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La Riposte de Philippe Meirieu est un livre de colère

Écoles alternatives, neurosciences et bonnes vieilles méthodes : pour en finir avec les miroirs aux alouettes. La Riposte de Philippe Meirieu est un livre de colère. Militant engagé pour une école plus juste, l’auteur ouvre le débat public sur l’école « livrée aux joueurs de flûte de la marchandisation ». Il répond point par point au ministre Blanquer.

Philippe Meirieu assume la position du pédagogue et monte au combat « sur la crête ». Il récuse, simultanément, la nostalgie des « anti-pédagos », comme le spontanéisme des « hyper-pégagos ». Ces deux camps, d’une part, les partisans du retour à l’autorité, de la dictée et du port de la blouse et, d’autre part, les militants des « écoles alternatives » et du développement naturel de l’enfant, ont actuellement le vent en poupe. Ils jouissent des faveurs des médias, avides de flatter l’opinion, et d’attaquer leur ennemi commun, l’école publique.

Contre ces confusions, Philippe Meirieu « descend dans l’arène » et fustige l’inculture pédagogique de l’institution. Ignorée de nos ministres et de nos chefs d’établissements, la pédagogie pourrait, pourtant, loin des slogans et des lieux communs largement diffusés, ouvrir de nouvelles perspectives face aux défis éducatifs d’aujourd’hui. Encore faudrait-il se poser les bonnes questions. « Quelle école voulons-nous ? Pour quelle société et quel monde ? ». Il ne s’agit pas de choisir entre « l’école idéale » et « l’école unique » et de revenir aux débats historiques des pédagogues, mais de travailler, enfin, à l’intégration par l’école publique de l’ensemble des acquis pédagogiques.

Contre l’autonomie libérale et la concurrence entre personnels et établissements, Meirieu prône une véritable autonomie démocratique. Il encourage les enseignants à construire des collectifs avec les parents, autour de projets d’école ou d’établissements, pour former des citoyens et encourager la coopération, plutôt que la compétition ou l’individualisme.

Loin de multiplier les évaluations, il faut sortir de « la pédagogie bancaire », dénoncée par Paulo Freire. Elle se contente de « payer » le travail de l’élève par une bonne note. « La pédagogie du chef-d’œuvre », chère à Célestin Freinet, évalue, non un simple résultat aléatoire, mais tout l’investissement du sujet dans son travail. Elle engage l’élève dans un autre rapport au temps et au désir. Il s’investit dans des activités à long terme qui donnent sens aux apprentissages. Il apprend à passer du plaisir immédiat au plaisir de la découverte progressive. Appelé à « prendre les choses en main », il construit progressivement son intelligence.
L’école voit dans l’attention un simple préalable psychologique à l’apprentissage ou une affaire de volonté individuelle. Les causes sociales de l’inattention ne sont jamais analysées. Dans la classe, il faut construire des cadres et des rituels favorables à l’attention conjointe et l’école doit faire de la formation de l’attention un véritable objectif.

Aux anti-pédagogues, Philippe Meirieu rappelle trois véritables « fondamentaux » qui devraient structurer la transmission scolaire : « la capacité de pensée, l’accès aux chefs d’œuvre -ceux que l’on étudie et ceux que l’on fait- et l’apprentissage de la coopération ».

En ces premières semaines de rentrée, voilà enfin un livre de combat qui donne de l’élan. Mais s’il faut former des citoyens, reste à se demander dans quelle République ?

Dominique Costantini, professeur de Philosophie, Sud éducation 84

Philippe Meirieu, La Riposte : Écoles alternatives, neurosciences et bonnes vieilles méthodes : pour en finir avec le miroir aux alouettes, Autrement (Essais et documents), 2018, 304 p., 17 €.
– feuilletage des premières pages : [https://flipbook.cantook.net/?d=%2F%2Fwww.edenlivres.fr%2Fflipbook%2Fpublications%2F427966.js&oid=102&c=&m=&l=&r=&f=pdf
->https://flipbook.cantook.net/?d=%2F%2Fwww.edenlivres.fr%2Fflipbook%2Fpublications%2F427966.js&oid=102&c=&m=&l=&r=&f=pdf]

