Ci-dessous la version longue de l’article de Jean-Michel Bocquet publié dans revue N’Autre école n° 22 : Inclure ? Exclure ? (pré-commande en ligne)


On pourrait imaginer que le secteur de l’éducation populaire, les colonies de vacances ou les centres de loisirs pratiquent l’inclusion de manière plus importante et moins problématique que l’école. Dans les colos ou les centres de loisirs, il n’y pas de programmes à suivre pour les enseignants ou de fondamentaux à maîtriser pour les enfants. Dans l’éducation populaire, les formes pédagogiques sont plus libres, souvent issues de l’Education Nouvelle, appuyées d’abord sur le jeu, on s’imagine qu’il est plus habituel et plus simple d’accueillir des enfants en situation de handicap. Dans les faits, il n’en est rien et parfois, il est possible de se demander s’il n’est pas plus facile de scolariser un enfant en situation de handicap à l’école de son village plutôt que de lui permettre de pratiquer des activités extra ou périscolaires.

Historiquement et structurellement, l’éducation populaire sépare les publics. Elle s’est construite sur la juxtaposition d’action visant des publics différents et ayant des besoins singuliers. A chaque public spécifique sa structure spécifique au point où aujourd’hui, les accueils collectifs de mineurs restent des lieux qui excluent. De plus, les logiques de marché à l’œuvre dans le secteur depuis plus de 30 ans ne font que renforcer cette séparation des publics1. Trouver des espaces inclusifs de loisirs pour enfants pratiquant un accueil universel est très compliqué. L’éducation populaire dans son souhait d’être complémentaire de l’école, se construit en permanence sur un modèle pédagogique normatif prisonnier de sa forme scolaire et n’arrive pas à penser son action comme inclusive. Pourtant, elle devrait.

Pour bien comprendre les limites des colos et accueils de loisirs actuels, il est important de regarder comment ces structures de loisirs enfantins se sont créées et ont développé un modèle pédagogique spécifique. Puis comment la malléabilité de ce modèle pédagogique permet d’adapter l’accueil collectif de mineurs aux obligations d’une société construite sur la concurrence en ne changeant pas. Pourtant, ce modèle permet l’exclusion des enfants inadaptés, en situation de handicap, ayant des pathologies ou tout simplement les enfants qui supportent difficilement les grandes collectivités.

Enfin, je tracerai un chemin possible pour rendre ces structures mixtes, inclusives et universelles. Depuis l’origine des colos et des patronages, des courants de pensées pédagogiques pensent et construisent des lieux permettant l’accueil de toustes. Parfois, ces expérimentations sont des réussites et ont des résultats, parfois ce sont des échecs. Elles existent dès lors qu’elles ont été écrites et que les praticien.ne.s actuel.le.s peuvent les lire, s’approprier les textes, les mettre en pratique ou les rejeter.

Des colos pour enfants ciblés 

Bien avant l’invention de la méthodologie de projet qui impose de définir le public auquel la structure devra apporter quelque chose, les colos s’adressaient aux enfants chétifs des villes. Les finalités sanitaires, puis sociales des premiers philanthropes portent les colos à s’adresser aux enfants qu’il fallait remettre en forme. Les remèdes étaient simples : manger et respirer de l’air pur à la montagne, à la campagen ou à la mer. Les organisateurs de colos constituaient des groupes homogènes en sexe, en origine territoriale et en développement physique. A la fin du XIXe siècle, Edmont Cottinet, qui crée des colos pour la caisse des écoles de Paris IXe explique sa sélection d’enfants : « Les colonies de vacances sont une institution d’hygiène préventive au profit des enfants débiles des écoles primaires, des plus pauvres entre les plus débiles, des plus méritants entre les plus pauvres. — Elles n’admettent pas de malades. — Elles ne sont pas une récompense. — Leur objet est une cure d’air aidée par l’exercice naturel en pleine campagne, par la propreté, la bonne nourriture, la gaieté. »2 Les enfants malades, handicapés, fainéants sont exclus, les filles sont entre filles, les garçons entre garçons, les groupes sont constitué par âge : maternel, primaire, secondaire, etc. La logique sanitaire veut cela.

