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Carnets Rouges – « Abécédaire critique de la novlangue en éducation »

La revue Carnets Rouges 1 publie un « Abécédaire critique de la novlangue en éducation ». L’ambition de ce numéro est de participer à la déconstruction d’un langage dominant, omniprésent dans les textes et discours institutionnels aussi bien que dans certains médias « bienveillants », et dont la fonction première est un empêchement à penser, individuellement et collectivement. Ce langage n’est pas spécifique à l’éducation, il envahit nos espaces de travail et de vie. S’il prend un relief particulier en matière d’éducation c’est d’évidence parce que les enjeux sociétaux y sont fondamentaux, aussi parce qu’il tente, souvent avec succès, de détourner, opacifier et masquer une politique de plus en plus violemment inégalitaire dans l’accès de tous aux savoirs « en même temps » qu’un empêchement à exercer le métier d’enseignant. Là est sa force qui exige une attention constante pour débusquer sans relâche comment ce langage de la domination peut, y compris à notre insu, entacher nos propres réflexions.

Comment en effet s’opposer au « libre choix des élèves », récuser la prise en compte des « besoins individuels » et des « talents différents » qui exigeraient une individualisation des apprentissages alors que la pandémie a montré, s’il en était encore besoin, l’état catastrophique d’un système éducatif qui ségrégue de la maternelle à l’université ? Le langage manipulé, réduit à des slogans, est malhonnête, comme le dénonçait Orwell, quand il ment aux parents légitimement inquiets face à un avenir de plus en plus incertain, aux élèves assignés à résidence de leurs origines, aux enseignants contraints de répondre à des injonctions successives et contradictoires.

Les « éléments de langage » ressassés à l’envie exsudent le mépris de classe. La novlangue désociologise et psychologise la question scolaire (appel à la confiance, la bienveillance, l’épanouissement…), naturalise et essentialise les rapports sociaux. Elle véhicule une conception inepte et mortifère des savoirs (les fameux fondamentaux),

Le dernier attentat terroriste et les mesures de plus en plus liberticides que s’autorise à prendre le gouvernement, toujours dans l’urgence, c’est-à-dire hors de tout cadre démocratique, ne peuvent que renforcer la conviction à l’origine de cet abécédaire. Il est plus que jamais nécessaire de penser, de se battre pied à pied contre toute instrumentalisation du langage qui tente de nous priver de toute relation à l’autre, c’est-à-dire de tout dialogue, de toute conflictualité sans lesquelles toute action émancipatrice est vouée à l’échec.

Vingt-neuf mots de la novlangue sont, dans cet abécédaire critique, resitués dans leur histoire, leurs usages, par des chercheurs, des syndicalistes, pour mettre l’éducation au service de l’émancipation individuelle et sociale.

Paris le 22 octobre 2020
Christine Passerieux
Rédactrice de Carnets Rouges

CARNETS ROUGES.fr N° 20 octobre 2020

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