À lire sur le site The Conversation un article signé Syvain Wagnon, Delphine Patry et Mathieu Depoil écrit en collaboration avec l’équipe des CEMEA Occitanie.

 

Inventés il y a presque un siècle au Danemark, les terrains d’aventure sont des espaces d’activités libres destinés aux enfants, qui leur permettent de se réapproprier l’espace public. Depuis quelques années, les projets de création autour de ce concept se multiplient en France. Comment analyser ce regain d’intérêt ? Ces terrains constituent-ils des champs d’expérimentation et d’éducation d’un nouveau genre ?

Leur histoire commence au début des années 1930, sous l’impulsion de Carl Theodor Sørensen (1893-1979). Cet architecte paysagiste danois réfléchit à une nouvelle forme d’espace, où les enfants pourraient laisser libre cours à leur esprit d’invention, tenter de nouvelles expériences, et où l’empreinte des adultes serait minimale. Son objectif est de leur permettre d’imaginer et de construire leur univers propre.

En 1943, le premier terrain d’aventure voit le jour à Emdrup, dans la banlieue de Copenhague. Mais c’est en Angleterre que le mouvement prend de l’ampleur, dans un pays où le terrain d’aventure va se définir en opposition au square, cette aire de jeux citadine normalisée.

Dans les années 1950, tout s’accélère sur le continent européen (Danemark, Suède, Suisse, Allemagne, France). Face à une densification urbaine croissante, les terrains d’aventure fleurissent au pied des immeubles en construction.

Utopies éducatives

Les initiatives se concrétisent après mai 1968 sur la base d’utopies éducatives et politiques. Les terrains vagues des banlieues se convertissent en espaces de jeux et de découvertes. Le phénomène se retrouve ensuite aux États-Unis à Berkeley, à partir de 1979 et au Japon.

En France, les projets se développent comme de nouveaux espaces de luttes écologistes. Le terrain d’aventure devient le lieu de pratiques éducatives antiautoritaires, de nouvelles formes collectives de vie et d’appropriation des terrains vagues urbains. Dans un article du Monde signé Katie Breen et publié en 1976, Dominique d’Allaines-Margot relate ainsi son expérience d’animatrice dans la cité nouvelle de Bouffémont dans le Val-d’Oise :

« Le terrain d’aventure propose à l’enfant un rôle, une attitude tout à fait différents de ce qu’on lui impose d’habitude. À l’école, on lui demande de réciter ses leçons. À la maison, il faut qu’il soit sage… Au jardin public, les structures de jeu sont faites pour grimper, pour sauter, et elles suscitent toujours certains gestes. Sur le terrain d’aventure, on dit à l’enfant : « Tout est permis. Mais on n’attend de lui rien de bien précis ».

Les terrains d’aventure des années 1970 et 1980 sont des espaces d’éducation populaire, comme celui de Bellevue, à Nantes, ou de la Meinau, dans la banlieue strasbourgeoise, où les enfants réalisent eux-mêmes les jeux grâce aux matériaux de récupération et aux outils qui sont mis à leur disposition par des éducateurs qui les guident et les accompagnent.

Lire la suite….