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Ma guerre d’Espagne à moi : Une femme à la tête d’une colonne au combat (entretien avec l’éditrice).

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“On aura tout vu. C’est une femme qui commande la compagnie et les miliciens qui lavent les chaussettes. Pour une re?volution, c’est une re?volution !” ( Ernesto) Ma Guerre d’Espagne à moi : Une femme à la tête d’une colonne au combat est de ces livres dont le lecteur garde trace longtemps ; un témoignage à ranger dans sa bibliothèque avec Hommage à la Catalogne (Orwell) ; un récit historique qui résonne avec notre présent ; une leçon de courage et de modestie ; un des textes les plus forts sur la guerre d’Espagne. Cette édition doit tout au travail conjoint des éditions Milena et des éditions Libertalia. Outre des photos inédites et un texte du poète surréaliste Guy Prévan, on y trouvera une longue préface contextualisante (signée par Charles Jacquier), des extraits de la correspondance de Mika avec Alfred et Marguerite Rosmer ainsi qu’une lettre de Julio Cortázar en fac-similé. L’ouvrage comprend par ailleurs un efficace documentaire de 80 minutes de Fito Pochat et Javier Olivera (DVD). arton579-40447.jpg

Entretien avec Lola Montalant, éditions Milena, co-éditrice.

Quel a été ton sentiment à la première lecture de ce livre ? Lola Montalant (Milena) : Le livre a été édité initialement en français par Maurice Nadeau chez Denoël en 1976, puis chez Actes Sud (Babel) en 1998. Venant du milieu du documentaire, j’ai connu Mika grâce à Fito Pochat et Javier Olivera, deux amis cinéastes à qui j’ai donné un coup de main pour tourner les séquences parisiennes du film en 2012. Je lisais en parallèle le récit de Mika, cette femme admirable qui est allée au bout de ses convictions. Dans ce monde où règnent les envies fades, la légèreté, le cynisme et l’individualisme, l’existence de Mika est traversée de bout en bout par des désirs puissants, mais aussi l’amitié, le courage politique, le sens du commun, et enfin la modestie particulière des esprits intelligents. Quelle est la nature de ce témoignage ? Qu’apporte cette contribution à l’histoire de la guerre d’Espagne ? Il s’agit d’un récit personnel et empirique de la guerre sur une période très courte (juillet 1936-début 1937), mais qui embrasse d’autres épisodes de la vie de Mika, que nous suivons en Patagonie dans les années 1920 avant son départ pour l’Europe, en Allemagne et à Paris au début des années 1930, où elle assiste, conjointement avec son mari Hippolyte Etchebéhère, au déclin et à la « tragédie du prolétariat allemand ». Ce témoignage unique d’une femme-capitaine met en lumière une séquence de l’histoire trop souvent aperçue depuis l’angle des gouvernementaux républicains, soucieux de gagner la guerre et d’anéantir toute organisation révolutionnaire. Le récit de Mika fait revivre des militants minoritaires, mais aussi des paysans andalous politisés dans les tranchées, des ouvriers madrilènes alphabétisés sur le front. Charles Jacquier signe une préface éclairante dans la nouvelle édition, à laquelle je renvoie volontiers pour plus de détails historiographiques. La situation complexe que vit Mika, femme et milicienne, dirigeante d’une colonne du POUM pose questions sur la place d’une femme dans la guerre et dans la révolution. Que nous apporte aujourd’hui son histoire ? Le récit d’une femme au combat ne peut être que salué ; en plus d’offrir le seul témoignage existant d’une femme-capitaine, « être hybride » dans un monde essentiellement masculin, Mika n’est ni amère ni rancunière. Elle agit droite dans ses bottes, ferme, tendre et lucide. Et il faut voir ce que cela représente, être aux commandes d’une colonne de 150 hommes dans les années 1930 en Espagne ! Mika dit « mes hommes » comme elle dit « ma guerre », et prône la « confiance » comme méthode de commandement. En Europe, il est admis que les hommes ont le monopole de la violence, et les combattantes, peu nombreuses, réveillent un sentiment étrange, entre admiration et condescendance. (C’est peut-être moins le cas en Amérique latine, je pense notamment aux femmes-cadres de la guérilla sandiniste dans les années 1970 et plus récemment, au sein de l’EZLN au Mexique). Néanmoins, si ce livre met en valeur la figure exceptionnelle et le destin hors-norme de Mika Etchebéhère, elle n’était pas seule au front ; les femmes se sont engagées massivement dans les milices en Espagne. Pourquoi as-tu réédité ce livre ? Le livre est épuisé chez Denoël et laissé à l’abandon chez Babel. L’idée était de réaliser avec Libertalia, l’édition la plus complète et soignée de ce texte, serti d’un support audiovisuel, critique, de le proposer à prix accessible et de l’accompagner dans la durée. C’est chose faite. (Propos recueillis par François Spinner avec l’aide précieuse de Nicolas Norrito des éditions Libertalia, co-éditeur du livre.) Ma guerre d’Espagne à moi : Une femme à la tête d’une colonne au combat, Mika Etchebéhère, co-édition Milena et Libertalia, 2015, 460 p. + un DVD, 80 mn (espagnol sous-titré), 18 €. Lettre de Julio Cortázar à Mika lettre_cortazar_fac-simile1.jpg lettre_cortazar-fac-simile_2.jpg Lettre traduite lettre_cortazar-21juin1974.pdf mika12.jpg

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