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Un jour mon prince viendra, Agnès Laroche et Fabienne Brunner (album)

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« Un jour mon prince viendra » ainsi chantait Blanche-Neige qui sera finalement embrassée endormie (donc non-consentante) par le dit prince. C’est aussi le titre de l’album d’Agnès Laroche et Fabienne Brunner dont la couverture évoque un autre modèle de conte de prince et de princesse : le crapaud attend d’être embrassé. Mais dès lors, de la princesse ou du prince-crapaud, qui attend qui ? Alors que nous n’avons pas encore ouvert encore l’ouvrage, les autrices opèrent un trouble dans les schémas narratifs traditionnels – trouble dans le genre.

[**Un travail sur la langue des contes*]

En effet, il était une fois un crapaud qui se transforme en prince quand un autre prince l’embrasse.

Les autrices reprennent la trame du conte traditionnel et la détourne habilement. La langue simple travaille à construire une familiarité aussi bien avec le lecteur qu’avec son héros. Familiarité qui n’empêche pas (voire, est le produit) un travail poétique sur la langue – notamment rythmique. Comme lorsque le narrateur conte les échecs de Philémon : « Lorsqu’une princesse l’embrasse, rien ne se passe. Absolument rien ». Un travail sur la langue qui reprend aussi les formes du conte traditionnel avec l’usage d’une formulette qu’on retrouve au fil des pages : « Et là, rien. Rien de rien. Crapaud il était, crapaud il restait ».

Cependant, si l’histoire s’écrit par référence et décalage par rapport au conte de princesse traditionnel, elle ne repose pas uniquement sur un jeu de référence intertextuel. Le schéma narratif est clair et la langue simple : autrement dit, l’album ne s’adresse pas à une élite enfantine cultivée, et peut être lu au premier degré et non forcément comme une subversion du genre.

[**Subvertir le genre pour écrire l’amour*]

L’album raconte donc l’histoire d’un personnage homosexuel : le crapaud à qui on avait annoncé qu’il deviendrait prince avec le baiser d’une princesse, prendra forme humaine après avoir embrassé un jeune homme. L’homosexualité, bien qu’inattendue et constituant l’intérêt de l’histoire, n’est cependant pas problématisée outre mesure par la narration : les deux princes ne se heurtent pas à leurs parents et ne semblent pas tourmentés par leur amour. Le sujet de l’homosexualité est traité comme une histoire d’amour, et non comme une lutte ou un combat ; la narration ne surinvestit pas le caractère hors-norme de cette relation. Cet amour est d’ailleurs raconté avec une grande délicatesse : « Les deux garçons s’éloignent, à pas lents, de l’étang ». En quatre phrases, les autrices nous esquissent cette relation – une économie de mots qui évoque à la fois la pudeur, mais aussi l’étonnement et la fraicheur. Rares sont les contes qui s’attèlent à décrire le sentiment amoureux ; comme si, finalement, l’écart par rapport aux normes du genre (dans les deux sens) obligeait et permettait l’écriture de l’émoi. A partir de 4 ans.

Agnès Laroche (texte) et Fabienne Brunner (ill.), Un jour mon prince viendra, Talents Hauts, 2019, 24 p., 14 €.
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