Cet article est la version longue d’un texte publié dans le n°18 de la revue N’Autre École : École et écologie, blababla… qui peut être commandée ici.

Depuis la rentrée, je participe au grand mouvement de « retour à la Terre » des professeurs des écoles : j’expérimente la « classe-dehors ». Ce choix a été accompagné par beaucoup de lectures qui m’ont convaincu de son intérêt. Toutefois, il y a pour moi dans beaucoup de ces textes un obstacle théorique : celui du rapport à « la nature ». Je ne pense pas que les pratiques pédagogiques puissent se détacher de la manière dont elles sont pensées et décrites : on construit nos gestes en fonction de manière de percevoir le monde et cette perception a donc une influence sur ce que nous faisons avec nos élèves. Les discours sont aussi le principal vecteur de diffusion des pratiques : ils ont ainsi un double enjeu politique et didactique. Bien qu’étant peu habituel pour moi, je me propose donc dans ce texte de me livrer à un exercice de réflexion théorique : il est aussi le témoignage d’un cheminement intellectuel en lien avec ce qu’il se passe dans ma classe. S’attaquer à la question du « naturel » dans la classe-dehors me permet d’interroger aussi de manière plus large le spontanéisme présent dans notre héritage pédagogique.

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L’Enfant et la Nature : une double essentialisation

Dans la plupart des textes qui circulent, est utilisé ce concept de nature (ou Nature) sans être réellement défini. On associe au simple contact avec la Nature des bienfaits quasi magiques et la construction d’une conscience écologique.

« Le contact avec la nature permet d’éprouver de la liberté et de la joie »

« l’enfant apprend mieux quand il est dehors » Tribune, « Maires, aidez nous à sortir les enfants pour leur bien-être et le nôtre » Libération, 18 février 2021

« Enfin, faire la classe dehors permet de renouer avec la nature. C’est une façon de développer une responsabilité écologique. » Dominique Cottereau, www.classe-de-demain.fr, 30 novembre 2021

Avec la classe-dehors, « l’égalité fille-garçon, aussi, devient naturelle. […] Petit à petit la nature entre dans l’intimité de l’enfant, l’enfant intègre les gestes écocitoyens. ».
« Nadia Leinhard : La classe dehors » , www.cafepedagogique.net, 12 mai 2021

Le « contact avec la nature » aurait donc des effets intrinsèques bénéfiques pour les enfants. Les militant.es de l’éducation à la nature avancent même l’existence d’un « syndrome du manque de nature », lié à un « besoin de nature » physiologique”. Cette question du « besoin de nature » des enfants est utilisé comme un puissant argument pour défendre la classe-dehors. Il est par exemple utilisé dans le Nouvel Éducateur par Annie De Larochelambert qui parle de « « besoin premier et viscéral de nature »1. En février 2021, dans une tribune dans Libération en faveur de la classe-dehors, l’argument-phare est l’argument sanitaire : il permet de lutter contre la sédentarité et les « symptôme dépressif infantile ».

Comment s’opèrent les effets magiques de la nature sur l’enfant ? Dans la plupart des textes, la nature (avec sa richesse sensorielle notamment) agirait d’elle-même sur un enfant qui doit être « libre », et « autonome ». En effet, dans la plupart des dispositifs de classe-dehors, on insiste sur la nécessaire liberté de l’enfant et l’importance du jeu libre. On est dans le registre de la sensorialité, de la matière, du corps.

Il me semble que ces discours fonctionnent par une double essentialisation qui s’étend ensuite à tout le discours pédagogique dans son ensemble : l’essentialisation des « êtres non-humains », de la nature, et la naturalisation des enfants. Pour le dire autrement, en même temps qu’on transforme les êtres vivants en un ensemble idéalisé et unifié, la « Nature », on place les enfants dans ce même ensemble. Une fois libéré.e du poids de la civilisation et de la culture, ils/elles apprendraient « naturellement ». Cela est parfaitement illustré par Nadia Leinhard qui explique que « l’égalité fille-garçon aussi devient naturelle » à l’extérieur, les enfants jouant tous ensemble sans distinction de genre. Cette conception de l’« Enfant » placé du côté de la « nature » se retrouve souvent dans les pédagogies nouvelles (et/ou « alternative », l’exemple le plus connu est la pédagogie Montessori par exemple). L’apprentissage des enfants serait « naturel » comme la croissance d’une plante qui a uniquement besoin d’un milieu propice pour pousser. L’enfant n’aurait besoin que d’un cadre éducatif bienveillant pour apprendre « seul ».

