A Intermèdes-Robinson, notre Centre social est un témoin privilégié de la dégradation des conditions de vie des enfants et des jeunes.
Nous ne comptons plus dans le Nord de l’Essonne, parmi ces derniers, ceux qui ne se soignent plus, ne déjeunent plus ou pas tous les jours, et ceux qui sont en charge d’eux mêmes ou de leurs frères et soeurs encore plus jeunes.
Nous assistons avec inquiétude , non pas à l’abandon des institutions, ou à l’agrandissement de l’écart entre les établissements d’enseignement, sociaux ou de la culture avec ces enfants de plus en plus nombreux, mais à leur … invisibilisation.

La perte de vue des publics

Non seulement le fossé se creuse entre les publics et les possibilités de fréquentation, mais ce sont les institutions elles mêmes qui ne sont plus en mesure de voir et percevoir leurs usagers. Ces derniers s’enfoncent dans une invisibilité d’autant plus grave , que celle ci n’est ni perçue, ni analysée, ni reconnue.
Depuis près d’un an et le début de la période COVID, ce sont des cohortes d’adolescents , de collégiens qui ont perdu le contact avec leur scolarité.
Après les périodes de confinement, ce sont les établissements eux-mêmes qui sont rentrés en crise. Les administrations se sont barricadées. Les profs se sont éloignés de leurs réalités de vie, se sont réfugiés dans leurs préoccupations d’ordre professionnel.

Un décrochage de masse pour les enfants les plus précaires

La distanciation sociale a réussi ! Ce sont ces enfants et ces jeunes qui sont aujourd’hui trop loin pour être raccrochés, ou pour se raccrocher eux-mêmes, avec le moindre espoir scolaire.
Et tout se délite… Ce sont des groupes entiers de collégiens des quartiers sensibles, qui ne fréquentent plus le collège que sur le mode de l’absentéisme, en perlant et distendant leur temps de présence dans l’établissement.
Il s’agit bien d’un processus : les absences pèsent sur un plan disciplinaire , mais aussi sur la capacité et l’intérêt des jeunes eux-mêmes, autant que celui des enseignants à leur sujet.
Les messages condamnatoires reçus sur leurs absences rendent toute reprise de contact difficile et conflictuelle. Un contentieux se renforce entre les établissements et les familles.
Non seulement absents, mais encore inconnus…
Ces enfants peu présents sont encore plus mal connus par leurs profs. D’une certaine manière , dans leur esprit ils ne relèvent plus d’eux, mais d’un traitement dorénavant administratif de “la vie scolaire”.
Mais même quand ils sont présents dans l’établissement, le projet scolaire, le sens du travail qui s’y passe est à ce point perdu que ces jeunes enchaînent des absences en interne, qui ne sont mêmes pas perçues par les adultes, ou avec grand retard.
L’absentéisme “en interne”
Pour un oui ou un non, ils quittent les classes, traînent dans les couloirs, se cachent et il n’est pas rare qu’ils arrivent à sécher plusieurs cours dans une même journée , sans que quiconque s’en avise.
D’invisibles , ces jeunes collégiens, sont ainsi devenus des fantômes qui vivent leur temps éducatif au jour le jour, sans perspective, ni peur, ni espoir.
Et qu’en est-il des plus précaires encore, vivant en hôtels sociaux , chez des marchands de sommeil, en squats ou bidonvilles ? Ils ont disparu entre deux affectations scolaires ; ils sont inscrits dans un établissement éloigné où ils ne vont plus.

Les accrochages impossibles

S’ils y retournent ou s’ils intègrent un nouvel établissement, c’est encore sans lendemain. Il suffira d’une journée de grève, de quelques cours annulés (il est fréquent pour des collégiens ordinaires, d’avoir chaque semaine entre 5 et 6 heures de cours qui n’ont pas lieu), pour qu’à leur tour, ils sèchent les cours qui leur restent pour banaliser une demie journée ou une journée complète.
Ce qui frappe, en plus de l’invisibilité de cette situation, c’est son irréversibilité. Le phénomène n’est ni compris, ni perçu, ni analysé. Il n’y a aucun changement de fonctionnement des pratiques, des conduites, ou de la pédagogie. Envisager cette voie de la réforme, ou du changement des pratiques, est dorénavant considéré comme une idée farfelue. Le enseignants ne font plus équipe ? En ont-ils constitué une un jour ? En tout les cas, chacun gère la défaillance du jeune, dans la plus grande improvisation et sans aucune concertation générale.

Une gestion sans vision

En lieu et place, on multiplie les procédures administratives et les sanctions. Il n’y a jamais eu autant d’enfants précaires, sanctionnés, punis, renvoyés parfois pour des jours entiers dans une seule et même classe.
La gestion des sanctions est devenue une activité en elle même dans laquelle , toute l’énergie disponible de l’institution du collège semble s’être “abîmée”.
Les “colles”, les punitions, les avertissements, les exclusions s’ajoutent les unes aux autres, contribuant à en banaliser le sens et la survenue. C’est devenu “normal”…
Ces jeunes adolescents des quartiers ont récemment intégré en grand nombre les trafics dont les spots et points d’accès se sont multipliés. Nous les rencontrons tous les jours en pied d’immeuble, dans les caves ou les cages d’escalier. Ils mènent désormais une double carrière : collégiens sur le papier , apprentis délinquants, aspirants à un parcours risqué , mais à leur portée.

Une présence inévitable à instaurer

Ces enfants et jeunes ont besoin aujourd’hui de structures, d’acteurs et d’actions dont on ne puisse pas décrocher. Nous n’avons pas besoin de médiateurs en plus, d’ambassadeurs ou de concertation en plus. Toutes ces mesure sont trouvé leurs limites.
C’est le sens des “ateliers ados” mis en place par Intermèdes Robinson- MJC-Centre social, dans le Nord de l’Essonne.
C’est parce que nous pouvons nous porter au devant de ces publics directement sur leur lieu de vie pour établir des relations durables, inconditionnelles et portant sur tous les aspects concrets de leur vie (éducation, santé, scolarité) que nous pouvons agir efficacement sur leur orientation et devenir.