Notre camarade Catherine Chabrun a introduit le salon Freinet par ce texte que nous avons plaisir à reproduire ici

Pour introduire le Salon de la pédagogie Freinet, ces quelques mots

On ne peut œuvrer à une autre école sans se soucier de la marche du monde, sans s’attacher, dans et hors de la classe, à le transformer. On ne peut lutter contre la montée de l’extrême droite, les crises économiques et écologiques générées par le libéralisme avec le développement du chômage et de la pauvreté, l’expansion des conflits armés… en perpétuant une pédagogie conservatrice, autoritaire, compétitive et inégalitaire.

Le mouvement Freinet depuis ses débuts a toujours articulé l’engagement social et éducatif.

Avec un contexte bien particulier : le sanitaire

Avec la pandémie, les protocoles sanitaires se suivent dans les écoles avec de fortes contraintes pour les enfants et les adultes, dont entre autres, le port du masque obligatoire en intérieur et en extérieur pour les personnels et les élèves dès le CP et la limitation des brassages des classes pendant la restauration en primaire.

L’état d’urgence sanitaire se prolonge jusqu’au 31 juillet 2022 avec notamment le passe sanitaire. Le gouvernement peut donc prendre certaines mesures pour limiter les déplacements ou les accès à certains établissements.

Sans oublier le contexte politique et l’économique !

Le chômage, la pauvreté, le repli sur soi et le rejet du politique, la montée des nationalismes, le dérèglement climatique et ses catastrophes « naturelles », les guerres exportées, la place du religieux…

Macron surfe sur ce contexte et prend des mesures favorisant les plus riches des citoyens, les grandes entreprises et leurs actionnaires… avec par exemple : la transformation de l’ISF (impôt sur la fortune) en IFI (impôt sur la fortune immobilière) ou de la mise en place du PFU (prélèvement forfaitaire unique) sur les revenus du capital.

En revanche, les ménages les plus modestes souffrent de la hausse de la fiscalité sur l’énergie qui pèsent davantage en proportion de leur revenu.

Les chômeurs sont suspectés, l’âge de la retraite est dans le viseur…

Au Parlement, l’opposition n’est guère écoutée, les amendements sont le plus souvent rejetés

Quant aux citoyens, même s’ils sont touchés par les mesures, ils les subissent passivement. Certains sont même sensibles aux discours de Macron. Surtout quand celui-ci jouent sur les peurs de l’étranger et de l’immigration.

Bien sûr il y a des opposants de gauches, d’extrême gauche… mais leurs voix sont trop inaudibles car recouvertes par leur égo, on le voit bien pour les présidentielles.

Et l’éducation ?

 L’école est de plus en plus inégalitaire, non seulement elle reproduit les inégalités sociales en son sein, mais elle les développe. Excellente pour les bons élèves, inefficace pour un quart d’entre eux et tout juste moyenne pour les autres. Les différentes études internationales ne nous épargnent pas, l’école française est une des plus inégalitaires.

Ses résultats sont corrélés aux origines sociales des enfants et de jeunes. Plus l’origine sociale est élevée plus les résultats scolaires sont bons, meilleur est le choix des bonnes filières qui débouchent sur des études longues et plus l’insertion professionnelle est satisfaisante… à l’autre extrémité les résultats sont très faibles, les orientations dans des filières sont imposées, les études sont courtes – s’ils ne décrochent pas – et au bout de la scolarité, pour beaucoup d’entre eux des emplois précaires et le chômage.

Comme la méritocratie est au cœur du système, il ne se remet pas en cause, il rend responsable l’enfant, le jeune et sa famille.

Aujourd’hui, l’accès aux connaissances et à la culture reste réservé aux enfants et aux jeunes des couches sociales les plus favorisées. Il se fait le plus souvent à l’extérieur de l’école par ou avec les familles. L’école ne compense guère…

De plus se développe pour les familles populaires la non-compréhension de l’attente du système éducatif qui reste dans l’implicite aussi bien dans la classe, que dans l’établissement – ces fameuses « clés » !

Ce n’est pas ce qu’a préconisé Jean-Michel Blanquer pendant ce quinquennat – même s’il en est fier –  qui a changé ces constats sur l’École en France !

Articuler l’engagement pédagogique et social

L’harmonie entre sa pratique professionnelle, ce qui entoure l’école, ce qui se passe dans la société, dans le monde se réalise plus difficilement.

De nombreux quartiers souvent excentrés subissent de plein fouet la crise économique, sans oublier les zones rurales ou rurbaines… De plus en plus d’enfants et de jeunes vivent dans la pauvreté et  arrivent à l’école avec des bagages parfois très lourds de difficultés sociales.

Il est plus rare aujourd’hui de trouver des enseignants investis sur le territoire de leur école, surtout en zone urbaine. Souvent ils résident loin ou ne partagent pas forcément les espaces de vie de leurs élèves… la distance se creuse entre ce qu’ils vivent et ce que vivent leurs élèves. Les nouveaux enseignants sont maintenant très diplômés et de moins en moins issus des couches sociales populaires, ce qui rend certains d’entre-eux moins perméables aux difficultés sociales que rencontrent leurs élèves.

Leur engagement social peut se faire dans les syndicats, les partis politiques, les associations humanistes… mais comme le regrettait Freinet dans les années 20, on voit des syndicalistes révolutionnaires, mais beaucoup moins d’instituteurs révolutionnaires.

Et la pédagogie Freinet ?

Les situations pédagogiques que vous allez découvrir pendant ce salon, où chacun est à son tour auteur et acteur, créateur et réalisateur, ouvrier et ingénieur, artiste et technicien, manuel et intellectuel, enseignant et enseigné, sont bien parties prenantes d’une éducation qui conduit  l’enfant vers l’homme ou vers la femme, citoyen ou citoyenne capables de prendre sa place dans la société et  d’agir à son tour  sur elle pour la transformer. Une véritable formation de l’être humain et du citoyen qui vise l’autonomie de pensée et d’action et la capacité d’exercer ses libertés en les articulant avec celles des autres, d’élaborer des règles collectivement, d’y obéir sans être soumis.

Une éducation qui établit d’autres modes de relation entre les personnes,  entre les connaissances et les cultures, puisqu’elle offre des situations de coopération mettant en œuvre des capacités d’entraide, de partage, d’apprentissage par et avec l’autre et laissant le temps de construire des relations, des connaissances.

Une éducation qui forme des individus désireux d’appréhender le monde dans sa complexité et conscients d’appartenir à l’Humanité puisqu’elle donne à chacun les capacités de lire, de comprendre, de raisonner, d’imaginer, de créer, d’articuler ses désirs personnels avec les besoins du collectif.

Une éducation qui permet à chacun de connaître et reconnaître sa propre culture et ainsi la relier à la culture universelle.

La pédagogie Freinet permet à l’enfant et à l’adolescent d’expérimenter des situations authentiques de solidarité, de fraternité, de coopération,  de compréhension de l’autre avec ses différences et ses ressemblances, des situations où vivent nos valeurs, des valeurs que nous reconnaissons comme fondamentales et qui définissent le type d’humanité que nous voulons réaliser.

Une généralisation de ces pratiques dans tous les temps et espaces éducatifs pourrait permettre  la construction d’un autre monde d’humanité.