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Apprendre dans les écoles du MST

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Le mouvement des sans terre (MST) au Brésil a produit une pédagogie de lutte s’appuyant sur la pédagogie de Paulo Freire. A côté du droit à la terre, le droit à l’école constitue un des autres axes des sans-terre. C’est pourquoi ils ont créé des écoles parmi lesquelles des écoles itinérantes pour les campements (URL : http://www.mst.org.br/educacao/). Le texte ci-dessous souligne certaines des difficultés auquel se heurte un tel projet.

Traduit du portugais, le 25/09/16.

Texte de Mara Lúcia Martins (2005)
publié dans Education publique
Fundação CECIERJ –
Fundação Centro de Ciências e Educação Superior a Distância
do Estado do Rio de Janeiro.

Les écoles du MST sont nées de la nécessité des enfants des militants – qui se sont auto-nommés les sans-terre- d’être pris en charge en terme d’alphabétisation et d’éducation, ce qui était une vieille revendication du Mouvement. Mais pour que cette éducation ne fasse pas perdre l’idéal de la lutte pour la terre, elle a été associée à l’idée de constituer chez les enfants une conscience révolutionnaire. La réalité scolaire, vécue sous des abris de bâches noires clouées sur une dalle d’argile, est présente à travers l’association du crayon et de la houe, et principalement, à travers la notion que l’union apportera toujours les rêves souhaités.

Ce sont près de 1800 écoles – dont 1100 sont reconnues par les conseils fédéraux de l’éducation et de la culture-, réparties parmi les colonies et les campements du MST, avec des enfants entre 7 et 14 ans. Jusqu’à 2002, les écoles du MST abritaient près de 160 000 élèves et employaient 4000 professeurs, outre les 250 éducateurs qui travaillaient dans les dénommées Cirandas Infantis- qui assurent l’éducation des enfants jusqu’à 6 ans ou dans le domaine de l’alphabétisation.

Les enfants qui y étudient sont des fils de travailleurs, des agriculteurs, des sans-emplois ou des personnes très souvent exclues de la société. Les sans-terres vivent dans des colonies et des campements, où il sont confrontés parfois à des affrontements avec la police ou des groupes qui sont contre le Mouvement. La peur peut-être un sentiment permanent dans le cadre de cette vie instable, mais les enfants parviennent encore à être créatifs : étude, jeu et réalité sont souvent mélangés et il est commun de voir un enfant construisant son propre jouet, une rétro-caveuse, par exemple sans oublier son cri de guerre (« Sans terre en action, pour faire la révolution »).

Projet pédagogique

Pour réaliser un projet pédagogique, a été constitué en 1987 un secteur de l’Education, qui a dégagé les préceptes pédagogiques suivants: 1) Mettre en lien la théorie et la pratique 2) Combiner des méthodes d’enseignement et d’encapacitation 3) Eduquer pour le travail 4) Mettre en lien éducation et culture 5) Encourager l’auto-organisation des étudiants ; 6) Gérer démocratiquement les écoles 7) Créer des collectifs pédagogiques 8) Encourager des activités de recherche 9) Associer intérêts collectifs et individuels, entre autres.

Le MST considère que la méthode pédagogique idéale est celle de Paulo Freire, qui va beaucoup plus loin que le contenu normal des matières, et comprend un lien entre la culture et les drapeaux dressés par le Mouvement. Dans chaque école du MST, que ce soit une colonie ou un campement, son drapeau doit être présent au côté du drapeau national. C’est, pour encore une fois, se rappeler que les temps sont à la lutte.

Comment sont les salles de cours ?

Un des coordonnateurs de l’éducation du MST, Dirceu Queiroz dos Santos, explique qu’en mathématiques, par exemple, les élèves utilisent le processus de production lui-même pour comprendre la discipline. « Dans l’un des campements de l’État de Sao Paulo, les étudiants ont mesuré l’aire où un parc allait être construit et ont calculé combien de matériaux allaient être utilisés. Ils ont utilisé la théorie de la discipline dans la pratique » raconte Santos, mettant en lien la lutte du Mouvement avec leurs propres expériences personnelles.

Les dynamiques de salles de classe amènent parfois des situations différentes de celles rencontrées dans les salles de classes conventionnelles. Un reporter de la Revue Veja (Monica Weinberg) a assisté à une séance à Rio Grande do Sul et elle a constaté que sont toujours mentionnés les sujets liés aux objectifs, avec des vidéos et où est montré le modèle que le MST voudrait voir se répandre dans tout le pays. « La petite propriété opprimée par les grands propriétaires » dit l’un des films. C’est la même pellicule usée qui est utilisée pour apprendre aux élèves que les produits transgéniques « contiennent du poison ». A la fin de la présentation, le professeur demande qui dans la classe mange de la margarine. La majorité des élèves lèvent la main. Commence alors l’explication : «  La margarine est à base de soja, qui peut être transgénique et, pour cela, elle contient du poison ». A la fin de la classe, les élèves poussent encore une fois le cri de guerre : « Amenez le drapeau de la lutte. Laissez le drapeau passer. C’est notre attitude. Laisser passer pour changer ».

Sur quels principes se basent l’éducation du Mouvement des sans terre

Au sein des principes philosophiques du MST, l’éducation – appelée éducation de classe sociale – est l’un des items principaux (avec la transformation sociale, la coopération, la valorisation et la formation de l’individu et la formation de la société au moyen de valeurs humanistes et socialistes). Dans le bulletin du MST, il est écrit que « La liaison entre les processus éducatifs, politiques, économiques et culturels pour que les étudiants sans terres deviennent des militants de fait est une des préoccupations pédagogiques du MST. L’école ne peut nier sa relation avec la politique. Elle doit alimenter l’indignation à l’égard des situations d’injustice et d’impunité, qui sont, actuellement, diffusées à travers les moyens de communication et dans le cadre de la société ». Seront toujours soulignés dans l’éducation des sans-terres, l’étude de l’histoire et de l’économie politique, mais également, la participation des travailleurs sans terre aux luttes sociales des autres groupes.

Cependant, l’enseignement, parfois, n’est pas reconnu par le Ministère de l’Éducation. Les professeurs qui viennent de l’extérieur du mouvement rencontrent beaucoup de résistance de la part des leaders : dans les campements, seul est permis la présence de professeurs du mouvement et dans les colonies peuvent être inclus des « professeurs extérieurs ». Là où il y a des dangers d’affrontement avec les autorités ou les grands propriétaires, les étrangers au mouvement sont écartés. La formation du professeur varie en lien avec les nécessités et peut varier depuis ceux qui n’ont aucune formation et n’ont même pas terminé l’enseignement de base jusqu’à ceux dont le professeur a obtenu une formation complète.

Le nombre d’enfants non-scolarisés est encore très grand – on évalue que 20 000 enfants ne sont enregistrés dans aucune école. Ce taux est une grande préoccupation du Mouvement : « Quand il n’y a pas d’enseignants affectés par l’État, les plus expérimentés sont amenés à transmettre le savoir, ainsi comme il est encouragé que l’enseignant formé forment d’autres personnes pour diffuser plus amplement l’éducation » explique Dirceu Santos.
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