Le meilleur livre que j’ai lu depuis des années. Un livre pour temps de lutte et de grève.

C’est poétique, il y a du vent, une île, un phare, des gens vivants. Le gardien du phare, le professeur, la maîtresse d’école, le curé, les mouettes…

On venait ici trouver refuge, on fuyait le continent parce qu’on n’y arrivait plus, qu’on cherchait un mieux-vivre, un mieux-être, ou pas forcément mieux d’ailleurs. On voulait trouver une manière d’être comme soi, tout simplement.

Et dans cette île, il y a des chats, ces animaux qui n’en font qu’à leur tête, dont la vertu première n’est pas l’obéissance.

Les chats, je les aime parce qu’ils ne nous sont pas soumis. Ils viennent parce qu’ils le veulent, non par habitude, ou de ne pas savoir où aller.

Matin brun* nous racontait les chiens, ce livre-là nous raconte d’abord les chats.
Puis, ils ont disparu, sans qu’on s’en aperçoive vraiment d’ailleurs…

C’est le problème avec les chats, ils sont tellement libres qu’on a mis du temps à remarquer leur absence, ou que leur nombre diminuait doucement.

Alors, les autorités du continent les remplacent par des chiens.

Les dirigeants avaient vite compris que pour asservir les gens aujourd’hui, il ne fallait plus la force, il fallait créer le manque et le besoin.

Ces chiens, il faut maintenant les appeler des chats. Et que se passe-t-il quand on appelle un chien, un chat ? Quand le sens des mots est détourné ? Ça devient très politique. Certains îliens pensent que nommer ces bêtes chien ou chat, ça n’a pas de conséquences. D’autres résistent, des hommes et des femmes qui ne sont pas disposés à se laisser faire.

Ce mot était sorti. Des “non-chiens”. Je ne l’oublierai pas ce mot.

Un livre optimiste, qui vous raconte comment le malaise se transforme peu à peu ; comment le non consentement se construit, se diffuse. Un livre qui vous donne de la force, du sourire, de l’enthousiasme.

128 pages de bonheur et de conscientisation à offrir pour Noël en toute confiance.

Isabelle Aupy, L’homme qui n’aimait plus les chats, éd. du Panseur, 2019, 128 p., 12,50 €.

C’est une langue étrange ça, le convaincu, une langue à sens unique faite des mêmes mots que nous, mais un peu différente : elle ne connaît pas les points d’interrogation.

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* Matin brun de Franck Pavloff, 12 pages ; Cheyne éditeur, mai 2002 ; 2,50 € / ISBN-10 : 2841160297

L’État Brun interdit la possession de chiens ou de chats non bruns. Puis, un nouveau décret impose l’arrestation de tous ceux qui auraient eu un animal non brun dans le passé. Une dystopie qui montre l’effet des petites compromissions successives.
Si vous ne l’avez pas lu, courrez chez votre libraire.

Par mesure de précaution, on avait pris l’habitude de rajouter brun ou brune à la fin des phrases ou après les mots. Au début, demander un pastis brun, ça nous avait fait drôle, puis après tout, le langage c’est fait pour évoluer et ce n’était pas plus étrange de donner dans le brun, que de rajouter putain con, à tout bout de champ, comme on le fait par chez nous. Au moins, on était bien vus et on était tranquilles.

On aurait dû dire non. Résister davantage, mais comment ? Ça va si vite, il y a le boulot, les soucis de tous les jours. Les autres aussi baissent les bras pour être un peu tranquilles, non ?

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