation, et formation de qualité.
    Il ne serait probablement pas luxueux que de diffuser plus systématiquement dans les écoles et autres établissements et structures à caractère médico-social, des connaissances issues des travaux de la psychologie scientifique sur le développement de l’enfant. Cela pourrait fonder les discours, qui de toute façon se tiennent au décours des pratiques quotidiennes, entre collègues, comme auprès des familles. Pour l’heure, les choses se font, un peu “au petit bonheur la chance”, en fonction finalement des croyances et convictions de chacun/e. Et pas toujours au bénéfice des enfants et de leur famille, notamment celles qualifiées de “modestes”, et qui sont dotés de fort peu de “ressources” en tout genre pour faire face aux professionnels de l’éducation qui se transforment parfois, même guidés par l’envie de bien faire et sans l’envisager de cette façon, en juge et en prescripteur de la “bonne moralité” et/ou de la “bonne éducation”…

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *