Jeudi dernière, il y a eu la journée contre le harcèlement. A ce propos, Violaine Kubiszewski, une universitaire spécialiste du sujet, écrivait dans Le Monde : « Il existe des risques accrus de harcèlement dans les milieux où la compétition entre élèves et la comparaison sociale sont saillantes. Ce serait moins le cas si on mettait l’accent sur les progrès individuels et la réussite par rapport à soi-même. Notre système méritocratique n’est pas idéal pour penser collectif et entraide. Qu’est-ce qui est valorisé durant la scolarité : être le « meilleur » ou prendre soin d’autrui ? »

La question est posée au fond, qui, sans évacuer la responsabilité des auteurs, permet de réfléchir et d’agir.

Samedi, la presse a fait un large écho à la manif’ des femmes contre la violence. On a redit que certaines de nos élèves, en lycée, ne sont pas à l’abri de la contrainte, de la brutalité, y compris dans un couple en formation. Quant aux cours de récréation, plus tôt… Peut-être le mâle violent affiche-t-il d’autant plus son pouvoir que, débutant, il a à « faire ses preuves »devant ses pairs ou sa propre conscience machiste.

Violence masculine : volonté, affirmation, marque de domination. Tout le monde en souffre, les hommes compris (lire le texte du psychologue canadien Michael Kaufman sur les « sept P » de la violence masculine). Et tout le monde peut en connaître les remèdes : pour reprendre la première citation « collectif, entraide » et, avant, pendant, toujours, ce que les pédagogues savent : la parole organisée, régulière, au cœur de la vie de la classe (conseil de Freinet ou de Oury, ateliers-philo de Tozzi ou de Lévine).

« Ah mais bien sûr », vont sourire les désabusés avant d’avoir essayé ou les sceptiques. « Mais oui », répondront ceux qui savent que ces pratiques sont une longue patience, un réajustement permanent, jamais une garantie absolue.

Mais c’est dans ce cadre que j’ai vu cesser le harcèlement d’un élève agressé parce qu’il était tout le temps plongé dans sa lecture : ses violentes accusatrices et harceleuses (là les rôles garçons-filles étaient inversés!) sont devenues ses gardiennes.

Donnons-nous le pouvoir de donner du pouvoir à nos élèves, ce sera un apprentissage inverse de celui que l’organisation sociale et l’école, volens nolens, donne souvent : celui de la domination, celui de la violence. Ce sera plus difficile, plus long, mais certainement plus efficace que les vains discours officiels.