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Pendant le confinement, N’Autre école hebdo !!!

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Appel à contribution

« Ceci n’est pas une école » – « L’école à distance ? » – « L’école sans l’école » – « L’école sans personne » – « L’école dans un ordinateur », etc.

Le lundi 16 mars, les portes de tous les établissements scolaires de France sont fermées et nous assistons à la mise en place de la « continuité pédagogique » décrétée par le ministre Blanquer. Un enseignement à distance, donc, qui n’a été ni pensé ni préparé, et durant un confinement sanitaire dont les conséquences matérielles et psychologiques pour tou·tes n’ont pas plus été réfléchies.

De cette « continuité pédagogique » surgissent des pratiques et des questionnements que le collectif Questions de classe(s) souhaite mettre en avant dans les prochaines publications de la revue N’Autre école.

Et à situation inédite, formule inédite : chaque semaine, la revue sortira en format pdf gratuit avant d’être éditée en format papier, plus tard. Il nous paraît en effet important que les réflexions, les démarches et les témoignages puissent se diffuser rapidement, afin de nous aider à penser l’école telle qu’elle est actuellement, d’aiguiser notre regard critique et d’infléchir encore nos pratiques.

Trois semaines ont passé.

Inévitablement, le rapport à l’école, aux savoirs, aux autres n’est plus le même pour les jeunes et leurs proches, mais également pour les personnels de l’éducation. Inévitablement, les pratiques, la prise en compte des besoins des jeunes, la relation pédagogique, le rythme, les démarches d’accompagnement vers les savoirs et les compétences, le travail en équipe, même, se sont transformés.

À l’urgence sanitaire a répondu comme une urgence pédagogique, celle de fournir de la matière, de faire travailler les élèves, presque comme si de rien n’était, de maintenir le lien entre les jeunes et l’école, coûte que coûte, quitte à fermer les yeux sur les inégalités qui, immédiatement, se sont révélées implacables.

Très vite, des réactions se sont fait entendre : personnels, parents, chercheurs·es ont alerté sur les risques de cette « continuité pédagogique », en termes d’inégalités, de rythme, d’épuisement, de culpabilisation, d’obéissance inconsciente aux injonctions ministérielles ou encore d’utilisation inquiétante de canaux de communication non institutionnels.

Très vite aussi sont apparues des pratiques pédagogiques plus adaptées à la situation, qui accompagnent les apprentissages, tout en ne niant pas le caractère sidérant et anxiogène de la situation, qui tissent du collectif, malgré le confinement et la tendance au repli sur soi qui guette chacun·e, des pratiques qui prennent également en compte les premier·es pédagogues du moment : les parents. Car nous comprenons bien, encore plus avec cet enseignement à distance, à quel point l’école peut être hermétique, dans son fonctionnement comme dans son langage.

L’urgence, pour nous, est de ne pas nous laisser déposséder de notre métier et de maintenir, collectivement, l’exigence d’une pédagogie et d’une école dignes pour tous et pour toutes.

Parents, personnels de l’éducation, chercheurs·euses, nous attendons donc vos contributions, selon le format habituel (4000 à 8000 signes) à envoyer à admin@questionsdeclasses.org

Pour le 1er numéro : avant mercredi 8 avril.

Pour le 2ème numéro : avant mercredi 15 avril.

1 Comment

  1. M. LASTERLE

    Impossible continuité pédagogique pendant le confinement
    En dépit des annonces faites par Jean-Michel Blanquer, Ministre de l’Education nationale, sur la mise en place dès lundi 16 mars d’une continuité pédagogique, non il n’est pas possible humainement et émotionnellement parlant pour nos élèves (et leurs parents) de parler continuité pédagogique en période de confinement sans que leurs professeurs ne soient physiquement à leurs côtés. L’Ecole à distance est un leurre pédagogique, une catastrophe humaine et une machine à détruire les emplois.

    Voilà 2 jours que nous avons mis en place ce que l’institution nomme la continuité pédagogique, que d’autres nomment l’école à distance, école en ligne ou je ne sais quoi d’autre. En somme une évolution qui met l’outil et la technique au dessus de la pédagogie.

    Et voilà 1 jour entier que tout le pays est plongé dans un angoissant confinement qui ne dit pas son nom.