Les processus de naturalisation sont beaucoup étudiés par les sciences sociales ; la sociologie de l’enfance s’est attachée à montrer l’enfance comme une production sociale. A la fois, la catégorie d’« enfant » elle-même, lié à différents processus médicaux, institutionnels, théoriques (théorie psychologique des « stades de développement »), mais aussi les individus eux-mêmes en montrant à quel point l’enfant ne peut être pensé en dehors de sa socialisation. Considérer qu’il existe un enfant « naturel », que la société viendrait modeler n’a pas de sens : avant même sa naissance, l’enfant est un produit de la société dans laquelle il née. C’est une « naturalisation qui semble ici d’autant plus puissante qu’elle porte sur le rapport des enfants à la nature elle-même. » souligne par ailleurs le sociologue Julien Vitores dans un article que je présenterai par la suite.

Le concept de « nature » construit en opposition avec celui de « culture » a une histoire : ce partage est le produit de l’histoire de la pensée occidentale et de l’exploitation capitaliste et coloniale des ressources naturelles.

Concernant la « nature », cette essentialisation est aussi problématique. En effet, le concept de « nature » construit en opposition avec celui de « culture » a une histoire : ce partage est le produit de l’histoire de la pensée occidentale et de l’exploitation capitaliste et coloniale des ressources naturelles. Le concept lui-même gomme à la fois la diversité des êtres vivants, mais surtout les différentes manières d’être en relation avec eux (par exemple, celles des peuples indigènes)2.

La pensée écoféministe pointe bien la connivence intellectuelle entre les processus d’essentialisation de la nature sauvage (comme le concept américain de wilderness) et la naturalisation des groupes minorisés. Que cela soit les femmes, les enfants, les groupes racisés et/ou les peuples indigènes, le renvoie vers la « nature » (que cela soit à une sauvagerie, un caractère primitif, une proximité « naturelle » avec les êtres vivants ou tout simplement un réduction au corps) est historiquement une manière d’inférioriser le groupe et de justifier sa domination/exploitation. De même pour les écosystèmes, l’idée de nature sauvage justifie alternativement l’idée d’une mise sous-cloche qui nie les relations que certains groupes humains ont pu élaborer avec les écosystèmes (comme dans les parcs nationaux américains ou africains) et l’idée d’une nature sauvage à coloniser, à domestiquer dans des fins d’exploitation.

Pour une didactique contre-nature

S’il s’agit d’un problème politique et théorique, il a selon moi des conséquences pratiques réels en pédagogie.

Pour le pédagogue, concevoir les apprentissages de l’enfant, non pas comme des processus biologiques naturels, mais comme des produits de la socialisation est importante pour ne pas invisibiliser les processus de différentiation sociale et renoncer à l’ambition d’égalité de l’école publique. C’est le sens des attaques de Philippe Meirieux contre ceux/celles qu’il appelle les « hyperpédago »3 : « derrière son refus de toute autorité, sa volonté de laisser s’exprimer la curiosité naturelle de l’enfant, de parier sur la seule nature pour stimuler son intelligence […] il apparaît comme simplement exprimant un déni d’éducation, une résignation aux inégalités, voire un refus du principe éthique fondateur de l’éducabilité de chacune et chacun ». Une conception naturalisante des apprentissages, comme de la liberté et de l’autonomie, masque et empêche de penser l’importance des interventions éducatives (parfois inconscientes) des enseignant.es et plus largement de la société.

