« Qu’une aile de bâtiment soit mal chauffée, qu’un enseignant « parle mal » aux élèves et les colle « pour un rien », que Madame Martin ne se trouve pas dans la salle prévue, que l’emploi du temps comporte trop de « trous », que des poignées de porte de toilettes soient cassées, qu’il n’y ait plus de papier hygiénique (…) sont des reproches souvent adressés à la vie scolaire… amenée à y répondre, au nom de l’institution. »

C’est là le sujet du livre, issu d’une thèse de doctorat : tout ce que Conseillers principaux d’éducation et Assistants d’éducation font, avec d’autres personnels, pour que « tournent » les collèges ; ou comment, quand tout est désarticulé et mal nommé (vie scolaire, communauté éducative), quand ladite institution scrutée par l’auteur a d’autant besoin de béquilles que le ‘défaut éducatif’ est au centre, on bricole tant que faire se peut autour de cette particularité française qu’est la ‘vie scolaire’, entendons ceux qui font le sale boulot (petites et grandes questions du quotidien, sanctions).

Mais cet ouvrage n’est pas un livre d’humeur, encore moins de mauvaise humeur. C’est une enquête très solide : cinq collèges choisis pour leur diversité (un collège privé parmi eux), un lycée public, 159 entretiens auprès des élèves et des divers personnels, profs inclus. Même si le titre, trop général, ne traduit pas clairement l’objet du travail, il reprend une des questions de l’auteur autour de la responsabilité des enseignants, l’ouvrage alternant éléments d’enquête (paroles des uns et des autres, statistiques, explications) et réflexions de fond, sur les sanctions d’abord, et sur cette dichotomie particulière au second degré entre enseignement et éducation.

Le fait que l’auteur soit lui-même CPE, qu’il travaille et publie depuis près de dix ans sur ce sujet ne donne pas seulement à l’ouvrage son poids de crédibilité ; il participe à un « connais-toi toi-même » professionnel dont on aimerait bien qu’il soit entrepris avec le même sérieux, le même équilibre entre connaissances et réflexion au sein de toutes les catégories de personnel de cet étrange puzzle qu’est l’établissement du secondaire.

Alain Garcia, Le pouvoir des profs : Critique de l’éducation négative dans les collèges et lycées français, Champ social, 2019, 281 p., 23 €.
Les 20 premières pages : http://champsocial.com/extrait-Le_pouvoir_des_profs_Critique_de_l_ducation_n_gative_dans_les_coll_ges_et_lyc_es_fran_ais,1085.pdf