    C’est à une double tranche de stress que nos élèves sont confrontés bien tôt pour leur âge. On ne cesse de parler de victimes de ce fichu virus, du nombre de celles-ci qui ne cesse d’enfler et s’ils vivent en appartement, loin d’un jardin, du grand air, alors c’est une couche supplémentaire de stress qui ne manquera pas de leur coller à la peau. Non, la période que nous vivons n’est pas propice à l’équilibre de nos élèves. Le mois de mars est celui du printemps, des fleurs et des oiseaux. Nous savons désormais qu’il sera celui du satané virus.

    Le monde dans lequel nous vivrons ne sera plus le même que celui dans lequel nous sommes nés. Nous avons, adultes que nous sommes tous conscience de vivre une période ô combien singulière et bouleversante à plus d’un point. Un moment de rupture. Un changement décisif dans notre rapport au monde, à notre sécurité, notre rapport à la liberté, notre rapport aux autres, notre manière d’enseigner. Nos élèves ne manqueront pas de le ressentir eux aussi.

    Si équilibrés que nous soyons, nous ne manquons pas d’éprouver au quotidien bien des sentiments et émotions fortes et parfois bien difficiles à contenir, à maîtriser. Le temps qui paraît être suspendu nous trouble. L’inquiétude n’est jamais loin. Les files d’attente sur le parking des pharmacies, à l’entrée des supermarchés, le boulanger ou le boucher qui vous sert avec un masque devant la bouche et l’attestation de déplacement dérogatoire à avoir sur soi pour faire quelques courses ou prendre l’air contribuent à créer un monde aux sentiments étranges peu enclins à nous rassurer pleinement. Nous ne nous embrassons plus, ne nous serons plus dans les bras, toutes ces marques d’affections qui nous rassurent, nous réconfortent sont devenues des interdites.

    Aussi je crois, qu’en qualité de professeur du secondaire, que nous devons prendre pleinement en compte cet aspect émotionnel si déstabilisant lorsqu’on a 10, 11, 12, 13 ou 14 ans à peine. Et plus lorsqu’on est lycéen.

    Je pense que c’est une erreur profonde de croire que la continuité sera possible. Aujourd’hui mercredi 18 mars, nous sommes déjà très très loin de la semaine passée. Non, ce ne sera plus comme avant le confinement. Il est illusoire de croire que nous devons maintenir le rythme et que nos élèves (et leurs parents) doivent s’y conformer. Le retard ne sera pas comblé. Nous ne pouvons demander aux enfants de faire en une journée chez eux ce qu’ils font en classe en plus des devoirs pour le lendemain.

    Il ne peut y avoir de continuité pédagogique dans ce contexte de confinement. Nous devons absolument réduire nos exigences. Nous ne sommes plus en temps normal. Nos élèves ont besoin d’être rassurés, pas bombardés de travail, de devoir à faire, d’activités à rendre dans un temps imparti et un calendrier étroit. A ce rythme-là, les foyers familiaux dans lesquels ils doivent trouver la chaleur, vont devenir des pétaudières. Les parents déjà tracassés, fatigués, éreintés, bouleversés, déstabilisés par le confinement, l’absence de liberté, l’omniprésence des politiques (qui ont échoué à nous protéger) dans les médias, l’énumération quotidienne des cas, des décès et le reste, tout le reste qu’il fallait gérer en temps normaux, oui, les parents de nos élèves sont mis à très très rude épreuves eux aussi.

    C’est pour cela que j’ai décidé de demander à mes élèves une poursuite et une continuité bien bien modestes, sans précipitation et surtout sans évaluation, sans travail à rendre noté. Je ne veux pas ajouter du stress au stress. Je me contenterai donc d’accompagner les élèves afin qu’ils dépassent dans les conditions les moins stressantes l’épreuve que nous traversons tous. Peut-on parler réellement de continuité pédagogique quand les professeurs que nous sommes doivent passer par la médiation d’outils pour communiquer ? Je ne le crois pas. Continuité peut-être et encore, plutôt discontinuité…. Pédagogie, sûrement pas.

    Nous touchons du doigt réellement les limites (connues des plus lucides d’entre nous) de cette évolution qui nous pousse à marche forcée vers ce que des aveugles qualifient d’Ecole à distance, d’Ecole virtuelle, de continuité pédagogique et toutes ces expressions qui oublient l’essentiel. Enseigner c’est un métier, c’est un art (et notez que je ne me prends pas pour un grand artiste, tout au plus un artisan consciencieux) qui exige la présence physique des professeurs. L’outil si utile soit-il parfois ne pourra jamais remplacer l’humain.

