A l’occasion du 8 mars, Claire Corbac a organisé avec ses élèves de CM1-CM2 un débat philosophique à partir de la proposition de Bruce Demaugé-Bost et Olga Azocar : « vaut-il mieux être une fille ou un garçon ? ». Elle nous partage la transcription des débats.

Dès le début, c’est bien de « discriminations » qu’il est question. On peut y lire la persistance des stéréotypes, mais aussi leur remise en question franche et des appels à la mobilisation. « Il faut faire une grande manifestation, pas chacun son tour, pas un par un, racisme, féminisme… non ! Il faut faire une grande manifestation sur tous ces sujets » déclare un.e élève… Paroles d’élèves sur le sexisme, le féminisme, la transidentité les rôles genrés dans une classe de CM1-CM2 d’un quartier populaire du nord-est parisien.

8 mars – paroles d’élèves à l’école primaire

— Moi je préfère être un garçon, mais ça dépend si c’est aujourd’hui ou avant. Parce que si c’est aujourd’hui, ça me va les deux. Mais si c’était avant où il y avait des discriminations, je préfère être un garçon parce que j’ai pas envie d’être victime.
— Moi, avant quand j’étais en CE1, quand je dansais n’importe comment, on me demandait si je n’avais pas envie d’être une fille. On me disait « t’es une fille ratée, avec ta coupe de cheveux ». Même ma famille me disait : « tu ne veux pas être une fille ? »
— Il y a des gens qui sont des garçons : ils veulent être des filles. Il y a des filles qui veulent être des garçons. Ils ne savent pas si c’est pour avoir les attributs d’un garçon ou d’une fille.
— Les garçons, ils travaillent. Les femmes aussi elles peuvent travailler. C’est pas obligé mais des fois elles travaillent à l’intérieur pour préparer à manger. Mais des fois elles travaillent.
— Une fille, elle doit accoucher et ça fait mal. Un garçon, lui, quand il est bébé…. Voilà. Si moi je veux devenir un garçon, j’aurai quand même une douleur. J’aurai quelque chose qui fera mal [circoncision]. Et si je suis une fille, c’est pareil. Il y a des moment où ça dépend quand tu DOIS être un garçon, et des moment où tu DOIS être une fille. Par exemple, si je suis une maman et que je dois trouver des écoles privées pour mon enfant, si la seule école privée qu’il reste c’est une école pour garçons et que mon enfant c ‘est une fille, il y a des moments où ça doit tourner.
— Moi je veux être une fille. Dès que tu nais, si t’es une fille c’est ta destinée, t’es faite pour être une fille et donc toute ta vie tu seras une fille.
— Moi, je dis que c’est mieux d’être une fille, comme ça on peut montrer aux garçons que nous, on peut faire beaucoup de choses, et que les filles sont plus fortes que les garçons. Il y a certaines filles qui sont plus fortes que les garçons. Et que c’est pas que les garçons qui peuvent aller travailler, qui sont plus forts que les filles…
— Moi je voulais dire que c’est mieux d’être un garçon parce que, quand t’es une fille, tu peux facilement te faire victimiser. Mais je dis pas que les filles sont nulles, mais c’est que, en fait, je préfère être un garçon parce qu’être un garçon c’est mieux. Un garçon, ça a de la force.
— Pour moi, être un garçon ou une fille, comme on te donne ce corps… En vrai, c’est bien d’être un garçon parce que tu as des privilèges mais aussi c’est bien d’être une fille, du coup… En fait aucun des deux… Si t’es un garçon, t’auras beaucoup plus de droits parce que les filles elles ont moins de droits que les garçons, c’est pour ça qu’on célèbre la journée des femmes. Par exemple on n’a jamais vu une présidente. Même si elle peuvent se présenter, à chaque fois le peuple il vote pour un président. Depuis que les femmes se sont présentées, il n’y a jamais eu de présidente. Tu peux te présenter mais à chaque fois le peuple choisit un président.
— Je suis pas d’accord quand elle a dit « on est obligées d’accoucher » alors que c’est pas vrai, on n’est pas obligées d’accoucher. T’es pas vraiment obligée, c’est ton droit.
— Il y a aussi des gens, comme ils se sentent mal dans leur corps. Par exemple, il y a une fille qui est mal dans son corps, du coup elle veut devenir un garçon, du coup ils essaient de faire de la transition. Ils veulent devenir trans. Par exemple, les garçons, ils ont plus d’avantages que les filles. La fille elle veut devenir un garçon parce que peut-être qu’elle trouve qu’après, elle aura plus d’avantages que les autres filles.
— Si jamais quand tu nais, tu es un garçon ou une fille, ça veut dire que tu es destiné. Mais aussi j’ai envie de tester d’être une fille ça fait quoi.
— Moi je préfère être une fille parce que par exemple quand tu es mariée tu vas faire tout. Les garçons qui font tout on n’en trouve pas beaucoup. Par exemple les filles savent bien cuisiner, comme ma mère. Elles doivent tout faire à la maison. Les garçons ne font presque rien.
— La dernière fois, quand je suis allé dans la rue, on était avec ma mère, on a bien vu que l’homme il avait une jupe et il était habillé comme une fille.
— Dans les années 1900, les hommes faisaient plus de choses que les femmes. Et maintenant la rumeur, elle dit que entre les hommes et les femmes on est égaux.
— Avant, les hommes ils avaient beaucoup plus de pouvoirs que les femmes, les hommes pensaient qu’elles étaient faibles. Et après 1799, il y a eu un moment où elles se sont révoltées pour les droits des femmes.
— Ça va mener un peu à rien parce que moi, je suis une fille donc je vais défendre les droits des filles, et par exemple L. c’est un garçon et il va défendre les droits des garçons. Et aussi, j’ai pas dit qu’on était obligées d’être enceintes. Mais tu vas bien te marier dans la vie. Tu vas pas rester célibataire. Donc, si tu vas te marier, si ça se trouve, toi et l’homme vous ne serez pas du même avis XXX pas tous les hommes ne veulent pas avoir d’enfant. C’est pas que c’est obligatoire, c’est que dans la vie, pourquoi ne pas vouloir un enfant ? Les enfants, c’est bien ! Toi t’es un enfant.
— Des fois, les femmes ont des privilèges, et des fois, les hommes aussi ont des privilèges. Donc, on ne peut pas vraiment choisir. Moi, comme je suis une femme, j’aime bien être dans ce corps, je n’aimerais pas quitter ce corps.
— Ce qu’a dit M. ça s’appelle « travesti », un homme qui veut se déguiser en n’importe quoi, en femme. Ça existe.
— Je ne suis pas d’accord avec D. C’est pas toujours les femmes qui font toujours la cuisine et l’homme qui travaille. Par exemple, mon père il cuisine, et ma belle-mère elle travaille. C’est l’inverse.
— J’aime bien être une femme pare qu’on vit plus longtemps que les hommes.
— Moi en vrai, j’aimerais être une femme parce que rester à la maison et faire à manger pour les enfants, moi des fois je fais ça. Quand tout le monde est parti, des fois, je m’occupe de mon petit frère.
— J’ai lu un livre qui parle d’une fille et son grand frère. La fille elle était obligée de faire le ménage et le grand frère il ne faisait pas le ménage. Il pouvait jouer. Ça se fait pas.
— Je voulais parler d’avant le féminisme. Avant, il y avait de la discrimination, du racisme, des mots vulgaires sur l’obésité, le physique… et maintenant c’est le féminisme le plus fort. Et le racisme ça ne s’est pas encore arrêté. Ça et les autres choses. Bientôt, il faut faire une grande manifestation, pas chacun son tour, pas un par un, racisme, féminisme… non ! Il faut faire une grande manifestation sur tous ces sujets. Tous ces sujets malfaisants que chaque personne du monde est en train de XXX. Alors que si on discute calmement, chacun va dire ses propositions et chacun va à peu près comprendre ce qu’il veut dire, parce que tout le monde est pareil, et c’est pas parce que quelqu’un est gros, noir, moche, ou garçon ou fille… on peut discuter tranquillement et peu à peu, c’est pas que avec les journaux dire « c’est une grande bataille, une grande manifestation » que ça va s’arranger, non justement : ceux qui manifestent, au contraire on les prend pour les méchants mais en vrai ils veulent juste protéger leurs droits et c’est eux, un peu en vrai, les gentils. Avec leurs actes, on croit qu’ils sont méchants, mais si on discute bien calmement, comme dans les débats philosophiques, on peut comprendre vraiment ce qui est juste et pas juste.
— Pour moi en France, le seul moyen pour changer les lois, c’est de manifester. Les manifestants, ils sont pas méchants, c’est juste qu’ils essaient d’expliquer leurs…
— Les hommes et les femmes, ils ont le même pouvoir mais moi je pense pas que un garçon ça a plus de salaire que les femmes. Des fois il y a des femmes qui gagnent 30000 euros et il y a des garçons qui gagnent juste 1000 euros.
— L’histoire, c’était une fille qui n’avait pas le droit de travailler mais elle s’était déguisée en homme pour travailler. Et après, elle a mieux fait le travail qu’un autre homme. Après elle a enlevé son déguisement et après elle a dit « bah vous voyez, il y a des filles qui sont plus fortes que les garçons ».
— Moi, en CE1, j’avais un livre féministe et je l’ai perdu. Mais je l’ai lu jusqu’à la fin. Il y a des choses que les filles ont plus que les hommes. Il y a des hommes qui disent que c’est elles qui ont tout le temps de la chance. Et moi je pense aussi au football. Les hommes, des fois, ils gagnent des coupes. Et les olympiques lyonnaises féminines, elles ont gagné plus que le stade de Reims masculin.

