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Où va le féminisme?

Vanina, dans son dernier livre, qui sort le 2 juillet aux éditions Acratie, pose la question et n’y va pas par quatre chemins: «pas de révolution sociale sans libération des femmes, pas de libération des femmes sans révolution sociale»!

Les questions de genre sont de nos jours en France l’un des thèmes favoris des politiques, des universitaires et des journalistes comme des milieux militants, de la gauche aux « radicaux ». Pareille convergence n’a cependant rien de très réjouissant puisque, en l’absence d’une contestation conséquente de l’ordre établi, elle débouche avant tout sur l’insertion de femmes dans la hiérarchie sociale.

Le slogan « Pas de révolution sociale sans libération des femmes, pas de libération des femmes sans révolution sociale » visait surtout, dans l’après-68, à souligner que la lutte des classes ne libérerait pas automatiquement les femmes : il fallait mener dans le même temps un combat spécifique contre le patriarcat. Mais la fin des Trente Glorieuses et du bloc soviétique, la propagande « libérale » et les thèses postmodernes ont ensuite enterré le désir de changer la société. Voilà pourquoi, alors que la révolution paraît maintenant à beaucoup synonyme d’utopie, c’est plutôt sur « Pas de libération des femmes sans révolution sociale » que l’on doit insister : l’oppression féminine ne disparaîtra qu’une fois le capitalisme détruit.

Le féminisme a en effet évolué vers une demande d’intégration émanant en priorité de femmes des classes moyennes et supérieures, et passant par la suppression des inégalités salariales avec les hommes et par une répression accrue des violences masculines.

Certes, à connaissances ou savoir-faire équivalent, « les femmes » ont des chances de l’emporter à la longue sur « les hommes » en ce qui concerne le travail rémunéré – et pas tant en raison de quotas ou d’une parité s’exerçant au détriment des seconds que par un effet boomerang du rôle social imposé aux premières. Aucun « grand homme », ou même petit, ne serait en effet là où il est sans une « précieuse » secrétaire ou assistante pour assurer les innombrables et incontournables tâches matérielles et organisationnelles liées à sa fonction ou son métier. Et comment les femmes ne sauraient-elles pas, dans leur grande majorité, jongler avec ce genre de « détails » ? N’ont-elles pas été conditionnées à être, dès leur enfance, à la fois des fées du logis et des subalternes efficaces à l’extérieur ? Elles ont appris à concilier le tout, et la gymnastique que leur impose leur double journée est un excellent exercice pour « performer » en constance, persévérance et élasticité. Mais pareil « atout » ne suffira pas à abattre la domination masculine.

Car, après avoir été secouées par Mai 68 et les mobilisations suivantes, les institutions patriarcales ont vite retrouvé leur position hégémonique. Et les universitaires, devenu-e-s la nouvelle avant-garde intellectuelle en matière de genre et de minorités – avec la « théorie queer » et les analyses sur l’« intersectionnalité » –, ont aidé les gouvernements successifs à recycler les revendications féministes vers du tolérable pour eux. L’exploitation de classe a ainsi été reléguée derrière une foule d’oppressions à déconstruire individuellement dans la société existante.

Au cours de la décennie 1970, la « révolution sexuelle » avait été rêvée comme un moyen de chambouler cette société : en rejetant la « norme hétéro », on ouvrait la porte à toutes les sexualités ; en contestant la possessivité dans les couples, on s’en prenait plus largement à toutes les structures de pouvoir. Aujourd’hui, tandis que le système s’accommode sans peine des revendications féministes exprimées, l’hétérosexualité demeure la règle, et les rapports entre les sexes continuent en général d’être fondés sur l’appropriation du corps de l’Autre et sur un acte de mariage ou de PACS, autrement dit sur la propriété privée.

Pour détruire les structures en place, il ne suffit donc pas de mettre au jour les diverses oppressions individuelles et de suivre en milieu clos quelque code de conduite « politiquement correct ». S’attaquer fondamentalement aux rôles sociaux imposés, à la norme hétérosexuelle, aux féminicides, à la discrimination des trans ou à l’homophobie implique de redonner toute leur place aux critères et aux analyses de classe, afin de pouvoir avoir une vision globale de la société et de multiplier les pratiques de terrain efficaces contre notre ennemi, qui est toujours le système capitaliste et patriarcal – et non juste les politiques néolibérales ou les comportements sexistes qu’il produit et alimente.

Le recensement du livre par Nestor Romero sur Mediapart : https://blogs.mediapart.fr/nestor-romero/blog/200620/ou-va-le-feminisme
Le communiqué de presse sur le site d’Acratie : https://editionsacratie.com/ou-va-le-feminisme-vanina/

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