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Ecole obligatoire : privilèges confirmés pour les catholiques intégristes

Un détail qui ne relève sûrement pas du hasard : alors que le projet de loi « confortant les valeurs républicaines » aura pour effet, s’il est adopté, de supprimer l’instruction en famille, il ne touche en rien au statut de l’enseignement privé hors contrat. Celui-ci pourra toujours ouvrir une école sur une simple déclaration aux autorités alors que les familles devront se soumettre à une autorisation annuelle, arbitraire par principe. Un privilège qui interpelle, notamment lorsqu’il concerne les établissements proches de la mouvance catholique intégriste dont l’attachement aux valeurs républicaines ne saute pas aux yeux.

Il en va ainsi pour les écoles – quelques dizaines – rattachées à la Fraternité Saint Pie X, une communauté fondée en 1970 par monseigneur Lefebvre, en scission avec la papauté sur des questions comme le dialogue interreligieux, la liberté de conscience ou les rites religieux. Ces écoles sont régies par une « charte des écoles du district de France de la Fraternité Saint Pie X » dont les principes ne font pas mystère de leurs choix éducatifs :

« Les écoles de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X ont pour fin l’éducation chrétienne des jeunes gens selon l’esprit de notre Mère la Sainte Église, qui a reçu la mission divine d’enseigner toutes les nations, et dont l’expérience multiséculaire s’est clairement exprimée dans les directives des souverains pontifes et constamment manifestée par la pratique des saints éducateurs. » (article 1).

L’article 2 rappelle la méfiance ancestrale d’un certain catholicisme pour le monde moderne et ses funestes erreurs dont la jeunesse doit être préservée : « Le fondement de ces écoles est l’esprit de foi. Si la foi est profonde à l’école, les études seront bonnes, la discipline aisée, l’esprit de famille naturel. En ces temps d’apostasie, ces écoles ont le souci de transmettre l’amour de la vérité. Les élèves y apprennent à reconnaître les erreurs modernes afin de les repousser, ils garderont ainsi le chemin du Ciel au milieu des dangers de ce monde. »

En conséquence de quoi, la pédagogie qui a cours dans ces écoles repose sur quelques principes forts et d’une simplicité toute biblique : « L’éducation chrétienne, coopération à l’action de la grâce, a pour but la formation du véritable et parfait chrétien. L’école trouve dans la liturgie la source privilégiée de la vie surnaturelle et d’une solide piété. Les élèves aimeront le Saint Sacrifice de la Messe, la fréquentation des sacrements, les cérémonies et la musique sacrée (…) Ces écoles dispensent un enseignement vraiment catholique, où toutes les sciences profanes sont en harmonie avec l’esprit de foi » (articles 4 et 5).

Rien d’illégal dans ces règles : les établissements hors contrat ne percevant aucun financement public sont entièrement libres de leurs programmes et de leurs méthodes. Les journées et les semaines sont rythmées par les prières et les offices religieux sous la houlette de religieux en soutane qui font également office d’enseignants. Dans les écoles de garçons, il n’est pas rare de voir des élèves revêtir la robe d’enfant de chœur.

La plupart de ces écoles, souvent sous le régime de l’internat, ne sont pas mixtes. Dans ces conditions, avec des enfants et des adolescents séparés de leur famille mais issus de milieux généralement favorisés (les frais de scolarité et d’internat sont conséquents), partageant un même choix sélectif de valeurs, avec des élèves coupés de la société, éduqués à l’écart du monde moderne, incontestablement les établissements catholiques hors contrat sont un parfait exemple de ce que peut être une éducation communautariste. Mais un communautarisme qui ne fait l’objet que de bien peu de surveillance (1), encore moins de stigmatisation. Car un communautarisme catholique a toujours quelque chose de très français qui le protège de la vindicte officielle. Ou plus exactement, un rapport au collectif qui vide de son sens toute tentative de définition rationnelle d’une notion fourre-tout dont on use et on abuse sous couvert de défense de la république et de la laïcité.

Pourquoi reconnaître aux uns ce que l’on refuse aux autres ? L’islamophobie systémique de l’éducation nationale rentre bien sûr en ligne de compte mais n’explique pas tout : en réalité, la forme scolaire prise par un certain catholicisme intégriste ne s’oppose pas fondamentalement à la forme scolaire d’un républicanisme tout autant intégriste. Dans l’histoire des systèmes éducatifs, l’école de la république s’est bien davantage construite à partir d’un modèle scolaire religieux qui fut pendant longtemps la norme que sur une bienveillance pour les enfants tels qu’ils sont, encore moins dans un visée émancipatrice à laquelle l’Eglise comme l’Etat se sont constamment opposés. Même clôture entre les élèves et le monde, même rapport artificiel au savoir, même formatage idéologique avec cette illusion, cette prétention, qu’une prédication moralisatrice suffira pour faire de bons citoyens ou de fidèles croyants, la république sacralisée enseignée par l’école n’étant pas de nature si différente de l’éducation à la foi religieuse dispensée dans les établissements catholiques hors contrat. Dans les deux cas, des habitudes d’obéissance et de conformisme vues comme un bouclier contre le communautarisme : la peur panique du communautarisme, c’est d’abord la peur de la différence, une peur qui, dans le cas de l’école, n’a pas tant à voir avec l’émergence hypothétique d’une communauté – accusation à l’évidence infondée dans le cas de l’instruction en famille – qu’avec la hantise de perdre le contrôle sur les individus.

L’intérêt de l’enfant par l’école obligatoire ? Mais quand le projet est porté par un pouvoir politique (et de façon significative par un ministre de l’Education nationale brutal et arrogant) tenté par l’autoritarisme, soutenu par une opinion très sélective dans sa défense des libertés publiques, on n’est pas forcé d’y croire.

(1) – La dénonciation de certains agissements, assez régulièrement relevés dans la presse locale, n’est jamais le fait des pouvoirs publics mais d’anciens élèves ou de parents. L’administration, trop occupée à traquer les terroristes sur les bancs de l’école ou les manquements aux valeurs de la république, regarde ailleurs.

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