 

La rubrique « L’imprévu » se propose de relater une fois par semaine des récits de classe de la part de pédagogues engagé.es (vous !) : « moments champagne » (Comme le fait si bien Daniel Gostain sur son blog, La Classe plaisir : http://laclasseplaisir.eklablog.com/) où la coopération fait pétiller le quotidien, ou au contraire, scène de crise illustrant la violence du métier et de l’institution ; récits d’événement pédagogique où l’inattendu entre dans la classe ou compte-rendus minutieux d’une séance bien ficelée, partagez avec nous ces moments de classe qui font rire, réfléchir, pleurer et s’engager ! Ces moments toujours imprévus (Comme c’est le nom de cette nouvelle rubrique, voilà une petite introduction à l’imprévu : https://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/6092) et imprévisibles où le vivant entre par la fenêtre, l’endormi se réveille, les passions s’échauffent.

Il importe de faire parler l’école, de faire entendre son quotidien et ses engagements. Raconter ces instants qui nous brûlent les lèvres à 16h30, mais qui trouvent peu souvent d’écrit pour les garder en mémoire. C’est l’objectif que ce donne cette rubrique.

Lire l’Imprévu #1 – Apprendre ensemble en CM1-CM2, par Arthur Serret : ici
Lire l’imprévu #2 – Les déléguées à l’égalité, par Erwin : ici
Lire l’imprévu #3 – La frise chronologique, par Lily Parent :[ là ->6333]
Lire l’imprévu #4 – Sourire avec les yeux, par Jacqueline Triguel : [ici->6359])]

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