Au collectif Questions de classe(s), nous pensons que la “prise de parole”, et surtout la “prise d’écriture” sont des outils d’émancipation et de résistance. Notre collectif peut aussi être vu comme des travailleurs·ses s’auto-organisant pour éditer et diffuser leur parole. Ainsi, nous accueillons avec joie vos essais, vos coups de gueule, vos analyses et vos témoignages. Aujourd’hui, nous publions le billet d’humeur de Nat à proposer des pièces de 2€ de collection distribuées dans l’école aux enfants à l’occasion des jeux olympiques et paralympiques.
La première fois, que j’entends parler de cette histoire, j’ai cru à une blague. Mais, non, ils sont là et on m’enjoint de les ditribuer. On prend la précaution de faire passer un mot aux parents pour informer de l’argent en transit dans les cartables.
La première fois, que j’entends parler de cette histoire, j’ai cru à une blague.
Coût de l’opération estimé à un peu moins de 16 millions d’euros à priori, pour 4 millions d’élèves de primaire.
Comment honorer cette « grande célébration du sport », Monsieur Macron, quand on se taquine les disponibilités de gymnase dans les écoles et que les platanes de la cour ont les racines qui croche-pattent les élèves, le pollen en pleine débourre qui fait larmoyer même les plus résistants et des risques de chutte de branches les jours de vent ? Comment faire « rimer France et excellence » quand la misère sociale ne permet pas de réunir des conditions favorables pour apprendre ? Parce que le logement est exigu, insalubre ou inexistant, parce qu’on a une culture sans livre, sans musée, sans théâtre, sans vacances à la montagne ou à la mer, et qu’il est difficile de savoir nommer ce qu’on ne rencontre pas.
Pour sûr, cette pièce de deux euros n’aura pas la même valeur, d’usage ou commémorative, pour les unes ou les autres. Comme « héritage précieux », monsieur Attal sert « Plus haut, plus vite, plus fort – Ensemble. » Devise olympique à s’approprier pour l’école.
Plus le temps passe et plus je pense qu’il y a urgence à ralentir. À se mettre au rythme d’un marmot qui enfile des gants, d’un fruit qui pousse ou à celui d’un vieillard qui traverse une rue de centre ville.
Plus le temps passe et plus je pense qu’il y a urgence à ralentir. À se mettre au rythme d’un marmot qui enfile des gants, d’un fruit qui pousse ou à celui d’un vieillard qui traverse une rue de centre ville. Je n’ai jamais tellement vénéré les coupes, les médailles, les podiums… et dans ma classe c’est plutôt la coopération que la compétition qu’on recherche. Ensemble, oui. C’est comme ça qu’on avance. Même quand les notifications MDPH mettent un an à arriver après le dépôt du dossier. Restera-t-il quelques pièces pour embaucher rapidement un peu de personnel sous-payé pour accompagner cet élève ?
Certains matins, « Plus haut, plus vite, plus fort », nous faisons aussi « ensemble » en se répartissant les élèves d’un collègue absent non remplacé. Madame Oudéa-Castéra, vous avez raison, c’est un vrai problème dans l’école publique.
Certains matins, « Plus haut, plus vite, plus fort », nous faisons aussi « ensemble » en se répartissant les élèves d’un collègue absent non remplacé.
« Les jeux… ses mythes, ses héros, ses symboles, ses disciplines, ses valeurs, forcément universelles… victoires légendaires… défaites cruelles… rebondir pour l’étape d’après. » Quelle étape ? Les rivières polluées ? La réquisition de logement pour accueil touristique ? Le déplacement de personnes vulnérables? Les accidents de chantiers ? Les QRcode pour les habitants ? La prochaine canicule-sécheresse ?
J’ai bien suggéré au conseil de profs de renvoyer cette brochure de 30 pages cartonnées glacées à l’expéditeur en revendiquant pour ce qui fait râler ou épuise au quotidien. Ça n’a pas rebondit. Faut-il se plaindre de recevoir des supports pédagogiques de belle faction, et en couleurs s’il vous plait ? Nous avons eu droit à notre exemplaire et à cette prime inattendue et non imposable.
J’ai sagement collé les mots dans les cahiers de liaison, distribué les enveloppes cachetées, comme tout le monde, et ravalé ma colère.
Nat