Petit lexique divergent sur l’organisation des établissements scolaires. Neo-management vs collectifs de travail autogestionnaires.


Neo-management des établissements scolairesCollectif de travail démocratique, égalitaire et autogestionnaire
Démocratie– un 1er degré qui peut se rapprocher de l’auto-organisation
– dans le 2nd degré, les personnels sont des exécutant·es.
– un fonctionnement hiérarchique qui repose sur la soumission et le manque de liberté
– pas de remise en question du système
– des instances fantoches qui ne font qu’enregistrer des décisions hiérarchiques
– la représentativité : une démocratie trébuchante.
– absence de hiérarchie
– organisation et répartition du travail par le collectif des personnels
– importance des réunions / AG décisionnaires
– réflexions collectives sur les finalités de nos métiers : les personnels sont des expert·es de terrain qui contribue à l’évolution du système.
– mandats révocables

Démocratie

Si, pour les élèves, l’apprentissage de la démocratie est évident – tout au moins en théorie –, les pratiques démocratiques sont beaucoup moins évidentes du point de vue du fonctionnement et de la gestion des établissements scolaires.

Quel besoin de démocratie dans la gestion des écoles ?

Lorsque les personnels sont considérés – ou se considèrent – comme des exécutant·es devant appliquer les ordres venus du dessus, sans les contester, sans les adapter, sans les (re)penser ; ou lorsque les personnels cherchent à déléguer le plus possible leur pouvoir d’agir à un·e chef·fe censé·e assumer toutes les responsabilités dans l’établissement, la question de la démocratie se pose peu. Écouter, obéir, appliquer. Ne pas chercher à construire les finalités de l’école par soi-même et avec les autres, attendre que les contours de notre métier soient dessinés par d’autres.

Mais lorsque les personnels ont conscience que le système éducatif n’est pas satisfaisant dans son fonctionnement actuel et se posent en acteurs et actrices de terrain qui peuvent/ veulent / doivent contester et changer les choses, la question de la démocratie se pose avec force : comment faire en sorte que tou·tes (personnels, mais aussi élèves, familles, population) participent à la vie et à la gestion de l’établissement, construisent, ensemble, des projets éducatifs et pédagogiques, aient la possibilité de s’exprimer, à égalité avec les autres, ou encore se libèrent des injonctions hiérarchiques pour faire valoir leur expertise de terrain ?

Quelles instances « démocratiques » dans les établissements scolaires ?

Commençons par l’existant.

Officiellement, seuls le conseil d’administration, le conseil des maître·sses et le conseil d’école apparaissent comme des instances de débat et de décision, sur consultation et vote des membres de la communauté éducative. Une acception possible de la démocratie, par représentation.

Dans les écoles, le conseil des maître·sses donne son avis et émet des propositions sur l’organisation de l’école, des enseignements et la gestion des problématiques locales. Les textes officielles n’apportent aucune précision sur la manière dont les décisions doivent être prises si bien qu’un fonctionnement démocratique et horizontal peut être choisi et installé par l’équipe.

Le conseil d’école peut réunir, outre les enseignant·es, des représentant·es élu·es des familles, la/le maire, un·e membre du RASED, l’équipe psycho-médicale, l’IEN et un·e conseillèr·e municipal·e ou un·e délégué·e départemental·e de l’éducation, et prend des décisions liées au fonctionnement et au projet de l’école, après avis de ses membres.

Dans les deux cas, c’est bien le collectif des personnes participant au conseil qui débat et prend les décisions, sans autorité hiérarchique, sans verticalité (bien que de plus en plus, des IEN cherchent à y imposer des orientations et que le ministère veuille faire des directeurs·rices de véritables supérieur·es hiérarchiques, pour le plus grand bonheur des collègues acquis·es à la cause managériale, heureusement minoritaires dans le 1er degré ! – voir la récente loi Rilhac).

On se questionnera cependant sur l’absence, dans les textes, des autres personnels de l’établissement… peut-être les enseignant·es peuvent-ils/elles changer les règles et y convier les AESH, les Atsem (la présence de ces dernières est possible, mais sans droit de vote), à égalité de parole et d’avis (ce qui est peut être déjà le cas dans certaines écoles) ?

Dans les collèges et les lycées, la verticalité est loin d’être contestée.

Sur le papier, une certaine démocratie, par délégation représentative, semble instaurée : élections à l’automne pour désigner les représentant·es des familles et des personnels ; Conseil d’administration (où des votes sont régulièrement organisés) auquel s’ajoutent d’autres instances de consultation et de décision (Commission permanente, Comité hygiène et sécurité, Conseil pédagogique). Sur le papier se dégage l’impression d’un fonctionnement qui permet à chacun·e de s’exprimer et d’être représenté·e dans les prises de décision.

Mais la réalité du terrain démontre que cette démocratie n’est souvent que de façade et absolument pas revendiquée comme telle par l’institution :

– les élections sont mal préparées et mal organisées, souvent sans profession de foi – ni engagement dans la manière d’agir au nom du collectif – de la part des personnels qui se présentent pour être élus.

