J’ai lu le récit autobiographique de l’enfance de Raphaël Romnée quasiment d’une traite. Il y raconte son enfance sombre et misérable dans une famille ouvrière de la Thiérache complètement déstructurée. Père un peu trop porté sur l’alcool et mère souffrant de graves troubles psy… On peut difficilement faire plus triste dans ces années cinquante et soixante d’une France rurale et prolétarienne.

J’ai connu Raphaël dans les années 90 et 2000 au sein de la CNT Région parisienne. C’était un camarade charismatique et pédagogue à la solide culture syndicaliste révolutionnaire, un militant combatif et un « organisateur » du syndicat. Il est co-éditeur de la revue Fragments, revue de littérature prolétarienne et c’est maintenant un écrivain publié chez Plein chant, éditeur spécialisé … dans la littérature prolétarienne. La boucle est bouclée et son récit, écrit et décrit à la troisième personne, en livre les traces et les prémisses. Son usage du “il” pour parler de ce petit garçon pèse très lourd dans la justesse et la force d’un récit écrit à l’économie. Je l’écris en toute franchise tant les autobiographies, plus encore peut-être quand on connait l’auteur, sont souvent sans distance et larmoyantes. Mais ce petit garçon asthmatique et gringalet grandira, résistera, ballotté de lieu en lieu, de parentés en internat, découvrira les livres et se construira malgré le chaos. On attend vivement la suite qui couvrira les années post-68 à Paris.

Raphaël Romnée, Les couleurs troubles de l’enfance, éd. Plein chant (coll. Voix d’en bas), 2021, 160 p., 15 €.
Le site de l’éditeur : http://www.pleinchant.fr/
Fragments : https://www.questionsdeclasses.org/Fragments-revue-de-litterature&