Le sociologue Julien Vitores4 interroge ce que certains psychologues appellent la biophilie, c’est-à-dire une attirance naturelle des enfants pour les animaux. Il observe ainsi les interactions entre enfants, adultes et animaux dans un zoo. Le sociologue décrit alors comment l’attirance des enfants pour les animaux n’est pas une donnée naturelle, mais un travail des parents visant à produire l’« attention » des enfants aux animaux. Cette fabrique de l’attention se réalise par une série de gestes éducatifs lors de la visite (verbaliser, pointer du doigt, installer l’enfant à un endroit précis…), mais aussi en amont par la culture (livres lus à l’école, dessins-animés, publicité…). On peut ainsi, en changeant de contexte, s’interroger sur la somme d’actes éducatifs peu visibles du/de la pédagogue en « classe dehors » afin de construire un rapport spécifique des élèves à la nature. Il me semble que l’injonction au « lâcher prise » très présente dans les textes pédagogiques sur le sujet ne nous aide pas à conscientiser le travail effectué pour construire la nature comme objet, si ce n’est d’étude, au moins d’attention. « Les tâches sont confiées aux élèves, le maître n’intervient pas, la mise en relation avec le savoir visé est laissé à l’initiative de l’élève, résume Aurélie Zwang dans les Cahiers pédagogiques5.Pour autant, il ne semble pas que cela rende compte totalement des dynamiques posturales à l’œuvre au dehors. » Est-ce un hasard si mes élèves observent les oiseaux au moment-même où je m’intéresse aux oiseaux ? Qu’est-ce que je leur signifie quand je tends l’oreille ? Quand je ramasse une feuille ? Quand je pointe du doigt une plaque commémorative ? Qu’est-ce que je suggère quand j’explique aux élèves qu’ils ont le droit de « parler aux inconnus » ?

Est-ce un hasard si mes élèves observent les oiseaux au moment-même où je m’intéresse aux oiseaux ? Qu’est-ce que je leur signifie quand je tends l’oreille ? Quand je ramasse une feuille ? Quand je pointe du doigt une plaque commémorative ? Qu’est-ce que je suggère quand j’explique aux élèves qu’ils ont le droit de « parler aux inconnus » ?

Car, même en sortie libre, il est à parier qu’il existe des postures incitatives, des manières de rendre légitime ou non une attention. Dans un article important de ce point de vue6, Isabelle Cambourakis présente sa pratique de l’« école du dehors » comme un travail, non pas uniquement sur la nature urbaine, mais sur tout un quartier. De manière surprenante (et subversive), elle inclut dans les objets d’attention de l’« école du dehors » aussi bien l’habitat des chauves-souris que l’odeur des boucheries halal de la rue de Ménilmontant. C’est là où ce texte est original, et on peut faire l’hypothèse que cela reflète aussi une certaine originalité au niveau des pratiques : comment des grandes sections de maternelle circulant dans un quartier ne serait pas influencés par les perceptions de leur enseignante ?

Il me semble qu’en insistant sur la liberté et la curiosité naturel de l’enfant, ainsi que sur les effets de la nature « elle-même ». On masque les mécanismes d’apprentissage de l’observation de la nature et la qualité des postures pédagogiques nécessaires aux pratiques de « classe dehors ». L’article de Annie De Larochelambert, cité plus haut, illustre à merveille cela : si dans sa première partie, elle utilise les mêmes discours essentialisant sur les pouvoirs de l’éducation dans la nature pour les enfants, elle décrit avec minutie dans la suite de l’article l’importance des dispositifs pédagogiques qui permettent de d’aboutir à une conscience écologique. Selon la pédagogue, « il est nécessaire que les élèves aient des objectifs bien précis, sans quoi ils parent dans tous les sens, car ils ne savent pas ce qu’il faut regarder ou écouter. Leur intérêt naturel pour le vivant se trouve relancé s’il est soutenu par un questionnement qu’ils expriment et s’approprient ». La conscience écologique passe ensuite par la production de connaissances pointues, par une expertise, liée à une « démarche rigoureuse et scientifique ».

Ainsi, la conscience écologique ne vient pas « naturellement » en plongeant les enfants dans un « bain de nature » mais bien par une construire pédagogique, voire didactique, rigoureuse et difficile. Il ne s’agit donc pas là de critiquer l’idée de faire « classe dehors », mais bien d’inciter à trouver une rigueur d’analyse à la fois des pratiques et des discours la concernant : c’est d’ailleurs le sens du texte de Sylvain Connac dans le numéro des Cahiers pédagogiques sur la question. Relevant certaines limites quant à la pratique, il conclut : « C’est le propre de l’action pédagogique que de reconnaître les risques inhérents aux choix d’enseigner. C’est aussi son principe que de tenter de les dépasser, la pédagogie étant un sport de combat contre soi-même et les choses ».

