Communiqué de la Fédération Unifiée de l’Enseignement et de la Recherche de la CNT-SO
Jeudi 1 8 avril à Viry-Châtillon Gabriel Attal, premier ministre, a annoncé une série de nouvelles mesures autoritaires et réactionnaires pour répondre à la violence entre jeunes. La violence et le conservatisme de ces annonces populistes et démagogiques, dans la continuité de l’ expérimentation de l’ uniforme ou de la volonté de généraliser le SNU, piétinent le rôle de l’École et font des élèves et de leurs familles des ennemis sociaux.
Cette série de mesures est essentiellement punitive et réactionnaire : surveiller, sanctionner, trier, stigmatiser, soupçonner, violenter, forcer, contenir, contraindre, enfermer ou encore exclure. Au nom du rétablissement de ” l’autorité de l’école” , il s’ agit de réintroduire des pratiques de l’ obéissance bien loin des valeurs démocratiques et du savoir inhérentes à l’école publique. A l’ instar de l’ uniforme prôné comme solution aux inégalités sociales à l’école, cet autoritarisme là ne résoudra pas les problèmes de violence entre élèves. Elle ne luttera pas non plus contre une violence sociale qui s’ invite dans ses murs. Le but des mesures d’Attal est de ramener de l’ ordre violent et illégitime. Une fois de plus, le gouvernement, pour des raisons électoralistes et économiques, reprend à son compte les idées de l’ extrême-droite et des ultra-conservateurs.
Ce changement de cap pour l’ école est sidérant et dramatique car il acte brutalement un fonctionnement à plusieurs vitesses et un traitement très inégalitaire des élèves : les groupes de niveaux vont favoriser d’ un côté l’ élitisme et l’ entre-soi social au nom du ” mérite” , quand de l’ autre côté ce sera la relégation des élèves les plus en difficulté et les plus socialement défavorisés, mais aussi l’ assignation à résidence dans les écoles et les collèges mal conçus, parfois délabrés où il fait trop chaud, trop froid où il n’ y a pas ou trop peu d’ espaces verts. Les jeunes ont aussi le droit d’ être dehors, l’ école d’ Attal est oppressante et étouffante, alors ouvrons les portes et fenêtres contre cet air brun vicié et nauséabond !
Et quid des agent·es du Département dont le temps de travail sera impacté également ? Quid du temps de travail des CPE et AED ? La sous-traitance de ces horaires par des associations ne peut qu’ amener des dysfonctionnements. Nos élèves n’ont-ils et elles plus le droit aux loisirs en dehors du collège ?
Le maintien des élèves en REP de 8 H à 1 8 H est une étape de plus dans le contrôle des populations pauvres et racisées. Ce nouveau confinement institutionnel reprend tel quel, sans étude, sans faits ni chiffres, les sempiternels discours des conservateurs et des extrémistes de droite sur le péril supposé des jeunes issu·es des classes populaires.
Opposé à toute politique sociale et à toute volonté de lutter contre la pauvreté, le gouvernement désigne les victimes de sa politique néo-libérale comme les responsables de la violence sociale qu’ elle provoque. La stigmatisation des familles et des populations des quartiers ou des territoires défavorisés participe non seulement de cette logique du bouc émissaire mais permet au gouvernement de diluer sa responsabilité dans la destruction des services publics et l’augmentation des inégalités sociales. Si les élèves sont violents et fainéants ce serait la faute des familles et du laxisme institutionnel pas du peu de perspective sociale qu’ offre la France de Macron !
Attal prend un tour très conservateur : il envisage en dépit de son caractère illégal (et peut-être anticonstitutionnel) de marquer du sceau de l’ infamie certain·es élèves dits perturbateur·trices en mentionnant leur sanction dans leur dossier de Parcoursup, ou en leur enlevant des points au CAP, au brevet ou au bac. Qu’ elle soit une menace ou une procédure arrêtée à la rentrée prochaine, cette utilisation répressive de l’orientation pose un problème juridique et moral car, non contente de rendre difficile l’ inscription dans un nouvel établissement scolaire, d’empêcher l’insertion d’élèves problématiques dans la vie professionnelle, elle rompt en conséquence avec le principe d’obligation d’instruction des mineurs. L’ exclusion devient donc la règle et l’inclusion sociale une exception gagnée au mérite… A quand les bagnes pour enfants ?
Les parents sont aussi mis au pas, sommés de signer un texte ” Droits et devoirs” , qui ne comportent aucun… droits. Dans ce texte ” Droits et devoirs” , il est proposé aux parents que leurs enfants aillent en internat avant de ” tomber dans la délinquance…” (cela se ferait donc au ” ressenti” , sans faits ?). L’Éducation nationale n’ a pas à se substituer à la Justice pour mineurs ni à aux mesures éducatives et sociales qui existent déjà, les mesures de comparutions immédiates à 1 6 ans ou de supposée excuse de minorité seraient même anti-constitutionnelles. C’ est un véritable climat de menace qui pèsera désormais sur certaines familles. Et forcer les deux parents à réparer les fautes de leurs enfants sera dangereux pour les femmes victimes de violence masculine dont il vaut mieux que les ex-compagnons demeurent éloignés. Des mesures sociales, éducatives existent déjà pour accompagner les familles.
La nature même de nos métiers, à savoir instruire, éduquer, guider, écouter, cadrer, émanciper des jeunes en construction, est piétinée.
Nous, personnels de l’Éducation nationale, ne sommes ni le bras armé du Capital triant les élèves pour en faire de la main-d’œuvre bon marché, ni des auxiliaires des forces de l’ ordre, ni des gardiens et des gardiennes de prison.
Évidemment, rien n’est annoncé pour palier le manque de moyens dont souffre l’école, rien sur les services de vie scolaire en sous-effectifs, sur les manques de personnels médicaux et sociaux, rien sur la lutte contre le harcèlement, rien sur les élèves victimes de violences sexistes et sexuelles…
Ces mesures réactionnaires et illégitimes nous mettent tous et toutes, personnels comme élèves et familles, dans un situation délétère.
Opposons-leur une autre idée de l’école et de l’éducation : démocratique et émancipatrice ! Mobilisons-nous avec les secteurs liés à l’éducation et à la jeunesse, eux aussi touchés comme le médico-social, l’animation et l’éducation populaire, l’aide sociale à l’enfance.
Pour contrer leur projet mortifère, faisons bloc !