Jusqu’au Front Populaire, les finalités restent sanitaires et sociales, elles deviendront éducatives avec l’arrivée de l’éducation nouvelle et la massification des colos grâce aux politiques publiques. Les associations et mouvements de jeunesse vont axer leur action sur l’éducation via la notion de besoin. La colo devient une institution qui devra répondre de manière la plus parfaite possible à l’ensemble des besoins des enfants, dont les plus fragiles à condition qu’ils soient sains… Les premières expériences de séjours pour handicapés datent des années 30 et sont dus aux scouts : on parla alors de scoutisme d’extension. Sorte de scoutisme chrétien ou laïque à côté du scoutisme permettant d’accueillir des enfants en troupe spéciale en fonction de la pathologie ou du handicap : scouts/guides allongés, scouts/guides aveugles, à maladie pulmonaires, etc. Le développement de ce type de troupes scoutes se fera surtout au lendemain de la guerre. Il en ira de même pour les colos où dès les années 50 des colos pour enfants malades se développeront, un colloque international sur les vacances des enfants handicapés est même organisé au centre international de l’enfance à Hambourg en 1957 et regroupe des médecins et éducateurs de 13 pays3. Ces médecins demandent la création de colonies spécifiques pour enfants handicapés afin qu’ils aient accès à des vacances et à une amélioration de leur santé, c’est la naissance des colos pour enfants en chaise roulante, asthmatiques, sourds, et même déficients intellectuels. Ce développement se fait principalement grâce aux associations de parents d’enfants handicapés et aux médecins, peu dans le secteur de l’éducation populaire. Les deux secteurs s’éloignent même puisque le secteur du handicap se construit autour de la sécurité sociale et de la santé, là où l’éducation populaire s’organise via le ministère de Jeunesse et sport : financement et fonctionnement différent. Séparation réelle.

Il faudra attendre les années 80 pour l’éducation populaire s’intéresse aux secteurs des vacances des personnes en situation de handicap. Les fédérations de colos, voyant les subventions diminuées vont développer de nouveaux services, notamment à destination des institutions du travail social en charge du handicap : les vacances adaptées organisées. Public : groupes d’enfants ou d’adultes en institutions et pour lesquels elles sous-traitent des transferts durant les vacances. Secteur en expansion qui utilise les dérogations réglementaires des colos pour permettre le départ en vacances. Le modèle est celui de la colo, mais les publics sont différents. C’est la situation actuelle, situation qui s’est dégradée encore un peu plus en raison de la marchandisation et la concurrence entre les organisateurs de colos. Le drame de Wintzenheim4 vient marquer douloureusement les limites de ce marché des vacances sous-traitées.

Le marché sépare.

La colo des années 50 a en commun avec la colo de 2023 son modèle pédagogique dit colonial. Ce modèle s’appuie sur la théorie des besoins et sur le fait que l’adulte connait les besoins de l’enfant. Ensemble, les adultes peuvent construire une institution (la colo) totale qui répondra à tous les besoins des enfants. Chaque action, activité, organisation, architecture sera pensée pour répondre aux besoins des enfants, sera gérée par l’adulte. Tout passe par lui, parce qu’il connait les besoins. Les rapports entre adulte et enfant seront descendants, puisque l’adulte sait ce qui est bon pour l’enfant. Cela donne une pédagogie basée sur l’Education Nouvelle, centrée sur l’adulte, organisée en groupes uniformes où l’adulte décide de tout5. Une sorte de pédagogie traditionnelle qui ne dit pas son nom…

Au regard de ce modèle, on comprend vite que faire des colos avec des enfants en situation de handicap est compliqué, la seule solution possible est la compensation, c’est-à-dire le fait de mettre une personne spécifique avec un ou deux enfants en situation de handicap, cette personne compensera alors ce que les enfants ne peuvent pas faire. On est bien loin d’une pédagogie permettant à chaque enfant de vivre à son rythme et de trouver des lieux, des adultes, des amis ou des frères/sœurs permettant de jouer, de vivre et/ou d’être aidé si nécessaire, d’être autonome à défaut de pouvoir être émancipé.