Illustration de Cécile Cée, revue N’Autre école n°18

Pour une didactique pirate des relations avec le vivant

Tâcher de penser une didactique « du dehors », plutôt que des miracles pédagogiques dans la nature, voilà la piste proposée. A ce titre, les mouvements pédagogiques (notamment le mouvement Freinet) sont des trésors à découvrir et redécouvrir, dont il importe de mettre en avant les pratiques pédagogiques. Toutefois, si je parle ici de « didactique » du dehors, c’est aussi pour ouvrir sur une réflexion sur les objets d’enseignement de la « classe dehors » (si tant est qu’elle n’utilise pas le dehors uniquement comme un cadre différent pour des pratiques pédagogiques « classiques »). Pour penser cette pratique, il importe de proposer une autre manière de penser notre « rapport à la Nature ». Pour ce faire, je propose de faire un détour par le philosophe Baptiste Morizot.

Tâcher de penser une didactique « du dehors », plutôt que des miracles pédagogiques dans la nature, voilà la piste proposée

En effet, dans son livre Manières d’être vivant7, « la crise écologique actuelle […] est une crise de nos relations au vivant ». «  La crise de nos relations au vivant est une crise de la sensibilité parce que les relations que nous avons pris l’habitude entretenir avec les vivants sont des relations à la « nature ». » Le philosophe fait ici référence à ce partage entre relations naturelles et relations socio-politiques que nous évoquions plus haut. Placer les êtres vivants en dehors de « notre monde », de nos relations sociales, permet de le considérer « comme un décor, comme une réserve de ressources à notre disposition pour la production, comme lieu de ressourcement ou comme support de projection émotionnel ou symbolique ». Cette partition produit pour lui une « crise de la sensibilité » qu’il illustre notamment par notre manque d’écoute du chants des oiseaux ou notre inculture concernant la faune et la flore qui nous entoure. Au contraire,  « réagir à l’extinction de l’expérience, à la crise de la sensibilité, c’est enrichir la gamme de ce que, envers la multiplicité des vivants, on peut sentir, comprendre et tisser comme relations ».

De ce détour théorique, on peut tirer une proposition pédagogique : et si la « classe dehors » avait pour objectif de développer des relations plus riches aux êtres vivants qui vivent dans notre quartier, de faire classe avec nos voisin.es, quelqu’il/elle soit, humains, animaux ou végétaux ? Cela permet ainsi de penser le rôle de la « nature » dans la « classe dehors » à nouveau frais, de sortir de la pensée du « bain de nature », pour interroger des relations diverses (ludique, de connaissance, esthétique…) à des êtres. « Attention, nous ne sommes pas seuls dans cette forêt, soyons respectueux avec tous et toutes celles et ceux qui l’habitent » je me surprends à dire, lors d’une sortie en forêt avec mes élèves. Certains me regardent intrigués : nous sommes pourtant manifestement les seul.es. D’autres disent : « Il parle des animaux… ». Personnellement, c’est sortir de l’idée que nous étions dans la « nature », pour penser la présence d’une grande multiplicité d’êtres vivants avec lesquels nous avions un espace en partage qui m’a poussé à prononcer cette phrase. Elle ouvre à la fois à la question du « respect » dans la relation, mais aussi des interrogations sur ce que signifie « habiter » une forêt quand on est un écureuil, un chêne ou un.e élève.

Dans ma classe, c’est un arbuste invasif, le buddléia qui est rentré dans nos imaginaires et qui est devenu notre nouveau « voisin ».

Pour répondre à cette « crise de la sensibilité », l’école semble avoir une fonction importante. En effet, notre sensibilité n’est pas – encore une fois – une donnée naturelle : elle se construit notamment avec les outils intellectuels que sont les connaissances et les concepts. Or la transmission de savoirs, c’est justement une des missions traditionnelles de l’école. Ainsi, il peut être intéressant de penser les savoirs naturalistes comme des «connaissances puissantes » capables de transformer nos rapports au monde, et donc de repenser leur place dans nos classes. Les notions d’éco-système et d’interdépendance entre les êtres vivants, pourraient devenir une des matrices conceptuelles centrales des pratiques du dehors. Toutefois, il ne s’agit pas non plus de renouer avec une connaissance encyclopédique qui ne serait qu’une scolastique : les connaissances naturalistes sont importantes dans la mesure où elles peuvent être mobilisées par les élèves et modifier leur rapport au monde. Isabelle Cambourakis montre comment la relation quotidienne avec deux mésanges devant sa classe, la connaissance de leur chant par ses élèves, transforment « des manières collectives d’habiter l’école, le quartier et ses parcelles boisées et végétalisées ». Dans ma classe, c’est un arbuste invasif, le buddléia qui est rentré dans nos imaginaires et qui est devenu notre nouveau « voisin » : cet arbre, à nos yeux (moi y compris) est sorti de l’invisibilité, n’est plus juste un élément de décor indistinct, mais un être vivant avec des « goûts » (« il aime les sols caillouteux » disent les élèves) et une histoire (« il vient de Chine au XIXème siècle »).

