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Marche contre l’islamophobie: un message positif parasité par les polémiques?

J’étais donc hier à la manifestation contre l’islamophobie. J’ai expliqué dans mon billet précédent pourquoi j’y allais, malgré mes désaccords avec plusieurs initiateurs et signataires. Et je ne regrette pas d’être venu. La marche est une réussite, mais on n’a pas évité les polémiques…

J’étais donc hier à la manifestation contre l’islamophobie. J’ai expliqué dans mon billet précédent pourquoi j’y allais, malgré mes désaccords avec plusieurs initiateurs et signataires. Et je ne regrette pas d’être venu.

Départ gare du Nord, vers une destination floue pour beaucoup d’entre nous, mais qui s’est avérée logiquement être place de la Nation. On se rend compte rapidement qu’il y a beaucoup de monde, particulièrement quand on se retrouve au milieu du boulevard de Magenta.

Dès mon arrivée, je tombe sur un mouvement de foule, avec une nuée d’appareils photo et de téléphones, j’entends « Femen », et j’aperçois effectivement une jeune femme torse nu, plaquée sans ménagement contre une porte cochère. Puis cachée par un parapluie aux couleurs palestiniennes. Quelques éclats de voix, un type un peu excité est calmé par d’autres manifestants. Ce sera le seul moment un peu tendu de la manif.

En effet, l’esprit général est très bon enfant. Évidemment, il y a des femmes voilées et des hommes barbus (ce qui a fait frémir la fachosphère, et ressortir le hashtag #MARTEL732), mais la population est très mélangée, notamment en âges. Il y a beaucoup de familles.

Les slogans sont positifs, on y parle de « laïcité », de « nation », de « respect », de « vivre ensemble ». Les prises de parole de certains organisateurs sont moins nuancées en revanche. On y fait reprendre et huer des noms de personnalités islamophobes, mais cela reste dans le classique de manifestations politiques. Et on est loin d’appeler à tirer à balles réelles sur eux…

S’il y a beaucoup de femmes voilées dans le cortège, y compris en tête, ce sont surtout des hommes que l’on entend au micro. On sent la joie, certes, mais aussi une forme de griserie, avec des qualités d’orateur, des phrases comme « mes frères, mes sœurs, notre communauté », et je ne serais pas étonné que certains aient des ambitions politiques. Pourquoi pas ?

L’un d’eux fait scander des « Allah Ackbar ! » à la foule. En communiquant expérimenté, il sait sans doute comment cela va être pris, dans la manif, mais surtout ailleurs. Pour ma part, je ne suis pas très à l’aise à ce moment, vu que la dernière fois que j’ai entendu cette phrase, c’était suivie de détonations de Kalashnikov. Pourtant, les gens autour de moi sont rassurants, l’orateur insistant également sur le message de paix détourné. Il estime qu’il a été kidnappé par « les médias », alors qu’une femme près de moi pense que ce sont plutôt les terroristes qui l’ont volé, que c’est inadmissible que des gens tuent en scandant cette phrase. Je suis alors bien plus apaisé. D’ailleurs, mon sentiment tout au long de la manif est que la foule est bien plus positive, calme et ouverte que plusieurs « porte-paroles », aux propos plus offensifs et parfois gratuitement provocateurs.

Le bilan est donc très positif, que ce soit sur l’ampleur de la manifestation (plus de 10 000 personnes), ou sur le message véhiculé et l’image montrée au pays. Le souci, évidemment, c’est comment tout cela est relayé dans les médias, et singulièrement les réseaux sociaux.

Le hashtag #marchedelahonte est apparu très rapidement sur Twitter, dans la foulée de toutes les critiques sur la manifestation et celles et ceux qui avaient décidé d’y participer, notamment à gauche. Le souci est que ce hashtag est loin d’avoir été partagé uniquement par la fachosphère, ou même le Printemps républicain. Philosophes médiatiques, historiens, journalistes, polémistes, politiques s’en sont donnés à cœur joie, isolant quelques slogans, voire les interprétant de façon complètement tordue ou hypocrite, pour jeter un discrédit sur toute la marche, ignorant volontairement les messages positifs qui étaient majoritaires.

Le plus facile à récupérer a évidemment été la photo de cette enfant arborant un signe sur son vêtement faisant le parallèle avec l’étoile jaune portée par les juifs pendant la guerre. La sénatrice et historienne Esther Benbassa, présente aux côtés de la petite fille, et qui dit ne pas avoir vu ce signe, a subi une véritable shit storm sur Twitter, étant même accusée de cautionner l’antisémitisme, contre lequel elle a pourtant lutté depuis toujours, par ses travaux et son militantisme !

Évidemment que le parallèle est volontaire de la part de la ou des personnes qui ont fabriqué ce signe. Que l’étoile ait cinq branches et pas six est logique vu que c’est un signe musulman (avec le croissant). Mais nier que le choix du jaune et l’inscription « muslim » plus encore n’aient aucun rapport avec l’étoile jaune, et donc qu’il n’y ait aucune volonté de faire le parallèle entre la situation des musulmans aujourd’hui et celle des juifs hier, c’est vraiment être naïf ou de mauvaise foi ! Il suffit de mettre les deux symboles l’un à côté de l’autre, ça saute aux yeux…

Il aurait peut-être fallu surtout insister sur le caractère ultra-minoritaire de ce détournement, qui ne représente en rien l’esprit de la marche, au contraire. J’ai personnellement croisé deux ou trois signes de ce genre, plus un sur une pancarte. Apparemment, même si c’est à confirmer, il s’agissait d’une seule personne qui les distribuait sous le manteau…Pourquoi tenter de trouver une autre signification ? C’est une perte de temps, et cela ne fait qu’alimenter la polémique…

Le pire est finalement que beaucoup de ceux qui ont attaqué ce parallèle pour le mieux bancal sont les mêmes qui ont considéré que les non-musulmans qui manifestaient étaient des « islamo-collabos », comparant ainsi la religion musulmane au nazisme. Et ceux-là sont bien plus nombreux, médiatiquement et politiquement. C’est à cela qu’il faudra répondre par la suite, car ce genre de discours qui infuse pourrait bien, à terme, rendre vaine la réussite incontestable de cette mobilisation.

Christophe Naudin

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