Ce modèle a la grande qualité de parfaitement répondre aux obligations du marché, au fait que la colo est un produit commercialisé qui doit répondre aux besoins, aux désirs de l’enfant ou du parent consommateur. Puisque tout est pensé par l’adulte et qu’il connait les besoins des enfants, sans même les avoir rencontrés, il est possible de définir tout à l’avance et de marketer le produit pour qu’il soit attrayant. Le modèle colonial permet la vente sur catalogue, sur site internet, permet d’afficher les prestations, de labelliser l’action pour la singulariser, de créer des marques spécialistes pour telles ou telles activités, pour tels ou tels publics, de segmenter l’offre. La marque permet de vendre une dominante ou une activité spécifique qui fait que certains publics sont exclus. Parfois même, les propos sont beaucoup plus clairs et on retrouve les mêmes idées que celles d’E. Cottinet : « Tous ces points portent à croire que l’immersion d’un enfant atteint de troubles TDAH n’est pas une bonne idée » et d’ajouter tout de suite après « Cependant, cela reste possible.Évidemment, il faudra présenter et décrire avec force de détails le comportement de notre enfant lors de son inscription pour trouver une colo qui pourrait correspondre au mieux à caractère. »6… Il ne faudrait pas paraitre discriminant…

Définir dans le projet pédagogique des publics spécifiques pour chaque séjour, est la deuxième lame permettant aux organisateurs d’exclure les enfants en situation de handicap. Si l’activité surf, escalade, parc d’attraction, la dominante mini-moto, Harry Potter, couture ou comédie musicale n’a pas permis de mettre à l’écart les enfants en situation de handicap, il reste le public du séjour notamment l’âge mais pas uniquement. Des séjours se construisent sur les capacités à avoir : la marche, l’orientation, parler une langue étrangère, etc… Comment dans ce contexte inscrire un frère et une sœur handicapée de 10 ans et 15 ans dans le même séjour ? On nous expliquera, il faut bien que ceux et celles qui veulent faire telles ou telles choses puissent le faire… tous ensemble, au même rythme, de la même manière, sans aide spécifique etc… Le modèle colonial !

Enfin, lorsque l’organisme affiche l’inclusion des enfants en situation de handicap dans leurs colos, les parents ou représentants légaux doivent expliquer, justifier, rencontrer, remplir des documents spécifiques et attendre la décision de l’organisateur pour savoir si l’enfant pourra partir ou pas, avec des conditions (un accompagnant, payé par qui ?) ou pas. Les procédures sont décrites sur les sites et on y apprend que seules quelques colos sont accessibles… à cause des bâtiments !7 Au moins, l’enfant ou le parent consommateur n’aura pas à se plaindre d’un enfant handicapé, ou ne sera pas freiné dans la découverte ou réalisation de l’activité choisie pour ses vacances.

Le fait que le modèle colonial s’appuie sur la maitrise des besoins de l’enfant conduit les équipes d’animations à exclure les enfants plutôt qu’à entrer dans une démarche pédagogique dès lors qu’ils et elles sont en difficulté. Plutôt que de questionner la pédagogie mise en œuvre, les équipes vont chercher à exclure les enfants qui n’entrerait pas dans le moule du séjour pensé en amont, sans les jeunes et sur des bases scientifiques plus que chancelantes. Combien de fois ai-je entendu dans les salles d’animation, des animateurices dire que tel ou telle enfant ne devait pas être en colo puisqu’iels ne sont pas éduacteurices, que tel ou telle ne pouvait pas rester en colo parce qu’iel n’était pas adapté.e à la vie en groupe ou avait une pathologie (TDAH, hyperactivité, etc.) ou un traitement médicamenteux (Rétaline, Tercian, etc.). On verra même des équipes ou des directions refuser de travailler dans tel ou tel séjour dès lors qu’iels verront la liste des enfants, leurs noms et leurs origines. La concurrence existe aussi sur le marché du travail des animateurices. Le validisme ou racisme existent bel et bien dans les colos et les centres de loisirs. Les salaires bas, les conditions de travail dégradé et l’absence de formation ne font que renforcer ces dérives de ce secteur marchandisé.

