Mardi, nous commençons en 5e avec un exposé d’élèves. Concentration, prise de notes, nos rituels sont bien en place depuis la rentrée. Moi aussi j’observe les élèves qui ont la parole pour pouvoir leur faire un retour après leur oral.

Mais… Maya* interrompt l’exposé, brisant nos habitudes : « madame, Laurie est en train de pleurer ». Je suis confuse : la salle est en îlots, Laurie est dos à moi, et je n’avais pas remarqué ses pleurs. Je m’accroupis auprès d’elle pour savoir ce qui se passe : elle a un mal de tête atroce. Elle est allée à l’infirmerie, évidemment, mais les 17 élèves qui faisaient déjà la queue devant sont venu·es à bout, malgré elles/eux, de la patience de ma collègue infirmière qui a renvoyé Laurie en cours.

Pincement au cœur. Je m’excuse auprès de Laurie, lui explique la situation, le surplus de travail des infirmières depuis la rentrée (en réalité, depuis 2 ans ! Sans recrutement, sans soutien institutionnel ! Mais ça, je le garde pour moi). Je lui demande s’il y a quelqu’un à la maison auquel cas elle pourrait aller à la vie scolaire pour demander à ce qu’on vienne la chercher et se reposer chez elle. C’est ce qui se passe. Elle revient pour repartir 20 minutes plus tard.

Mercredi. En 3e. Valentine est une élève plutôt réservée, mais toujours souriante. Aujourd’hui, je la trouve très fermée. Je lui demande si elle va bien.

Elle se met à pleurer et m’explique qu’elle ne se sent pas bien depuis son arrivée au collège et qu’elle s’est fait engueuler par l’infirmière qui lui a dit qu’elle n’aurait jamais dû venir en cours dans cet état et l’a renvoyée en classe.

Pincement au cœur, encore.

Retourner à la source du problème, toujours. Les conditions de travail, le virus qui met à mal les missions d’accompagnement habituelles des infirmières, la saturation.

Je chuchote tout cela à Valentine et m’excuse auprès d’elle, au nom de tou·tes, des adultes qui l’entourent et qui sont parfois impuissant·es, parfois excédé·es, mais pas à cause d’elle, pas à cause des élèves (et même pas à cause du virus, mais à cause de la gestion catastrophique et maltraitante de la pandémie par le ministère, mais ça, je le garde pour moi).

Une élève s’exclame : c’est pour ça qu’il y a grève demain, ils ont raison les profs !

Calimero

*Les prénoms ont été changés