    Pour mes élèves de collèges, le programme sera avancé autant que possible, via la plate forme numérique (que j’utilise d’ailleurs en temps normaux pour glisser fiches objectifs, supports de cours, documents divers…) petit à petit, pas à pas et il y aura des manques c’est inéluctable. Et bien est-ce là (le programme, les compétences) le plus important ?

    Pas question d’ajouter du trouble et de l’anxiété au quotidien de nos pitchouns.

    Je vais donc réduire la voilure pour arriver à bon port. C’est le devoir du capitaine que ramener tous ses matelots et l’équipage au port après avoir essuyé une tempête.

    L’important est de nous retrouver tous pour terminer cette année au milieu de nos élèves dans nos salles de classes, nos laboratoires et nos gymnases. N’est-ce pas là le plus important ? Il faudra alors réfléchir à l’évolution de notre si beau métier en passe de disparaître corps et âme derrière la technique… et la volonté de ceux qui rêvent tous bas de la généralisation de l’Ecole à distance.

    Je suis peut-être dépassé, mais sur cette question-là, la modernité n’est pas là où on le croit. Les outils et les techniques déshumanisent l’Ecole. En qualité de professeur, j’ai charge d’âmes, pas d’un parc informatique et de logiciels en tous genres. M’aliéner à des outils pas question ?

    Il n’est plus un jour sans que je ne reçoive sur ma messagerie de la part de tel ou telle organisme ou entreprise, tel éditeur, des outils à disposition, des ressources, des je ne sais quelle recette pour faire l’Ecole numérique, l’Ecole à distance, l’Ecole de demain…. Une Ecole sans professeur. Le rêve en somme des comptables qui la calculatrice à la main depuis 40 ans s’acharnent à dégraisser le mammouth…

    Le confinement continu n’est guère pédagogique. Et il est parti pour durer quelques semaines. Notre Ministre de l’Education nationale qui s’est empressé de communiquer sur la mise en place de la continuité pédagogique pour montrer que le gouvernement auquel il appartient est réactif, a tout prévu, bref qu’il est compétent.

    Mais il a oublié l’essentiel qui est double.

    Le contexte du confinement qui déstabilise TOUTES les sociétés et plus encore sans doute les plus jeunes. Ce confinement qui est d’une brutalité inouïe.

    L’Ecole au sens large n’existe et n’a de raison d’être que lorsque les élèves sont au milieu de leurs professeurs. Nulle part ailleurs, on ne peut « faire l’Ecole » que dans la classe, le labo, le gymnase, les rues et ruelles (en sortie), les sentiers ou dans la cour quand le printemps revient. Aucun outil ne remplacera l’échange et la relation humaine. Le regard et le signe encourageant. Le groupe que forme la classe qui nous donne un sentiment d’appartenance et les récrés durant lesquelles on se défoule. Le bonjour et le au revoir du professeur. La voix de tel ou tel. Les sorties scolaires et les projets solidarités. Les conseils de classe qui réunissent toute l’équipe pédagogique, les délégués parents et les délégués élèves….

    A la fois père de famille et parent d’élève, mais aussi professeur d’histoire en collège, c’est ainsi que je crois que nous passerons plus facilement au-delà de moment de rupture clé dans notre histoire et que nous nous retrouverons autour des valeurs communes de notre métier.

    La continuité pédagogique en période de confinement (ou pas) sans que leurs professeurs ne soient physiquement à leurs côtés, l’Ecole à distance est un leurre pédagogique, une catastrophe humaine et une machine à détruire les emplois.
    Cette phase doit nous obliger à changer urgemment le modèle de société, vers du mieux et du moins. Pas question de garder ce modèle capitaliste et libéral. A l’heure du réchauffement climatique et des conséquences majeures qui en découlent, il est plus que temps de cesser de songer à n’exister qu’à travers la société d’hyper-consommation dévoreuse en ressources… tout autant que les outils mis en avant par l’Ecole à distance pour faire disparaître à court terme notre si beau et utile métier.

    Et permettez-moi d’y ajouter un tendre salut inspiré par l’immense Bourvil…

    Christophe LASTERLE, professeur d’histoire et papa

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