En ce jour de rentrée, et avant la sortie de notre Hebdo n° 5, nous vous proposons son édito.

Jeudi 14, la plupart des écoles auront “rouvert leurs portes”, malgré les avis du conseil scientifique et les alertes lancées par de nombreux/ses personnels et parents.

Bricolage et sécurité au travail

Une rentrée la boule aux ventre, tant les inquiétudes sont fortes, avec le souvenir d’une gestion catastrophique de la crise sanitaire depuis son commencement. Pour Jean-Michel Blanquer qui depuis le début de son mandat se présente comme celui qui va rétablir l’ordre à l’école, on aurait difficilement pu imaginer un tel fiasco : en l’absence de réel cadrage national, chaque circonscription, voire chaque école ou enseignant.e bricole avec les consignes. Si dans certaines équipes, cela a pu être l’occasion d’imposer ses conditions de reprise et ses modes d’organisation, c’est aussi le règne de l’arbitraire des inspecteurs et parfois des directeurs, saisissant l’occasion pour se croire chefaillons. Ici et là, les critères pour accueillir les élèves changent ; ici, les enseignant.es présentes dans les écoles sont volontaires, là on voudrait les forcer à se rendre sur le lieu de travail. Une chose est certaine, il faudra savoir dire non. Nous avons trop l’habitude des quotidiens précaires et du manque de moyen. Il faudra dire non pour refuser le bricolage quand la sécurité ne sera pas assuré. Les Registres de Santé et Sécurité au Travail sont à notre disposition, les syndicats travaillent sur la question du droit de retrait, des préavis de grève ont été posé au cas où les conditions sanitaires ne seraient pas remplies. Toutes nos armes sont prêtes pour pouvoir dire non ; il faudra les utiliser.

D’un confinement l’autre

Et, si la rentrée a lieu, elle se fera la rage au coeur. L’école d’avant revêtait bien des aspects contraires à l’émancipation. Mais celle d’après est encore plus inquiétante : jeux interdits, contacts interdits, bibliothèques interdites… même l'”école-caserne” d’antan offrait plus d’occasions de joie et d’émancipation que celle dans laquelle nous retournons cette semaine. Tout porte à croire que la valeur cardinale de l’école sous-covid sera l’obéissance. Dans certaines écoles, on demande aux parents des enfants turbulents de les garder à la maison. On lit les propos d’un chef d’établissement sur Twitter : « Je ne dévie pas de ma doctrine : le protocole, tout le protocole et rien que le protocole. Je ne m’autorise pas à juger de son bien fondé. Je l’applique, point ». Obéissance des élèves, obéissance des chefs ; bientôt l’aveuglement sera de mise. L’esprit critique sera plus que jamais une vertu politique, une œuvre de salubrité publique.

Après l’école des gestes barrières, l’école des barricades ?

Une rentrée le poing levé parce que, malgré tout, et contre vents et marées, nous reviendrons pour construire, avec les élèves, les familles, n’autre école, une école pour partager ses expériences – les douloureuses comme les heureuses – pour imaginer, créer, inventer, subvertir, une école pour relever le défi du monde d’après. Nous partirons du vécu des élèves, pour, avec eux, lui donner du sens et construire ensemble leur savoir. Quand l’école enferme, nous rouvrirons les parcs et ferons l’école buissonnière, dehors. Quand elle isole, seul.e à sa table, nous tisserons des liens, au sein des présent.es et sans oublié.es l’immense majorité des enfants restés confiné.es. Sur la froideur du protocole sanitaire, nous écrirons “HUMANISME pédagogique”. Notre rôle sera de chercher une pédagogie coopérative “sans contact” comme le dit Connac, pédagogie des relations à distance, des partages éloignés. Nous ne confinerons ni notre pédagogie ni notre esprit critique parce que c’est comme ça qu’on fait une école qui respecte les droits de l’enfant, qui respecte tous les personnels.