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Véronique Decker – le treizième chocolat… L’école du peuple

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Pas facile d’utiliser en classe de maternelle un calendrier de l’avent, car évidemment les vacances de Noël commencent avant le 25 décembre, et les calendriers ont toujours 25 cases. Mais ce qui va bien lorsqu’on travaille en ZEP en Seine Saint Denis, c’est qu’on a des classes de 25 élèves en maternelle ZEP et qu’il suffit donc de laisser plusieurs enfants ouvrir des cases chaque jour pour tomber juste.
Pas facile d’organiser cela, car tout de même, c’est une grande torture de montrer à de petits enfants de maternelle une boite de chocolat, et de leur dire non, tu n’en auras pas, pas tout de suite, ou bien non, tu l’as déjà eu, ce n’est plus ton tour.

Mais grandir, c’est accepter de différer, de se réjouir d’avoir enfin son tour, de partager la réjouissance des autres, bref, les maths, cela commence par le comptage des chocolats pour être sûr qu’il y en a bien un pour chacun. C’est à la fois un calendrier qui compte les jours avant que chacun ait son chocolat, et qui compte aussi les jours de l’après, qui nous séparent encore de Noël. Du cardinal, de l’ordinal, de l’incitation au langage, le rêve de toutes les pédagogues de maternelle (désolée, les garçons, mais vous êtes décidément trop peu nombreux pour qu’on accorde grammaticalement pour vous sur un 94 % / 6 %…).

Et donc, chaque jour, nous prenions le premier et le dernier chocolat du calendrier, ce qui nous faisait à la fois avancer et reculer dans la suite des nombres, et conduisait tous les enfants à réfléchir, à leur niveau, sur ce qu’il peut bien y avoir après 4 et comment on peut dire « le quatrizième » ou avant 21, et petit à petit les fenêtres s’ouvraient, découvrant à la fois un chocolat et une image de Noël. Et chaque jour, deux nouveaux enfants avaient le plaisir de manger un chocolat…
Mais voilà, la dernière semaine avant Noël, alors qu’elle n’avait pas encore eu son chocolat, Yasmine est tombée malade, et le dernier jour, il ne restait que sa case. Longs conciliabules des enfants pendant le temps d’accueil : que faire du treizième chocolat ? On avait tout mangé de 1 à 12, et aussi en reculant de 25 à 14, il ne restait que le sien. Les uns voulaient le partager, les autres voulaient qu’on choisisse au hasard, un enfant (un seul, zut…) proposait de me le donner, mais la justice, l’équité, la fraternité voulaient que le chocolat attende janvier le retour de Yasmine. Donc, victoire de la moralité et du partage : le chocolat tant convoité attend toute la journée. Bien sûr, Abdul essaye un peu d’aller gratter le carton, mais il se fait rembarrer par Elodie, la meilleure amie de Yasmine. Et l’école se termine par des vœux et des bisous de Noël.

Mais voilà, au retour de janvier, la case de Yasmine a été ouverte et le chocolat avait disparu. Scandale dans la classe. Impossible que ce soit les agents, nos « dames de service » sont toutes à la fois honnêtes et courageuses. Alors, qui peut être le fourbe coupable ? La gardienne me confie que des ouvriers sont venus refaire une conduite de chauffage, et que la société des extincteurs est passée vérifier. On ne va tout de même pas appeler la police, même si les enfants sont prêts à embaucher Sherlock Holmes en personne pour retrouver le coupable et l’envoyer au bagne.
La fraternité semble écrasée d’un talon, et l’équité laisse place à la rancœur. Abdul dit qu’on aurait dû le manger, le chocolat. Elodie rétorque que la prochaine fois, on le laissera dans le placard qui ferme à clé.

Il est déjà temps de faire la galette. Les mains dans la pâte, petit à petit, les enfants oublient. Mais au moment de distribuer les parts, Yasmine demande deux parts, car elle manque encore du chocolat de Noël. La justice du Conseil des élèves lui a accordé des dommages : deux parts, sous le regard enamouré d’Abdul.


arton1065-d1120-4.gifVéronique Decker, extrait de L’école du peuple, coll. N’Autre école, Libertalia, 2017
Prix : 10 € + 2,84€ de frais de port










4 Comments

  1. marie laure gerin

    Véronique Decker – le treizième chocolat… L’école du peuple
    Merci Véronique de ce petit moment de tendresse et d’intelligence dans ce monde de brutes.

    • Delmouly

      Véronique Decker – le treizième chocolat… L’école du peuple
      Un moment de tendresse…certes. Mais surtout un peu mièvre…
      Je ne parviens pas à accepter la place d’un calendrier de l’Avent dans les écoles laïques de la République. Ni même, d’ailleurs de la Galette des Rois…

      • Véronique DECKER

        Véronique Decker – le treizième chocolat… L’école du peuple
        Ni galette, ni oeufs de Pâques, ni Noël, ni carnaval, si on voulait enlever de la tradition locale tout ce qui a touché de près ou de loin à l’église, à la religion, on ne fêterait plus grand chose…Le 14 juillet tombe pendant les vacances…Il reste la décollation du roi le 21 janvier, mais pas facile de manger de la tête de veau avec des petits de maternelle…:-))

  2. raymond

    Véronique Decker – le treizième chocolat… L’école du peuple
    manifestation cultuelle et en aucun cas culturelle, le calendrier dit de l’avent n’a pas sa place dans une école publique

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