– les chef·fes d’établissement font souvent des CA de simples instances de validation de décisions déjà prises par l’équipe de direction ou par l’institution qu’elle représente. Certain·es chef·fes vont jusqu’à dire que le CA n’est pas un lieu pour débattre et les compte-rendus officiels sont eux-mêmes vidés des contenus des échanges et ne font figurer que les résultats des votes. C’est ainsi que, ces habitudes anti-démocratiques s’installant par étapes, sans contestation ferme par les représentant·es, on voit des personnels qui ne comprennent plus en quoi cela pose problème et acceptent ce fonctionnement.

– vidées ainsi de leur sens, les instances peinent parfois à trouver des personnels volontaires et motivés pour y participer. On peut également voir dans cette difficulté à s’engager le résultat d’une absence de transmission des enjeux des instances entre personnels (de cette histoire commune dont il était question dans l’introduction à ce lexique et qui contribue à construire un collectif de travail pérenne).

– les différentes instances peuvent aussi être confisquées par une poignée d’habitué·es devenu·es « spécialistes de la représentation » des personnels, mais qui ne consultent pas les collègues qui les ont élu·es et ne leur rendent aucun compte, faute de temps, faute d’envie, ou faute d’habitude… Les sièges peuvent également être accaparés par des collègues tout acquis·es à la cause managériale et devenu·es simples courroies de transmission des directives des chef·fes. Elles et ils oublient par là que leur rôle de représentant·es des personnels et de leurs préoccupations implique un rapport de force et d’opposition vis-à-vis de la direction-institution.

– quant au conseil pédagogique créé en 2005, il n’est guère utile de nous attarder dessus tant ses « prérogatives » sont nulles (ses propositions doivent être validées au CA, dont nous avons vu les limites). De plus, les conseils pédagogiques sont souvent pilotés par des équipes soigneusement sélectionnées par les chef·fes ou par des personnels monopolisant la parole et les projets sans souci du collectif.

La démocratie dans un collectif de travail autogestionnaire

« C’est nous qui travaillons, c’est nous qui décidons ! » : tel est le point essentiel des collectifs de travail démocratiques et autogestionnaires.

De là plusieurs implications :

– la disparition des fonctions hiérarchiques (leurs missions étant assumées et réparties par le collectif, entre pair·es) et la vigilance contre toutes les formes de domination, dans une volonté inclusive déterminée et sans concession.

– l’absence de hiérarchie n’implique pas l’absence d’organisation et de structuration. Mais ici, c’est l’ensemble des personnels décide et partage les responsabilités, organise et répartit le travail.

– la communication des informations doit se faire à destination de tou·tes, afin que chacun·e puisse penser les enjeux et participer aux prises de décision. L’information n’est plus confisquée par un petit noyau.

– les réunions/Assemblées générales ont un rôle central pour échanger, débattre, prendre les décisions, tout en recherchant au maximum le consensus et en veillant à l’égalité de parole et de voix.

– l’installation de mandats révocables.

Les collectifs de travail démocratiques et autogestionnaires tendent ainsi vers la disparition des dominations, des privilèges, des injonctions hors sol. Ce sont les travailleurs et les travailleuses, les élèves et leurs familles, qui reprennent la main, décident des orientations de l’établissement, en termes de pédagogie, d’éducation, de projets, mais aussi de finalités et d’éthiques. Il n’est plus question ici de cette logique budgétaire, martelée par les représentant·es de l’institution pour justifier la perte de moyens des écoles.

Loin de l’individualisme et du carriérisme qui séparent et enferment, chacun·e fait valoir ici son expertise pour la mettre au service du collectif de travail et des finalités décidées en assemblée générale.

Les lieux de débats et de prise de décision favorisent ainsi une solidarité d’autant plus solide qu’elle ne repose plus seulement sur des affinités individuelles mais sur des convergences professionnelles précises et construites collectivement.

Là réside la véritable autonomie, bien différente de l’autonomie vantée par l’institution et par certaines organisations syndicales d’accompagnement !

Bien sûr, l’exercice de l’autogestion n’a rien de simple ni de facile : elle demande réflexions, travail, temps, échanges, débats (parfois houleux).

Mais quelle belle et enthousiasmante perspective que de sortir de la maltraitance institutionnelle et hiérarchique, de la passivité, du sentiment d’impuissance, pour construire une école qui soit à tou·tes et pour tou·tes !

Jacqueline Triguel, collectifs Questions de classe(s) et Lettres vives, militante à Sud éducation 78

À venir, les premiers mots du « Petit lexique divergent sur l’organisation des établissements scolaires » : fonctionnaire, temps, autonomie, confiance, réunions.

Articles déjà écrits autour des collectifs de travail et de l’anti-hiérarchie :

Introduction au Petit lexique divergent sur l’organisation des établissements scolaires. Neo-management vs collectifs de travail autogestionnaires.

Fonctionnaires : sujet·tes ou citoyen·nes?

– Souffrance d’être collègues

Loi Rilhac et hiérarchie dans les écoles : résistons ! – L’exemple de la hiérarchie dans le 2nd degré

« Pour le bien des élèves »

Quand la violence institutionnelle s’exerce devant nos yeux, que faisons-nous ?