Un article de Samy Johsua, professeur émérite en Sciences de l’éducation à l’Université Aix-Marseille, publié sur le site https://dieses.fr/

« Il ne faut pas penser qu’il est possible de corriger par l’école les désastres d’une société inégalitaire, minée en plus par le racisme et le sexisme. C’est même plutôt l’inverse : il faut changer la société pour changer l’école. »

Il en va de l’éducation comme pour d’autres secteurs de ce que Bourdieu appelait « la main gauche de l’État ». Il est peu discutable que la devise de la République (Liberté, Égalité, Fraternité) y est souvent bafouée, en particulier pour ce qui est de la « fraternité » et de l’« égalité ». Des discriminations de tous ordres se retrouvent ainsi à l’école, même s’il est souvent difficile d’en faire reconnaître l’existence, et d’engager une discussion sur les différents moyens de luttes dont nous disposons.

Nous devons donc d’abord revenir sur la nature précise de ces discriminations pour pouvoir discuter ensuite de la manière de les combattre ou de les atténuer.

La dernière étude Trajectoires et Origines de l’Ined montre que l’Éducation Nationale (ses personnels en particulier) est une des institutions les moins mises en cause en ce qui concerne les questions de racisme, en particulier par les populations que l’Ined classe en dehors de « la population majoritaire ». S’il faut s’en féliciter, cela ne signifie pas que les problèmes sont inexistants.

Par exemple, le racisme est ressenti plus fortement, et de façon plus facilement dicible, par les élèves en réussite scolaire et sociale. Ainsi, dans l’article Réussite, racisme et discrimination scolaire, l’expérience des diplômé·e·s d’origine subsaharienne en France d’Elodie Druez, on voit que le racisme peut être très prégnant et difficile à vivre, en particulier dès que les populations sont « mélangées » (puisqu’il s’agit là de personnes en réussite scolaire) lors de l’entrée dans des établissements « privilégiés ».

L’Éducation nationale a elle-même proposé dans une publication de 2010, Discriminations à l’école, un état des lieux des discriminations liées au handicap, à l’orientation sexuelle, au sexisme, au racisme. On trouve dans cette publication des observations qui n’ont pas malheureusement pas beaucoup vieilli, dont celui du désarroi des enseignant·e·s face à ces discriminations. Plus près de nous, la chute spectaculaire du nombre de filles choisissant les options mathématiques suite aux réformes du lycée par le ministre Blanquer (moins 10 points en si peu d’années) montre que le désintérêt pour les questions de différentiations de genre dans la poursuite d’études peut conduire à des régressions majeures. Tout récemment a été publiée une étude de Sylvain Chareyron, Louis-Alexandre Erb et Yannick L’Horty portant sur 600 masters en France, et montrant que près d’un master sur cinq discrimine la demande de Mohamed Messaoudi par rapport à celle, équivalente, de Thomas Legrand.

La question se complique cependant si on s’en tient principalement aux discriminations liées « à l’origine », puisqu’il est souvent méthodologiquement difficile de séparer cette question de l’origine de classe. Il est en effet notoire que ces catégories de la population sont aussi le plus souvent socialement défavorisées, voire en grande difficulté. Mais justement, même lorsqu’on tient compte de cet aspect (il existe des études où, sans disparaître, la discrimination d’origine s’évanouit presque lorsqu’on incorpore les facteurs sociaux, on ne peut que constater que « l’égalité » décidément n’est pas souvent au rendez-vous dans la question scolaire. D’autant que certains travaux semblent bel et bien montrer qu’il existe des discriminations spécifiques en fonction de l’origine ou du genre dans les décisions des conseils de classe pour l’orientation en fin de collège.

Lire la suite de l’article de Samy Johsua sur le site dièses, une revue en ligne contre les discriminations et les préjugés :

La lutte contre les discriminations et « l’émancipation par les savoirs »