L’histoire et les évolutions libérales de ces dernières années montrent que construire des colos inclusives relèvent non pas d’une évolution à renforcer, mais bien d’une création à faire. Si le terme est utilisé, aujourd’hui les expériences de colos inclusives sont rares, les écrits presque inexistants et les travaux de recherche introuvable. Pourtant, faire des colos inclusives et universelles devraient être un enjeu for de toute politique publique sur la question des activités et séjours collectifs pour mineurs. Sortir de l’incantation et basculer dans la construction…

Changer de paradigme et entrer en pédagogie.

Construite des colos inclusives à l’accès universel est un profond changement de paradigme. Il faut en finir avec la seule théorie des besoins comme base théorique des colonies de vacances, il faut en finir avec l’idée que l’adulte sait ce qui est bon pour l’enfant et évidemment en finir avec les organisations et activités vendues sur catalogue flattant l’enfant consommateur. Par quel bout prendre la question ? A mon sens, seule la pédagogie permet de construire ces « nouvelles » colonies. A l’image des précurseurs des colos (Bion, Comte, de Pressensé, Korczak, ou de Failly), il s’agit de travailler concomitamment les idées et les pratiques. Dans les années 20-30, ces pédagogues (souvent philanthropes) se sont concentrés sur les enfants fragiles, sur des finalités sanitaires et sociales afin de penser et construire le/la citoyen.ne, le/la chrétien.ne de demain. Ils ont imaginé des institutions dont les organisations, les activités, le milieu, les relations et l’architecture répondraient aux finalités militantes recherchées. Ils se sont imaginés qu’en faisant, ils changeraient le monde. Plus d’un siècle plus tard, la pédagogie a disparu au profit de la gestion (de l’argent et des enfants) et de l’économie. N’en déplaise aux conservateurs et autres tenant de l’autoritarisme comme forme éducative, si nous voulons construire une société inclusive et universelle, il nous faut (re)construire une école inclusive et universelle, il nous faut construire des colos et accueils de loisirs inclusifs et universels. Il nous faut (re)faire de la pédagogie.

Si, je définis la pédagogie comme la mise au travail concomitante des savoirs, des valeurs et des pratiques par les mêmes personnes dans un même lieu, on se rend vite compte que faire de la pédagogie relève d’un triple questionnement et de la recherche de solutions pratiques cohérentes. Le pédagogue (c’est-à-dire toute personne qui cherche à croiser ces valeurs, ces savoirs et ces pratiques avec d’autres dans une action de terrain) exerce une action éducative ou d’apprentissage avec en tête les finalités de son action. Premier questionnement : a quoi servent les colos et les centres de loisirs ? Aujourd’hui et malgré les discours la première fonction des accueils collectifs de mineurs est le gardiennage, la seconde pour les colos la pratique d’activité de farniente, de fun, de tourisme et pour les centres de loisirs jouer avec des copains. Avec de telles finalités, l’ambition est faible, les mixités inutiles, l’inclusion un problème. Pour les classes dominantes, les colos et camps, comme l’école, doivent être le lieu de rencontres de l’entre-soi et de reproduction de leur domination : construction de réseau, transmission de compétences sociales et de découverte de l’étranger. Comme ce sont ces classes dominantes et leur argent qui sont recherchés pour les organisateurs, tout est fait pour les satisfaire. Ce qui est vrai pour l’école privée, l’est aussi pour les colos et certaines formes de scoutisme.

