Depuis 2017 les éditions Alternatives économiques éditent chaque année une revue originale de data-design (ou data visualisation) intitulé OBLIK. C’est la rencontre au sommet d’une jeune génération de graphistes (plus ou moins jeunes) avec une équipe de journalistes spécialisée dans la compilation de données et de fat-checking sur les évolutions sociales et économiques de nos sociétés. Les analyses sont certes très proches de celles des économistes atterrés et autres sociologues critiques, mais les faits compilés sont précis, documentés et se passent souvent de commentaire tant ils éclairent les dérives du capitalisme. Ceux et celle qui ont lu celui consacré en 2020 à l’écologie pourront témoigner “qu’au delà des apparences” les illustrations d’Oblik savent dévoiler le vrai et s’attaquer avec précision au faux-semblants des opinions toutes faites.

Cette année le numéro 5 est consacré au féminisme. Comme le promet son rédacteur, Laurent Jeanneau,  il ne s’adresse bien évidemment pas qu’aux femmes. “Bien sur elles se sentiront(…) concernées au premier chef par tous les chiffres que nous avons compilés et qui objectivent les inégalités qu’elles subissent au travail ou sous leur toits”. Oblik ne prend pas la tangente : chaque article démontre chiffres et liens à l’appui que loin du spectacle médiatique entretenu sur la question dans les média, le poids de la domination masculine pèse sinistrement sur le destin de la deuxième partie de l’humanité. Je donne deux exemples d’actualités : dans l’article consacré aux “Travaux forcés” on découvre que la part des femmes dans “les métiers essentiels et mal rémunérés” que sont ceux d’infirmières ou d’enseignantes du 1er degré est respectivement de 86 % pour les premières et de 84,1 % pour les secondes. Les premières lignes sont très majoritairement des femmes ! Un autre article démontre, malheureusement sans surprise, qu’en France les stéréotypes de genre prévalent encore majoritairement au choix d’orientation dans les études supérieur. La part des jeunes femmes dans les formations d’ingénieurs plafonne à 28 % quand 59 % des bachelières “optent” pour l’université.

Tous les thèmes, de la violence faite aux femmes en passant par les succès des autrices dans l’édition, sont abordés. Certains articles comme celui consacré à la recrudescence des mutilations sexuelles dégoute et désespère, quand d’autres redonnent espoir sur l’émergence d’une société plus paritaire… Un petit bémol : j’aurais aimé y voir des articles abordant la thématique de façon plus originale ou plus conscientisé : un article sur la participation des femmes aux mouvements d’émancipation militante dans le monde aurait sans doute été très éclairant. Mais le numéro tel quel, est une référence, et pas seulement pour polémiquer à distance dans un apéro en visio. En toute cohérence avec le thème, le numéro a été réalisé à parité, et avec un talent partagé, par des graphistes et illustratrices. Il se termine par un dossier édifiant sur le Lobby des chasseurs  en France :

un contre point pour le coup vraiment sinistre !

Le lien : https://www.alternatives-economiques.fr/oblik5