Ce mardi 6 décembre 2016 est le jour officiel d’annonce des résultats de la nouvelle enquête internationale sur l’éducation “PISA”.

L’occasion, au-delà du décryptage médiatico-politique des résultats, de revenir sur ce Programme international de suivi des acquis des élèves lancé en 2000 (dans 43 pays contre 70 en 2015).

Une entreprise à l’échelle planétaire, couronnée de succès au point d’être devenu un incontournable (on ne dit même plus “le” Pisa, comme il conviendrait, mais “Pisa” tout court…)

Et pourtant, Daniel Bart et Bertrand Daunay, dans un récent ouvrage intitulé Les blagues à Pisa viennent sérieusement écorner voire désacraliser la rigueur de cette enquête qui, pour peu qu’on se penche scientifiquement sur ses milliers de pages, tourne effectivement à la “blague”.

En marge de leurs recherches, ces deux universitaires ont collecté “bizarreries”, “curiosités” et “contradictions” qui scandent ces travaux financés par l’OCDE, à travers l’exposé des analyses mais aussi dans les exercices qui servent de support à cette enquête. Des “blagues” qui s’accumulent au gré de l’inflation éditoriale de Pisa (2 505 pages en 6 volumes pour le rapport PSIA 2012 !)

L’ouvrage présente les caractéristiques du fonctionnement du discours du Pisa, son “raisonnement circulaire”, sa parole d’autorité, ses affirmations parfois très douteuses (sur l’intelligence innée…) mais aussi un florilège de “blagues” issues de la “littérature” Pisa et rassemblées en fin de volume. Les fausses évidences succèdent aux déclarations incantatoires… le tout asséné avec la suffisance de ceux qui savent qu’ils ne seront pas critiqués ni contestés…

“Force est de constater que ceux qui aiment l’école affichent un meilleur rendement que les autres” (2001, p. 117)

“La forte variation de la performance entre les sexes en compréhension de l’écrit n’a rien d’un mystère : elle est imputable aux différences d’attitudes et de comportements qui s’observent entre garçons et filles” (2011c, p. 16)

“Les élèves sont beaucoup plus susceptibles de se livrer à un apprentissage de haut niveau en utilisant diverses stratégies s’ils sont motivés, s’ils ne sont pas anxieux à propos de leurs apprentissages et s’ils sont sûrs de leurs capacités” (2004, p. 166)

“L’intelligence et les aptitudes innées des élèves varient.” (2014c, p. 71)

“La tradition confucéenne peut être un atout, mais elle n’est pas un gage de la réussite.” (2014c, p. 192)

On laisse aux lecteurs et lectrices le soin de découvrir toutes ces formules qui tournent en boucle, qui se répètent à l’infini. Ces analyses sur les mathématiques qui se retrouvent, mot pour mot, dans l’explication des écarts des résultats concernant la maîtrise de la langue, les exercices loufoques pourtant sensés illustrer “la vraie vie authentique” des élèves… Une certaine bouffonnerie qui rend l’emballement médiatique autour de l’annonce de ces résultats d’autant plus suspect.

Reste malgré tout, le moins drôle, la mise en évidence, en ce qui concerne l’école française, d’une formidable machine à creuser et légitimer les inégalités… on n’avait pas besoin de Pisa pour le savoir, d’autant que la répétition, de rapports en rapports, de cette triste réalité, n’a pour l’instant toujours rien changé au choix de l’élitisme dans le système éducatif de la France. Et là, fini de rire…

Les blagues à Pisa, le discours sur l’école d’une institution internationale , Daniel Bart et Bertrand Daunay, éditions du croquant, 2016, 131 p., 12 €.

À lire aussi, sur le site Q2C “Pisa, un fétiche utile à quoi ?”