« Il ne s’agit pas de prétendre que les neurosciences vont résoudre des problèmes pédagogiques, imposer des préceptes didactiques ou dicter des règles éducatives, et surtout pas qu’elles vont remplacer les sciences de l’éducation. Notre conviction est qu’elles peuvent cependant soulever de nouvelles questions, conforter ou disqualifier des pratiques intuitives (…). Sans apporter de réponses définitives et irréfutables, elles contribuent à enrichir notre réflexion. »

L’objectif de ce bref ouvrage est clair, comme l’est, chapitre après chapitre, l’exposé des connaissances et des problématiques apparues récemment : pas de prescription, mais pas d’ignorance crispée non plus. Car l’invocation des neurosciences par un ministre réactionnaire ne doit pas nous faire jeter le bébé avec l’eau du bain.

Quand on est élève, savoir ce que l’on fait (ce que font nos neurones) quand on comprend et qu’on apprend permet d’être à l’élève d’être plus conscient, partant plus en maîtrise, et moins soumis à la leçon de morale ou à la prescription vague (« Apprenez la leçon pour la prochaine fois ») : la nécessité de la réactivation mémorielle et ses rythmes n’apparaissent plus comme une pure et simple contrainte venant de l’adulte ou un diktat idéologique (« la nécessité de l’effort ») mais comme une nécessité biologique.

De même, la prise en compte des émotions dans l’apprentissage n’est pas un effet de la sensiblerie de certains, mais une réalité psychique : en prendre conscience peut certainement accroitre, pour les enseignants comme pour les élèves, une relation plus tranquille, et, du coup, plus maîtrisée à ces éléments perturbateurs ou motivants, et inévitables, que sont les affects.

Concret, l’ouvrage s’intéresse également à l’attention et à l’interaction des fonctions cognitives et à la flexibilité mentale, notamment en rapport avec l’âge. On y apprend beaucoup, ou, si l’on a déjà eu ce type de curiosité, on y trouve matière à révision et recadrage.

Il y a toujours un réflexe de recul quand on constate les bases physiques de son comportement, ou l’ignorance que l’on a de tout ce qui se passe « là-dedans » , ignorance que les neurosciences commencent tout juste à entamer. Tout en générant toute une série de neuromythes, auxquels Nicole Bouin consacre tout un chapitre.

Il faut donc aller au-delà aussi bien de l’effet de mode et du phénomène de croyance (sur lesquels joue la manipulation politicienne) que du dédain frileux : Nicole Bouin, militante pédagogique, longtemps enseignante en lycée pro et formatrice, nous y aide bien.

Jean-Pierre Fournier

Nicole Bouin, Enseigner : apport des sciences cognitives, Canopé (coll. Éclairer), 2018, 152 p., 9,90 €.

[**Interwiew de l’auteure*]