Au mois de septembre, une pétition lancée par des lycéennes circulait sur les réseaux sociaux : « Lundi 14, les filles, c’est l’heure de vous rebeller. Sortez vos meilleurs crop-tops, on s’en fout du règlement du lycée. » Des jeunes filles portant ce vêtement qui dénude le nombril s’étaient vues refuser l’entrée de leur établissement scolaire. S’en est suivie une mise au point du ministre de l’Éducation : « Vous n’allez pas à l’école comme vous allez à la plage ou en boîte de nuit. Chacun peut comprendre qu’on vient à l’école habillé d’une façon républicaine. » Les adolescentes l’ont immédiatement ressenti comme un traitement différent réservé aux filles et ont dénoncé sur les réseaux sociaux le sexisme de l’institution. La sociologue Virginie Martin écrit à ce propos sur le site aufeminin.com : « Le corps au féminin est soumis au regard du politique. Il appartient à l’espace public dans tous les sens du terme : photographié, trituré par la chirurgie, modifié, prostitué, sexualisé, affiché… mis à disposition sur des abribus, il est partout. Et là est le paradoxe : alors que ce corps est mis à rude épreuve, on demande aux femmes elles-mêmes de contrôler leur mise en scène quotidienne ! Demande-t-on aux marques de définitivement arrêter de sexualiser les petites filles pour leur donner des apparences de femme ? Non ! Demande-t-on aux magazines de mode d’avoir un regard critique sur leur une ? Non ! L’injonction paradoxale vient s’abattre sur l’individu-femme, alors que la structure patriarcale, elle, ne remet rien en question. Quel paradoxe savoureux… » Il nous a semblé qu’une fois encore le corps de la femme était le jouet de la domination masculine, raison du dossier dans ce n° 15 de CR. Les féministes ont depuis toujours compris que leur combat passait par la réappropriation de leur corps et le droit d’en disposer librement. Droit à la contraception, à l’avortement illustrent cette conquête dans les années 1970. Mais la maîtrise de la maternité n’a pas suffi à garantir le total pouvoir des femmes sur leur corps. Camille Froidevaux-Metterie expose aujourd’hui un féminisme de l’intime comme dans son livre sur Les Seins que nous vous présentons dans ce dossier. Elle défend la thèse qu’après la bataille du vote, de la procréation, du travail, de la famille et du genre, le féminisme aborde aujourd’hui son « tournant génital », un féminisme de l’intime, « une conception apaisée de la corporéité féminine ». Dans ses livres, elle analyse en tant que philosophe et en tant que femme des faits universels comme les règles, la maternité et le non-désir d’enfant, les seins, la sexualité, la ménopause. Dans notre société du spectacle, l’apparence physique a pris une valeur incontournable. Ses méfaits se portent sur le poids (la “grossophobie”), les rides (l’âgisme), etc. Au travail, ces injonctions s’adressent à tous les prolétaires esclaves des usines et ateliers textiles, mais bien sûr essentiellement aux femmes, l’apparence physique étant l’un des critères les plus fréquents de discrimination au travail, comme l’évoque Christine Bard. Et loin des codes dictés par la société, certain·es ne se sentent pas dans le bon corps, né garçon il est fille, née fille elle est garçon (0,5% de la population). Commence alors pour ces corps hors normes un parcours difficile dont le récit de Chrystelle témoigne. Casse-rôles, “Journal féministe et libertaire à prix libre”, trimestriel. Bulletin d’abonnement : bulletin_abt.pdf

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