L’école est en outre une institution dont une des fonctions est la légitimation symbolique de manières de voir et de penser le monde. Julien Vitores insiste sur le rôle de l’école dans la « valorisation » de certains animaux significatifs. L’institution scolaire propose des « partages du sensible » comme le dit Jacques Rancière, dont la définition du spectre est l’essence même de la politique. Si la classe dehors peut être subversive, c’est alors parce qu’il s’agit, comme le dit Isabelle Cambourakis, de « privilégier les relations avec les associations ou les usages plus pirates du territoire ». Être pirate en ville, cela peut signifier être une mauvaise herbe qui n’a rien à faire là ou une chauve-souris qui niche dans un lieu qui n’était pas prévu. Mais cela peut aussi s’intéresser aux appropriations spécifiques populaires de l’espace public (« c’est les chariots pour les gens qui vendent le maïs ») ou aux dispositifs de surveillance (« il y a beaucoup de caméras dans la gare »). C’est aussi aller contre l’invisibilisation du travail en lien avec la production de la nature urbaine : s’interroger sur les rosiers peut amener à rencontrer les jardiniers. Elle permet de subvertir un ordre socialement institué de ce qui mérite d’être observé ou non. Du point de vue des programmes scolaires (qui sont un important facteur institutionnel de « partage du sensible »), si ce travail sur la biodiversité (au sens large) est typiquement un travail de « science », il ouvre aussi des réflexions sur la notion d’habiter qui est justement une des notions centrales du programme de géographie de cycle 3. Une petite subversion qui permet à mon sens justement de vivifier les notions du programme…

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Cette année, je tâtonne, et suis loin d’être devenu un expert en « étude du milieu » comme on le dit en pédagogie Freinet. Nous aussi, on a observé un coin de verdure sur la petite ceinture, fait des recherches sur les arbres et sur le logement social. J’ai créé un contact avec les jardiniers de la cité et un projet de rencontre. Ma bibliothèque de classe s’est remplie d’ouvrages sur la faune et la flore en ville. Mais, en faisant le choix de tâtonner dans cette pratique et de m’intéresser à « la biodiversité urbaine », j’ai aussi cheminé moi-même. Ma propre perception de la ville a changé et je me surprends à écouter les pies perchés dans les robiniers près de l’école. Comme mes élèves, je m’amuse à repérer des buddléias dans des endroits improbables. Jusqu’à présent, ma conscience écologique avait pu faire évoluer mes manières de consommer, là l’attention à nos autres voisins a légèrement modifié ma manière d’habiter mon quartier.

1« Pour une « bioéducation » citoyenne », Annie De Larochelambert, Nouvel éducateur n°251, février 2021

2 Sur le sujet, on peut lire les travaux de l’anthropologue Philippe Descola, Par delà nature et culture (2005), mais aussi ceux de penseurs écologistes et décoloniaux comme Malcolm Ferdinand, Une écologie décoloniale (2019).

3Il attaque certaines pédagogies « alternatives » pratiqués notamment dans des écoles privées ou dans certains mouvements d’« instruction en famille ».
Voir Philippe Meirieu, La riposte (2018)

4Julien Vitores, « Les enfants aiment-ils naturellement les animaux », Genèses, 2019. A qui j’adresse mes remerciements : ce texte vient en grande partie d’une discussion informelle avec lui.

5 Aurélie Zwang, « Enseigner dehors : le métier d’enseignant en question », www.cahiers-pedagogiques.com, 8 juin 2021

6 Isabelle Cambourakis, « Pour une pratique émancipatrice de l’école du dehors », revue Z n°14, mai 2021

7 Baptiste Morizot, Manières d’être vivant, 2020