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Le droit de l’enfant est-il encore respecté en France ?

Le respect du droit de l’enfant en France a été une nouvelle fois évoqué de façon dramatique, lors de la première séance d’examen par le Conseil constitutionnel, ce mardi 12 mars, de l’arrêté interministérielle de 2016 sur la procédure de contrôle de l’age des jeunes migrants mineurs isolés arrivant sur le territoire français. A cette occasion les trois sages ont eu à examiner la recevabilité en question prioritaire, d’un dépôt de plainte d’Adama, un jeune guinéen accusant l’état français de l’avoir privé de son droit et de ses recours juridiques.

Cette procédure d’évaluation vise à réunir un faisceau de preuves (documents récits, témoignages etc) pour établir l’age du jeune migrant.e isolé.e. La plupart du temps, l’autorité judiciaire demande un test radiologique du poignet gauche du réfugié.e pour “trancher” et conclure le dossier.

Or, comme de nombreuses associations des droits de l’homme ou d’aide aux migrants l’ont déjà soulevé, ce test osseux, établi sur un comparatif ( l’atlas dit «de Greulich et Pyle») avec les poignets de jeunes nord américains compilés dans les années 80, n’est pas scientifiquement fiable. Il ne permet pas de confirmer l’age avec la marge d’erreur conforme à l’application du droit (cf. le communiqué du Gisti de Février 2019 ci-dessous). Cette méthode «permet d’apprécier avec une bonne approximation l’âge […] en dessous de 16 ans» mais «ne permet pas de distinction nette entre 16 et 18 ans», estimait l’Académie nationale de médecine en 2007.

Par ailleurs, cet examen est souvent réalisé sans l’accord nécessaire de l’intéressé.e, en contradiction avec la loi. Pire, un refus de l’intéressé.e est systématiquement interprété à charge, faisant du jeune migrant.e un.e “présumé.e majeur.e”.

La justice française et les services de l’état interprètent donc de façon restrictive une procédure d’évaluation, en refusant que le doute et les marges d’erreur de la procédure puissent bénéficier aux adolescents migrants isolés. Beaucoup d’entre eux et d’entre elles se voient refuser le statut de mineurs et le droit à la scolarité afférent. Cette exclusion n’est pas seulement administrative : elle précipite ces jeunes gens dans la marginalité et l’exclusion sociale en leur refusant l’accès au foyer et aux dispositifs d’aides à l’enfance financés par les départements. Dans le doute l’état dénie tout droit aux intéressé.e.s.

Certains lecteurs ou lectrices pourraient se laisser aller à n’y voir qu’un traitement administratif et hypocrite d’un problème de société que ce gouvernement et son parlement refusent de traiter globalement et politiquement. Y aura-t-il jamais, au delà des fantasmes et des peurs, un jour ici un véritable de débat démocratique sur l’immigration ?
En gros, le gouvernement Macron stigmatise les idées du RN, mais applique de façon structurelle des méthodes, que ce parti ne renierait pas, pour refouler et débouter les migrants et les réfugiés de leurs droits.

Il faut pourtant élargir la question et mettre cet arrêté interministériel et les refus de plus en plus nombreux de scolarisation des jeunes migrants isolés dans un certain nombre de département qui en découlent, en parallèle avec le durcissement sécuritaire de la justice des mineurs. Et de s’interroger : le gouvernement français reconnaît-il encore les droits universels de l’enfant ?
N’assistons nous pas dans cette affaire à une transformation, en toute discrétion mais à “marche forcée”, de règles sociales et de valeurs auxquels nous adhérions ? Le gouvernement n’est-il pas en train d’abandonner toute référence à des droits universaux au profit de l’exercice d’un droit libéralisé, individualisé et donc, sujet à des applications circonstancielles et inégalitaires ?

Le Gisti , la LDH et d’autres collectifs d’aide ou de lutte ne se posent plus la question. Ils refusent d’attendre un vain débat et interpellent l’opinion publique et les média, dès maintenant, pour soulever une saine réaction de défense et d’extension des droits de l’enfant en France !

Eric Zafon

A lire ci dessous l’appel du Gisti pour poursuivre la réflexion :

Mineur∙e∙s non accompagné∙e∙s : les examens osseux doivent être déclarés contraires aux droits fondamentaux des enfants

Le 21 décembre dernier, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) a été transmise au Conseil Constitutionnel par la Cour de Cassation, afin de déterminer si les examens radiologiques utilisés pour déterminer la minorité des jeunes se présentant comme mineur∙e∙s non accompagné∙e∙s sont conformes à la Constitution. 9 organisations se portent intervenants volontaires à l’appui de cette QPC.

En amont de l’audience qui aura lieu le 14 mars prochain, elles dénoncent l’absence de pertinence scientifique et éthique de ces tests et leur caractère attentatoire aux droits de l’enfant.

Pour nous, organisations œuvrant au quotidien auprès de mineur-e-s non accompagné.e.s, la détermination de l’âge à travers des examens radiologiques osseux est inacceptable, tant sur le plan scientifique qu’éthique.

L’ensemble de la communauté scientifique dénonce depuis plusieurs années cette méthode dépourvue de toute pertinence et valeur scientifiques. D’une part, elle repose sur une identification du développement de la maturation osseuse correspondant à des fourchettes d’âge. D’autre part, elle est basée sur une comparaison des radiographies avec des référentiels établis dans les années 30 à partir de jeunes caucasiens aux Etats-Unis. Cette méthode est donc nécessairement soumise à une marge d’erreur importante, comprise entre 18 mois et 3 ans. Cette marge s’accentue après la puberté et particulièrement entre l’âge de 16 à 18 ans. Nos organisations rappellent par ailleurs que l’exposition d’enfants à des rayons irradiants, potentiellement dangereux pour la santé, sans aucune finalité thérapeutique, ainsi que le fait de les soumettre à des tests sans obtenir leur consentement libre et éclairé posent des questions éthiques suffisamment graves pour que certains pays aient abandonné ces tests.

Compte tenu des conséquences graves de l’utilisation de ces tests sur les personnes vulnérables sollicitant une protection en tant que mineur∙e∙s en danger, nos organisations, à l’instar de nombreuses instances scientifiques, éthiques et déontologiques, tant au niveau national, européen qu’international, demandent l’interdiction de ces examens contraires à la dignité humaine et qui constituent une atteinte grave aux droits fondamentaux de ces enfants et adolescents.

Alors que le Conseil Constitutionnel examinera cette question, le 14 mars prochain, nos organisations souhaitent rappeler avec vigueur que les mineur.e.s non accompagné∙e∙s sont avant tout des enfants et adolescent.e.s en danger et doivent bénéficier de toutes les mesures de protection en tant qu’enfants.
18 février 2019

Organisations signataires :

Anafé
Avocats sans frontières – France
Gisti
La Cimade
LDH
Médecins du Monde (MdM)
Secours catholique – Caritas France
Syndicat des avocats de France (SAF)
Syndicat de la magistrature (SM)

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