Imaginons de quoi notre société aurait besoin et non plus de quoi l’enfant ou le parent-client aurait besoin, sans hiérarchie et dans un ordre aléatoire : d’égalité, de liberté, de paix, d’attention aux vulnérables, de paix, de soin à la planète, de respect du vivant, de relations humaines, de gratuité, de démocratie, d’éducabilité, etc… Chaque pédagogue peut piocher dans ces finalités, pour construire une colo ou un accueil de loisirs. Son travail est alors d’entrer en pédagogie et tenter de construire un espace, un lieu ou une institution libre, égale, démocratique, attentive aux vulnérables, etc… C’est ici que tout commence. Dès lors que l’on choisi l’une de ces finalités, il est impossible d’exclure l’autre en situation de handicap ou ayant une pathologie. Il est impossible de reproduire les modèles pédagogiques dominants et construits sur la séparation des publics.

L’autre entrée possible pour les pédagogues plus praticiens est de regarder dans ces pratiques ou dans les lieux où on exerce qu’est ce qui nous déplait, pas dans la structure technocratisée, mais dans le quotidien de notre salle, de notre cour de récréation, de notre jeu à animer et de chercher ce qui n’est pas en cohérence avec ces valeurs personnelles, ensuite essayer de faire autrement. Avec une seule idée en tête, ce n’est pas l’enfant ou les enfants qui posent problème mais la situation. Tenter et chercher des solutions possibles, en s’interdisant d’exclure puisque ce n’est pas l’enfant le problème… Dès lors le/la pédagogue inventera de la pédagogie. C’est le deuxième questionnement : qu’est ce qui ne fonctionne pas dans ma pratique pour atteindre les finalités souhaitées ?

Enfin et pour les intellectuels, le troisième questionnement se portera sur la mise en pratique de savoirs lus, appris ou intériorisés. A l’image de Pestalozzi qui a cherché à appliquer les principes éducatifs de Rousseau, beaucoup d’étudiant.e.s ou le lycéen.ne.s découvrent un.e auteur.e, un.e philosophe ou penseur.e et vont chercher à mettre en pratique leurs écrits. Tou.te.s vont se confronter aux même difficultés : la théorie ne fonctionne pas dans la vraie vie. Pestalozzi le décrit déjà dans son « journal sur l’éducation de Jacob », Adolphe Ferrière n’arrive pas à comprendre son fils Claude et les apprentis pédagogues du séjour de vacances d’Evolène8 portés par des idéologies toutes plus farfelues les unes que les autres et seront forcés de fermer leur colonie de vacances. Réussie ou ratée, tâtonnante ou évidente, la pédagogie n’est pas une science immuable ou essaimable, elle se tricote dans la réalité du terrain, appuyée par des valeurs et structurée sur les savoirs scientifiques. Appliquer ou répéter ne conduiront qu’à l’échec.

Il ne peut y avoir de mauvaise entrée en pédagogie, que l’on entre par le savoir, l’idée ou la pratique l’entrée est juste, le chemin est ensuite pavé de singulières difficultés, l’erreur serait d’imaginer qu’il n’existe qu’une solution, que tel auteur ou telle chercheuse serait les seul.e.s à avoir raison ou que tel outil permettra de résoudre toutes les difficultés. Entrer en pédagogie, c’est entré sur un chemin sinueux qui n’a pas de fin, où la rencontre avec des enfants différents permettra en permanence de remettre en question ses valeurs, ses pratiques ou ses savoirs, de se construire de manière empirique une lourde boite à outils dans laquelle il est possible de puiser, de découvrir de nouveau travaux scientifiques et de croiser des pensées complexes. Ceci uniquement dans l’objectif de comprendre et d’agir dans une situation éducative.

