Une recension de Dominique Costantini

L’ouvrage collectif, codirigé par Pierre-François Moreau et Michaël Pouteyo, offre un premier aperçu de la diversité des travaux de recherche philosophique sur la pensée de Deligny. Instituteur, éducateur, écrivain, cinéaste et expérimentateur, Fernand Deligny travaille durant plus de soixante ans autour de l’enfance en marge mais sans jamais chercher à éduquer, guérir, adapter, ni même aimer. Au gré des circonstances et des occasions, il construit avec les enfants des conditions d’existence différentes et des dispositifs qui mettent en réseau. Il invente des pratiques qui rendent possible la vie en commun.

On trouve dans ce recueil de multiples repères pour expliquer et comprendre son œuvre, désormais accessible au public. Bien plus, et c’est tout l’intérêt de l’ouvrage, il stimule notre imagination. Il invite à prolonger ces recherches pour penser, agir, vivre en commun et modifier notre idée même de ce qui définit l’humain. « … c’est que la présence proche d’enfants qui vivent la rupture du langage permet de percevoir notre propre camisole idéologique ». F. Deligny, Le croire et le craindre, Stock, Paris 1978, p 60.

Voilà un livre de philosophie qui ne s’adresse pas aux seuls philosophes. Il s’ouvre à tous ceux qui s’interrogent sur leur pratique, en dehors ou à travers les institutions, ceux qui souhaitent transformer leur posture pédagogique. Qu’ils soient éducateurs, travailleurs sociaux, étudiants ou formateurs en sciences de l’éducation, psychologie et anthropologie, tous ceux qui pensent et agissent dans l’espace politique qui est le lieu du commun.

Pierre-François Moreau et Michaël Pouteyo (dir.), Fernand Deligny et la philosophie, un étrange objet, sous la direction, ENS Éd. (Coll. La croisée des chemins), 2021, 213 p., 22 €.