3 Comments

  1. ARZELIER Marie-Thérèse

    La Riposte de Philippe Meirieu est un livre de colère
    Il y a 10 ans de cela, j’ai publié ma “riposte” dans mon ouvrage pédagogique: “l’être à l’école, vivre l’école, ses mots croisés”.
    LA Pédagogie de la réussite, facile à mettre en oeuvre, y est décrite avec simplicité (démarche, exemples, emploi du temps adapté et modulable, et j’en passe.
    (vivrelecole.com)
    La seule forme de résistance aux abus de pouvoirs c’est la réussite de TOUS les élèves, quels que soient les problèmes et les difficultés.
    On sait bien que toutes les réformes sont inutiles, elles sont suivies par un certain pourcentage d’enseignants, les autres préférant conduire leur classe à leur façon.
    Un mot poli pour qualifier les évaluations: foutaise.
    En Janvier 2018, j’ai fait parvenir un dossier sur la question à Mr. Blanquer, qui l’a confié au Directeur général de l’enseignement scolaire.
    Depuis, silence total!
    Résister? Comment?
    Faire grève? Ils attendent tous que les gens se lassent, ou l’arrivée des vacances…
    Il faut comprendre que l’école est un “boulet” difficile à gérer pour les gouvernements, et qui ne rapporte rien!
    Répondez nombreux à mon texte, s’il est publié.
    Bonne chance à tous.

  2. Françoise Colsaet

    La Riposte de Philippe Meirieu est un livre de colère
    J’ai lu le livre de P Meirieu, je l’ai perçu comme un livre de colère constructive, où il confirme et rassemble ce qui a été l’engagement de toute sa vie. Une synthèse éclairante, qui est bien une riposte (il ne s’agit plus de résister seulement !), qui rappelle qu’il n’y a pas de solution « simple » de « yaka », de « méthode » facile à appliquer, mais que l’enjeu nécessite l’engagement de tous dans « une véritable mobilisation sociétale pour l’éducation » (p 278).

    • ARZELIER Marie-Thérèse

      La Riposte de Philippe Meirieu est un livre de colère
      M. Meirieu a été et restera toujours mon modèle. Il a d’ailleurs lu “L’être à l’école…” (vivrelecole.com).
      De ce fait, et parce que je l’ai vécu plus de 30 ans, il ne m’est pas interdit d’affirmer: oui, il existe une solution simple, adopter la Démarche Scientifique, qui n’est pas et heureusement, une “foutue” méthode!
      Je suis loin d’être une superwoman ni une madame “je sais tout”.
      Au contraire, sans formation, en 1969, j’ai suivi à la lettre les conseils de mon 1er conseiller pédagogique et par la suite ceux de mes merveilleux IEN: Mr Hérail, Mr Charlicane, plus tard Mme Godron.
      Cette Démarche permet de libérer enseignants et élèves, donnent lieu à des échanges qui nous enrichissent mutuellement.
      Ma vie à l’ Ecole fut une riposte permanente, surtout au cours de mes 8 dernières années d’exercice, à Ensuès la Redonne, contre Mr Arnaud et Mr Delguidice. Ils pensaient parvenir à me faire accepter une méthode de leur cru, catastrophique. Humiliations, menaces, 2 quarts de point en 8 ans…
      Il ne suffit pas de riposter, chère Françoise, mais bien de résister et de se battre individuellement contre tous types de pressions.
      Une question: COMMENT concevez-vous “l’engagement de tous dans une véritable mobilisation sociétale pour l’éducation”?
      Et qui PROFITE aux enfants! Ne pas oublier ce seul objectif qui devrait motiver nos résistances et nos ripostes.
      Tant que l’enseignant ne pourra pas démontrer l’efficacité de son travail, dans sa classe, par la réussite de TOUS, car TOUS sont capables, les interventions, mobilisations et ripostes auront l’effet d’une pierre dans l’eau. (Si je comprends bien le sens de “mobilisation sociétale”… J’ai peur que la “société” ait d’autres chats à fouetter…)
      Le bonheur de TOUS à l’Ecole passe avant tout, par la résistance aux injonctions qui vont à l’encontre de la nature même de l’Enfant.
      Pour finir; cessez de lutter contre des moulins à vent, reprenez-vous en main et adoptez la Démarche Scientifique à fin de “zénitude”.
      Marie-Thérèse (dont l’humour a sauvé des générations d’élèves.)

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