Construire des colos inclusives et universelles

Construire des colos inclusives à l’accueil universel est un enjeu majeur à mes yeux. Le monde dans lequel nous vivons bascule dans la violence, le séparatisme, le repli identitaire et la loi du plus fort. Nos démocraties sont en danger, il me semble que replonger dans les écrits pédagogiques de l’Education Nouvelle qui ne voulait plus jamais de guerre mondiale est nécessaire. Le chemin que nous construisent les tenants d’un autoritarisme réactionnaire et de la haine de l’autre, est connu : les plus faibles, les plus vulnérables, les racisés, les étrangers, les femmes vont être exclus des lieux de pouvoir, puis l’écrasement de population ciblée se fera par la force, la violence, l’enfermement et la mort. Construire des espaces où vivre et faire ensemble avec tous et toutes est indispensable pour espérer qu’il est encore temps de penser un monde meilleur pour demain. Nous devons créer ces espaces.

La colo et le centre de loisirs ont la particularité d’être libres quant au contenu et quant à la pédagogie possible. Les textes réglementaires sont souples et permettent l’expérimentation. L’enjeu (vacances, jeux, rencontres) est plus léger que celui de l’école, moins lourd et moins enclin à des débats politiques de premier plan. L’histoire est remplie de colonie de vacances à pédagogie libre, solidaire, coopérative, ou égalitaire : Korczak, Houssaye, Républiques d’enfants, séjours libertaires, self-government, etc. Des colos et centres de loisirs actuels mettent au travail des modèles et méthodes inclusives : terrain d’aventure9, pédagogie de la liberté10, de la décision11, féministe, etc. et se réunisse dans des collectifs réflexifs et pédagogiques12. Ces colos, ces espaces de loisir, ont en commun de faire de la pédagogie, d’avoir remis en question le modèle colonial, sa théorie des besoins, sa méthodologie de projet et de travailler sur l’inclusion de chaque enfant dans chaque espace.

Cette phrase de J. Tronto reste un incroyable guide pour penser une pédagogie inclusive et la démocratie : « les personnes perçues comme ayant des ‘’besoins’’ sont celles qui sont le moins bien préparées à défendre leur capacité à affirmer quoi que ce soit quant à la nature de leurs besoins. Dans les débats sur les ‘’besoins’’ des personnes, il arrive souvent que la majorité, les puissants ou les experts substituent leurs propres descriptions des besoins à la voix et aux conceptions de ceux qui sont affectés ». Les enfants sont des « personnes perçues comme ayant des besoins »13.

1 Collectif, Des séparations aux rencontres en camps et colos : rapport d’évaluation du dispositif #GénérationCampColo. 2016 : https://hal.science/hal-03904793

2 Dictionnaire de pédagogie : colonies de vacances (les), notice de Maurice Pellison : http://www.inrp.fr/edition-electronique/lodel/dictionnaire-ferdinand-buisson/document.php?id=3767

3 Compte-rendu : L’Importance pédagogique des colonies de vacances, Laborde, Unesco, H. International review of education, 4,3, p. 346-359

4 https://igas.gouv.fr/IMG/pdf/2023-080r_rapport_definitif_.pdf

5 Le modèle colonial s’appuie sur le choix de l’enfant, c’est-à-dire que l’enfance peut choisir entre plusieurs activités, parfois plusieurs plats à table, rarement sa chambre. Chacune de ses possibilités a été construit et travaillé par l’adulte. L’enfant ne décide pas de ce qu’il va faire, il choisit dans un panel pensé pour lui par l’adulte.

6 https://communaute.ucpa.com/t5/Blog-colos/Mon-enfant-est-diagnostiqu%C3%A9-hyperactif-puis-je-l-inscrire-en-colo/ba-p/193129

7 https://temps-jeunes.com/inclusion-handicap

8 https://www.lemonde.fr/archives/article/1973/09/14/libres-enfants-d-evolene_2565009_1819218.html

9https://surlacomete.org/

10https://www.maisondecourcelles.fr/

11https://www.colonie-evasoleil.com/https://toustesencolo.fr/

12https://www.collectifcampscolos.fr/

13https://www.cairn.info/revue-cahiers-philosophiques1-2014-1-page-69.htm