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Bolsonaro/Blanquer : des points communs

Sans tomber dans le démon de l’analogie et en évitant de réduire l’un à l’autre, il est intéressant de remarquer des points communs entre ces deux personnalités politiques dans leur vision éducative. Ces points communs en réalité interrogent sur des tendances plus profondes actuelles de nos démocraties libérales.

– Des menaces sur la liberté d’expression des enseignants :

Au Brésil, c’est le projet de loi de l’école sans parti (repoussée en Décembre 2018 par les députés à l’Assemblée nationale), mais soutenue par le nouveau Président élu, Jair Bolsonaro pour sa prochaine mandature, qui suscite l’inquiétude :

«L ’examen en commission parlementaire de la proposition de loi dite « Escola sem Partido » (« école sans parti ») défendue, notamment, par Eder Mauro et soutenue haut et fort par Jair Bolsonaro. Fomenté par la droite dure et le lobby évangélique, le texte, rebaptisé « loi du bâillon » par l’opposition, (elle) se fonde sur l’idée d’une école hantée par le communisme, où l’on ferait l’apologie de mœurs débridées et la publicité d’une pseudo « théorie du genre ». » (2)

En France, le projet de loi sur la confiance de Jean-Michel Blanquer fait craindre une menace sur la liberté d’expression des enseignants en particulier dans les réseaux sociaux :

« Les dispositions de la présente mesure pourront ainsi être invoquées, comme dans la décision du Conseil d’Etat du 18 juillet 2018 précédemment mentionnée, dans le cadre d’affaires disciplinaires concernant des personnels de l’éducation nationale s’étant rendus coupables de faits portant atteinte à la réputation du service public. Il en ira par exemple ainsi lorsque des personnels de la communauté éducative chercheront à dénigrer auprès du public par des propos gravement mensongers ou diffamatoires leurs collègues et de manière générale l’institution scolaire. Ces dispositions pourront également être utilement invoquées par l’administration dans les cas de violences contre les personnels de la communauté éducative ou d’atteintes au droit au respect de leur vie privée, notamment par le biais de publications sur des réseaux sociaux » (1).

– Une école basée reposant sur les fondamentaux et une conception de l’école basée sur l’efficacité :

Au Brésil, également Bolsonaro prône un retour aux fondamentaux en s’appuyant sur les systèmes présentés comme les mieux évalués par les études PISA (OCDE) :

« La stratégie éducative du Japon, de Taiwan et la Corée du Sud, pays récemment visités par Jair Bolsonaro, joue un rôle clef dans le développement économique et social. En une génération, ces pays pauvres sont devenus riches » (3).

« Les contenus et les méthodes d’enseignement ont besoin d’être changés. Encore plus de mathématiques, de sciences et de portugais, SANS ENDOCTRINEMENT et SEXUALISATION PRECOCE » (4)

De son côté, Jean Michel-Blanquer met l’accent sur les fondamentaux à partir de pratiques qui se présentent comme évaluées positivement par les sciences en ciblant particulièrement  l’enseignement de la lecture, du calcul, de la grammaire et du vocabulaire et la résolution de problèmes :

« “L’idée n’est pas d’homogénéiser les pratiques mais de créer une référence commune. Ce n’est pas la même chose”, assure le ministre dans un entretien au Parisien. “Bien des manières de faire sont possibles pour les professeurs. Mais il y a un cadre et je crois que beaucoup d’enseignants l’attendaient. La liberté pédagogique n’a jamais été l’anarchisme pédagogique”. (Cité par l’AFP)

– Une idéologie éducative en apparence neutre, mais au service du libéralisme économique :

On remarque un double point commun. D’une part, la volonté de faire taire les enseignants en leur imposant soit une obligation de neutralité (Brésil), soit un devoir de réserve (France) (5).

Une utilisation d’une conception positiviste des sciences sociales qui les présentent comme neutres de manière à empêcher le débat démocratique au sujet des décisions politiques concernant les finalités axiologique de l’éducation. C’est ce que les philosophes de l’école de Francfort ont dénoncé sous l’expression de « domination de la raison instrumentale » (6).

En réalité, cette apparente neutralité sert à justifier un programme politique au service du néolibéralisme économique.

Cela est très clairement affiché dans le programme de Jair Bolsonaro :

« Les économies de marché historiquement sont le meilleur instrument de création de rente, d’emplois, de prospérité et d’inclusion sociale (…) Cependant JAMAIS le Brésil n’a adopté dans son histoire Républicaine les principes libéraux »

Mais cela est bien évidemment présent dans le programme d’Emmanuel Macron et de Jean-Michel Blanquer comme l’ont montré les récentes mobilisations des Gilets Jaunes, des lycéens et le 14 décembre de la Fonction publique dont les enseignants :

Sélection à l’entrée des universités, réforme du lycée, baisse des postes aux concours, baisse du nombre de fonctionnaires, utilisation des enseignants-stagiaires comme moyens d’enseignements…

(1) Projet de loi pour une école de la confiance : – http://www.assemblee-nationale.fr/15/projets/pl1481-ei.asp

(2) Gatinois Claire, « Au Brésil, Jair Bolsonaro lance la guerre de l’école », Le Monde, 17 Novembre 2018.

(3) Citation extraite du programme de Jair Bolsonaro – http://www.anped.org.br/sites/default/files/images/programa_bolsonaro.pdf

(4) Ibidem

(5) Voir au sujet du devoir de réserve les commentaires de l’Ancien Ministre de la Fonction publique Anicet Le Pors (2012) : http://anicetlepors.blog.lemonde.fr/2012/11/30/le-devoir-de-reserve-une-legende-urbaibe-sud-education-decembre-2012/

(6) Habermas Jurgen, La technique et la science comme idéologie, Paris, Gallimard, 1973.

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